Algérie

Algérie - FEUX DE FORÊT: Une sous-estimation dangereuse des impacts écologiques



Algérie - FEUX DE FORÊT:  Une sous-estimation dangereuse des impacts écologiques




La répétition des incendies à des intervalles inférieurs à 10-15 ans, ajoutée à l’absence d’un aménagement préventif du territoire à cette fin, mènera inéluctablement à une catastrophe écologique.

Entre le 1er juin et le 10 juillet, les feux ont parcouru 2.252 hectares; 675 ha de forêts, 451 ha de maquis et 1.126 ha de broussailles pour 173 foyers d'incendies enregistrés dans 28 wilayas (sur les 40 concernées par la surveillance), selon le directeur de la Protection de la faune et de la flore (DGF), Abdelkader Benkheira. Cela avant que durant le week-end du 21 au 23 juillet plus de 300 hectares de végétation ont brûlé dans les massifs forestiers de la wilaya de Béjaia et d’autres incendies ravageurs dans les wilaya de Boumerdès et Sidi Bel-Abbès. Mais ce bilan n’est pas parlant s’il n’est pas consolidé sur une période plus longue, rapporté à la surface boisée et comparé à la situation de nos voisins du pourtour méditerranéen.

Dans une présentation à une étude sur les feux de forêt en Algérie pour la période 1985-2010, Ouahiba Meddour Sahar du département des sciences agronomiques (université Mouloud-Mammeri), recense 42.555 feux de forêt (1.637 par an) et 910.640 hectares détruits. Quand on sait que la surface occupée par les forêts ne représente que 4,1 millions d’hectares, soit à peine 1,7% du territoire national, on mesure la pression exercée sur le maigre tissu forestier du pays. Cette situation très peu médiatisée fait de l’Algérie, le pays où les incendies sont les plus dévastateurs.

L’autre phénomène inquiétant est le court intervalle de retour des incendies sur les mêmes sites. On sait que les forêts méditerranéennes sont régulièrement soumises aux feux. Les espèces traditionnelles comme le chêne-liège, le chêne-vert, le pin d’Alep ont développé à travers des millénaires des stratégies de régénérescence (graines, racines…). Mais la répétition des incendies à des intervalles inférieurs à 10-15 ans, ajoutée à l’absence d’un aménagement préventif du territoire à cette fin, mènera inéluctablement à une catastrophe écologique.

Causes et conséquences sur l’environnement et les ressources

Tous les spécialistes savent que la protection du tissu végétal est d’abord tributaire d’une politique de prévention. Les moyens d’intervention limitent les impacts à condition que le volet préventif permette des alertes rapides et des aménagements territoriaux adéquats pour des interventions efficaces.

C’est dans ce domaine de la prévention, y compris en terme de répression contre les auteurs d’infractions que le dispositif est perfectible. Mais ce n’est pas tout, l’influence du processus de désertification des Hauts-Plateaux sur l’accentuation du climat caniculaire au nord par la formation de voiles de poussières (effet de serre) est un facteur favorisant les déclenchements et la propagation des feux. Aux causes accidentelles (mégots de cigarettes, incinération d’ordures ou de détritus ….), la vox populi évoque souvent la mafia du foncier, notamment dans les wilayas côtières, et la traque de terroristes par les services de sécurité.

En août 2012, la Fédération des travailleurs des forêts, de la nature et du développement rural (UGTA) désignait des lobbies d’affairistes comme étant derrière les incendies, en écrivant dans un communiqué que “les mises en feu sont délibérées, simultanées et planifiées dans le temps et dans l’espace, à travers le choix des zones de départ du feu, pratiquement inaccessibles aux premières interventions”.

Sur la traque terroriste, les chiffres disponibles ne permettent pas de faire une lecture sérieuse. En parcourant les statistiques des dégâts occasionnés (1985-2010), on retrouve un pic important de 271.598 hectares brûlés en 1994, 58.681 en 1993 et des remontées en 2000 et 2007 autour de 50.000 ha.

Si pour les années 1994 et 1993, la situation sécuritaire a probablement influé (opérations des services de sécurité ou actions criminelles des terroristes dans leurs retraites….) cela n’explique pas la fréquence des départs de feu et l’amplitude des dégâts. Par contre, au plan réglementaire, la loi générale sur les forêts qui date de 1984 gagnerait à être révisée au moins dans son volet de la dissuasion.

Le rétrécissement du tissu végétal qui a pour conséquence directe, la perte de la biodiversité avec la destruction des habitats de la faune va réduire considérablement l’attractivité générale et influer sur les activités économiques diverses. La fragilisation des sols et la modification du régime des eaux signifient aussi des barrages de plus en plus envasés et des inondations plus fréquentes et plus destructrices.

Les engagements internationaux du pays lors de la CoP21, en 2015, à Paris pour une plus grande séquestration du carbone dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique, se chiffrent à 1,245 millions d’hectares supplémentaires à boiser entre 2020 et 2030. La disparition programmée de nombreux bois par la reconversion des terres (agriculture, urbanisation…) ou les feux à répétition dictent l’élaboration d’une stratégie qui implique tous les segments sociaux, allant de la sensibilisation, la prévention et les moyens de luttes, en passant par la recherche, la mise à niveau des infrastructures et de la législation.


Photo: Les feux de forêt constituent une véritable catastrophe écologogique. ©D. R.

Rabah Said



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