Algérie

Algérie-FMI: «Ce n'est pas le moment pour des réformes structurelles»



Des responsables du ministère des Finances laissent entendre que la réforme fiscale en cours décidera -en principe- d'instruments pour imposer l'économie informelle. «A défaut, on ferme les activités informelles, on sait où les trouver», affirment-ils.En évoquant le projet de réforme fiscale «qui est en phase d'élaboration et dont le 1er ministre parle», nos sources pensent «qu'il sera question d'alléger les impôts pour que les parties imposables s'en acquittent sans pression et notamment pour en convaincre ceux qui sont dans l'informel, sinon des mesures rigoureuses vont être prises pour les obliger à le faire». A défaut, disent ces responsables, «en dernier recours, il sera procédé à la fermeture -sans délais- des activités informelles, on sait où elles se trouvent, on n'a qu'à voir les grandes concentrations de commerces qui ne possèdent pas de factures encore moins de registre de commerce (...)».
A une question sur le pourquoi du comment du manque de liquidités dans les bureaux de poste, ces responsables nous répondent qu'«il n'y a pas de manque de liquidités mais c'est une mauvaise organisation». Selon eux, «avec 25 millions de comptes CCP, les bureaux de poste ne peuvent pas manquer de liquidités, il y en a d'ailleurs dans certaines régions du pays qui refusent de prendre l'argent que les gens veulent verser dans leur compte parce qu'ils n'ont pas où le stocker». Pour nos interlocuteurs «le manque de liquidités est une question d'organisation, les bureaux de poste sont mal organisés, il faut revoir toute leur gestion pour en finir avec cette question récurrente».
Au passage, nos spécialistes de la finance évaluent la circulation fiduciaire à, à peu près, 6.500 milliards de dinars «en comptant avec ce que dépensent les salariés ajoutés aux impôts collectés(...)». Ils interrogent d'ailleurs «pourquoi parle-t-on de 10.000 milliards DA soit 90 milliards de dollars dans le circuit informel, on ne peut avancer un tel chiffre même si on prévient que personne ne détient le montant exact».
Ces faux chiffres «officiels» qui faussent les calculs
A moins, nous disent-ils, qu'«ils ont compté avec les actifs informels, c'est-à-dire tout ce qui a de la valeur mais échappe au fisc, c'est vrai, on a des PME informelles qui détiennent des actifs stockés (équipements, terrains, biens divers....) mais dont les propriétaires ne paient aucun impôt (...)». Ce qui dérange, selon eux, « c'est que ce sont des chiffres qui faussent tous les calculs». Interrogé sur l'éventualité d'émission de nouveaux billets de banque pour que les autorités puissent obliger les détenteurs de l'argent informel à le sortir des circuits souterrains, nos sources du ministère des Finances affirment d'emblée, «d'abord si une telle décision venait à être prise, elle n'est pas du domaine public, elle ne s'annonce pas, elle doit être bien préparée, en plus elle ne dépend pas de la Banque d'Algérie mais c'est une décision d'Etat». L'on nous rappelle «l'expérience malheureuse des années 80 pour le retrait des billets de 500 DA, on ne peut se permettre de la répéter (...)».
Les récentes recommandations du FMI à l'Algérie, entre autres, de lancer des réformes structurelles dès 2022 fait dire à ces responsables que «ni le timing ni l'opportunité ne permettent de les entreprendre tout de suite(...), on n'est pas sous programme, le FMI ne peut donner que des conseils, il ne peut pas nous imposer des conditionnalités».
Comme l'a fait la mission du FMI qui a mené des entretiens du 25 septembre au 3 octobre dernier avec les autorités algériennes, nos interlocuteurs des finances rappellent que depuis 2019, il y a le choc pétrolier, la crise sanitaire qui a touché le monde entier, la récession qui est partout avec son cycle d'augmentation des dépenses budgétaires et des déficits lourds(...)» pour soutenir que «des réformes structurelles dès 2022, c'est de l'utopie, il faut d'abord qu'on sorte de cette spirale». Ces responsables qu'on a contactés après que la mission du FMI en Algérie a rendu public son rapport (voir le Quotidien d'Oran du mardi 5 octobre), insistent sur le fait que «des réformes structurelles sont certes nécessaires mais c'est une question de timing, l'opportunité n'y est pas, les circonstances actuelles ne le permettent pas parce que tout dépend de ses aléas et bien d'autres qui pèsent sur notre économie comme celle mondiale d'ailleurs». Nos sources pensent que «l'analyse de la mission du FMI est peut-être réaliste mais pas réalisable tout de suite et dans une conjoncture pareille où les contraintes sont réelles».
«Le FMI s'enferme dans une doctrine»
Pour eux, «tout n'est pas blanc et tout n'est pas noir, on n'est pas sous-programme du FMI, donc son rôle est de donner des conseils, mais qu'ils soient réalisables». L'on nous rappelle que depuis 2013, «le dinar a connu une dévaluation de 45% en nominale, mais ça n'a pas suffi parce qu'il n'y a pas eu de consolidation budgétaire, ce qui est évident puisqu'on ne produit rien, on ne peut pas rattraper avec une baguette magique !» Ces responsables soulignent que «la question des subventions est un gros problème, elle ne peut être réglée sans qu'il y ait un ciblage précis sur la base de fichiers dûment établis des populations qui doivent en bénéficier». Ils indiquent que «les ministères de l'Intérieur et des Finances ont commencé le travail, mais il y a aussi l'aspect démographique à prendre en compte parce que de par son importance, il oblige à refaire tous les calculs».
En évoquant «toutes ces contraintes qui ne permettent pas de lancer des réformes structurelles dès 2022», nos interlocuteurs reprochent au FMI de s'enfermer dans une doctrine en se contentant de faire une évaluation de l'économie très juste mais en donnant des conseils non réalisables». Dans cet ordre d'idées, ils lui reprochent «de demander à l'Algérie de diversifier ses sources de financements y compris par l'emprunt extérieur». Mais, soutiennent-ils, «on a assez de réserves pour pouvoir faire face à nos besoins financiers». En plus, disent-ils, «qui accepterait de prêter à l'Algérie pour éponger un déficit annuel de 1.500 milliards et à quels taux ' Un endettement extérieur dans une conjoncture pareille peut nous être ruinant». Le FMI veut, font-ils remarquer en outre, que «l'Etat réduise les dépenses publiques, on ne peut pas arrêter les salaires de la fonction publiques !'!». Et, interrogent-ils encore, «pourquoi le FMI veut que l'Algérie s'interdise le financement monétaire, il n'a rien à voir avec la planche à billets, il se fait par le rachat par la Banque d'Algérie des crédits syndiqués que les banques ont accordés aux entreprises, la BA s'est fixé un plafond de 2.100 milliards par an parce qu'elle juge que les capacités d'absorption de l'économie ne dépassent pas ce plafond, on se demande d'ailleurs pourquoi les autorités politiques avancent à cet effet 2.500 milliards '»
L'on note que le FMI évalue annuellement les économies de ses Etats membres au titre de l'article IV de ses statuts. A la section relative aux «obligations générales des Etats membres», l'article en question mentionne que «chaque Etat membre s'efforce d'orienter sa politique économique et financière en vue d'encourager une croissance économique ordonnée dans une stabilité raisonnable des prix, sa situation particulière étant dûment prise en considération».


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