En dépit d’une production qui confirme sa croissance d’année en année, la filière laitière peine à entrer dans un processus d’industrialisation et de modernisation. Ce constat reflète des contraintes importantes qui persistent et empêchent une réelle intégration de la filière.
Présenté la semaine dernière par le ministère de l’agriculture et du développement rural, le bilan de la campagne agricole 2012 fait état d’une production totale enregistrée à la fin décembre dernier d’un volume de 3,088 milliards de litres, contre 2,92 milliards de litres l’année d’avant. Les wilayas de Sétif, Batna, Sidi Bel Abbès et Skikda, à elles seules, concentrent près d’un cinquième (1/5) de la production nationale.
Le même bilan fait ressortir aussi que, «sur un total de 1.518 communes productrices de lait (contre 1.505 communes lors de la précédente campagne), 639 réalisent 80% de la production». Les localités de Mechroha (Souk Ahras) avec 21,4 millions de litres, Bazer Sakhra (Sétif) avec 20 millions de litres et Bitam (Batna), avec 17 millions de litres, se distinguent comme étant «les trois communes leaders dans la production de lait».
Toutefois, selon la lecture faite par des spécialistes en la matière, cette tendance renseigne sur l’éparpillement de la filière sur l’ensemble du territoire national et la prédominance de l’élevage extensif au détriment de développement de grandes fermes de production intensive.
Pour le seul 4e trimestre de l’année 2012, la production laitière enregistrée a atteint 700 millions de litres, ce qui représente 25% de l’objectif global annuel retenu au titre des contrats de performances (2012-2013), fixé à 3,048 milliards de litres. Bien que l’objectif retenu au titre des contrats de performance, tablant sur une production de 2,88 milliards de litres, soit dépassé, la production locale peine encore à satisfaire les besoins exprimés qui dépassent les 5 milliards de litres équivalent lait. Ainsi, près de 40% de la demande locale sont couverts par les importations.
Raison pour laquelle l’Algérie a importé pour un volume de plus de 361.000 tonnes de produits laitiers en 2012. Au niveau de la production locale, c’est la collecte de lait cru qui demeure le maillon faible de la chaîne. Moins de 700 millions de litres de lait, en effet, ont été collectés durant le même exercice, soit moins de 23% de la production globale, (510 millions de litres collectés en 2011). Certes, par rapport aux années précédentes, le taux de collecte a connu une amélioration relative, lorsque l’on sait qu’il ne dépassait pas les 15% il y a cinq ans, mais tenant compte des moyens déployés le résultat enregistré en la matière est loin d’être réjouissant.
76% de taux de collecte
A travers les régions productrices de lait, c’est la tendance vers l’amélioration de la production sur le plan quantitatif qui se confirme généralement, comme c’est le cas des wilayas de Tizi Ouzou et Béjaïa. En revanche, dans ces régions, les appréhensions soulevées par les éleveurs ne sont pas moins importantes. Ainsi, dans la wilaya de Tizi Ouzou, la production de lait cru a dépassé les 90 millions de litres en 2012, selon la direction des services agricoles (DSA). La production laitière confirme ainsi la croissance amorcée depuis 2008-2009, bien que des efforts restent encore nécessaires pour améliorer les autres volets de la filière, notamment en termes d’intégration.
A Tizi Ouzou, c’est au niveau de la collecte que les résultats sont mieux appréciables. A la fin 2012, le taux de collecte a atteint les 76%, soit près de 70 millions de litres. Une augmentation de plus de 15 millions de litres par rapport à l’année d’avant (2011), où la collecte a été de 54 millions de litres. Pour les acteurs de la filière, la hausse du taux de collecte est stimulée par la concentration de laiteries dans la région et la proximité avec les autres wilayas où la production est livrée (Boumerdès, Bouira ou Alger). La wilaya dépasse ainsi les 17 millions de litres, l’objectif escompté dans le cadre des contrats de performances, et elle se classe en 2e position au niveau national, après Sétif, selon le responsable de l’organisation de la production et de l’appui technique à la DSA.
Pour ce dernier, l’«accroissement substantiel de la collecte de lait s’explique par un ensemble de facteurs stimulants, dont la facilitation aux éleveurs des mesures d’adhésion au programme de collecte, ce qui a permis de décupler en l’espace de trois ans seulement le nombre d’éleveurs-livreurs de lait.» Il y a eu également de nouvelles procédures qui ont porté, notamment, sur «la suppression de l’obligation faite aux éleveurs de produire un certificat d’agrément sanitaire, en le remplaçant par une simple attestation d’identification de la situation sanitaire de l’animal producteur de lait», ce qui a encouragé les acteurs de la filière à investir davantage dans l’extension de leurs exploitations. Il est également utile de rappeler que la wilaya de Tizi Ouzou compte un réseau de 92 collecteurs, 9 laiteries et 19 centres de collecte.
Un recul de près de 8 millions de litres
Contrairement à Tizi Ouzou, l’essor de la filière laitière semble évoluer au ralenti, notamment au niveau de la production. Le bilan du renouveau agricole du ministère de tutelle souligne une production globale pour l’année 2012 dans cette wilaya à près de 33 millions de litres, alors que l’année d’avant ce niveau avait atteint les 41 millions de litres selon des indicateurs fournis par l’association de wilaya des éleveurs et producteurs de lait, soit un recul de près de 8 millions de litres.
Néanmoins, sur le long terme, ces résultats ne sont pas pour inquiéter ni les acteurs de la filière ni les responsables du secteur dans cette wilaya, puisque, selon ladite association, «ces résultats sont nettement au-dessus des objectifs tracés au titre des contrats de performance qui étaient fixés à 44 millions de litres à échéance 2014 ; or ce cap sera dépassé dès l’année en cours. A long terme, l’objectif est de 90 millions de litre à l’horizon 2018», selon le président de l’association en question, Abdelhak Rahmani, pour qui «le défi sera facilement relevé si le soutien de l’Etat et l’aide financière continuent à être assurés régulièrement.» Globalement, la production au niveau local représente 55% des besoins exprimés.
Cependant, l’élevage bovin à Béjaïa compte quelque 34.500 têtes dont 13.000 vaches laitières réparties sur 3.700 exploitations regroupant 11 laiteries d’une capacité de transformation de 344.000 litres/jour. De son côté, pour illustrer les opportunités que renferme la filière, un membre de l’association des producteurs de lait de Béjaïa fera savoir qu’«à titre indicatif, notre ferme s’est lancée dans l’élevage en 2006 avec une seule vache laitière et, aujourd’hui, elle en compte 37, dont 11 vêles, 15 nouveau-nés et 10 taureaux d’engraissement, de surcroît l’intégralité des investissements consentis ont été financés sur fonds propres sans aucun soutien de l’Etat.»
Mohamed Naili
les vaches laitières en algerie
fateh menasria - vétérinaire - guelma, Algérie
04/06/2013 - 99148
Algérie - Des éleveurs en parlent. Bureaucratie, absence d’orientation et des fausses solutions:
Les acteurs impliqués dans la production laitière ont accueilli avec appréhension les résultats de la filière fournis la semaine dernière par les différents services affiliés au ministère de tutelle.
Certes, des progrès au niveau de la production sont enregistrés, mais éleveurs, collecteurs et associations professionnelles mettent en exergue des embûches qui entravent encore la filière à des niveaux divers. Interrogé sur l’impact des mesures de soutien déployées par les pouvoirs publics en vue d’encourager l’élevage bovin laitier, le président de l’association des éleveurs producteurs de lait de la wilaya de Béjaïa estime que «les moyens sont là mais ils sont très mal répartis ; avec des chiffres à l’appui, des indus éleveurs ont profité des facilitations accordées à l’importation pour acquérir des vaches laitières pour les détourner à la fin. Très peu ont maintenu leur élevage.»
En ce qui concerne les contre-performances qui persistent au niveau de la collecte et de l’intégration du lait cru dans le processus de l’industrialisation, il fait savoir que «les collecteurs souffrent le martyre avec les laiteries, accusant des retards énormes dans les paiements, cependant la marge bénéficiaire du collecteur est très faible comparativement aux coûts.» A combien est estimé le rendement moyen par vache laitière en Algérie et quelles sont les raisons des contre-performances en la matière ? En réponse à cette question, un gérant d’une exploitation d’élevage de la même région souligne : «Le rendement moyen par vache est loin d’être performant, se situant actuellement entre 12 et 15 litres/jour. La cherté de l’aliment en est la cause directe. Cette moyenne pourrait atteindre facilement les 25 l/j avec une alimentation adéquate. J’entends par là un soutien de l’Etat pour la production de fourrage, semence, gas-oil, etc.»
Echec du recours à l’importation de vaches:
D’autres contraintes tirent vers le bas également la productivité des élevages. C’est le cas, a-t-il ajouté, «des bâtiments qui ne répondent pas aux normes, des chaleurs excessives ou le froid influant négativement sur le bien-être des animaux et, bien évidemment, sur leur rendement. Il y a aussi le manque de suivi nutritionnel en apport vitamines et de soins vétérinaires réguliers, des fièvres récurrentes ou des maladies multiples qui frappent fréquemment les bêtes entravées.» L’autre contrainte majeure soulevée par les éleveurs interrogés est relative à l’accès au crédit d’exploitation pour la modernisation des élevages.
A cet égard, un éleveur de la région de Tizi Ouzou estime que «l’accès au crédit reste difficile pour les agriculteurs, malgré les promesses faites par les pouvoirs publics ces dernières années, et ce, en raison de multitudes de document exigés par les banques, notamment les titres de propriété, sachant qu’en Kabylie, par exemple, le problème de la titrisation foncière est très épineux.» De son côté, un agronome gérant un cabinet de conseil en agriculture rejette l’idée du recours à l’importation de vaches laitières, préconisée comme solution pour l’amélioration de la productivité de la filière. Il estime que «l’importation de vaches destinées à la production laitière est un projet avorté, compte tenu du manque de formation de nos éleveurs, de l’état des bâtiments qui sont loin de répondre aux normes. Ceci dit, au lieu de s’aventurer avec de l’importation du cheptel, mieux vaut encourager la production de vêles localement avec l’encouragement de l’insémination artificielle, ce qui nécessite évidemment une bonne formation de nos éleveurs.
Le développement de race locale, telle que La Brune de l’Atlas ou la Guelmoise, très productive et rustique à la fois est aussi une solution idoine. Pour ce qui est des vaches importées, seule la Momtbéliarde en élevage extensif peut s’adapter à nos reliefs ou la Prim-Holstein en hors-sol.»
Mohamed Naili (El Watan du lundi 14 janvier 2013).
Akar Qacentina - Constantine, Algérie
15/01/2013 - 62716
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Posté Le : 14/01/2013
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Photographié par : Photo: El Watan ; texte: Mohamede Naili
Source : El Watan.com du lundi 14 janvier 2013