C’est officiel: la Fondation Terre est née. Et c’est dans le décor verdoyant du jardin d’Essai d’El Hamma, à l’ombre du fameux «arbre de Tarzan», que son président, Mohamed Belaoud, en a fait l’annonce, dimanche, accompagné de son épouse, notre consoeur du Soir d’Algérie Naïma Yachir.
Avant de présenter la Fondation, et comme le 21 mars est la Journée mondiale de la poésie, Mohamed a invité le poète Abderrahmane Djelfaoui à gratifier l’auditoire de quelques-unes de ses strophes enchanteresses.
Extrait: «Lumière/ O mes yeux d’infinie gratitude au monde/ Tu es nid sans paille/ Feu d’eau/ Perpétuelle danse d’initiation/ Sans maître/ Une herbe au ciel couché /Un soupçon d’oubli/ En onde d’éternité/ Aérienne dune/ Au cœur de la mémoire.» (Tiré du recueil : O ville de cent lieux, ville noire)
Mohamed attaque ensuite par la genèse du projet.
Un rêve d’un quart de siècle. En 1999, il s’était retrouvé sous ce même ficus géant, avec Naïma et quelques copains, pour en jeter les bases.
«Mais la conjoncture n’était pas favorable.»
Après une longue bataille procédurale, la fondation voit enfin le jour.
«On a voulu recréer, recomposer, le monde. On est des rêveurs, on est des utopistes tout en ayant les pieds fermement plantés dans la terre», lâche Mohamed dans un sourire.
De l’astronomie à la spéléologie
Bourlingueur tout terrain, explorateur infatigable, Mohamed Belaoud connaît l’Algérie pierre par pierre, plante par plante, étoile par étoile. Passionné aussi bien de spéléologie que de plongée sous-marine, de géologie, de botanique ou d’astronomie, Mohamed est un véritable touche-à-tout.
On ne compte plus le nombre d’associations, de clubs, de projets, qu’il a initiés, encadrés, inspirés… A Boufarik, sa ville natale, et avec le précieux soutien de Ali Slimani, l’ancien directeur du centre culturel de Boufarik (qui avait d’ailleurs fait le déplacement ce dimanche pour lui renouveler son soutien), il a monté deux clubs pionniers: un club d’astronomie suivi d’un club de spéléologie. Quelques années plus tard, il fonde la Fédération nationale de spéléologie.
Ceux qui le connaissent savent surtout avec quelle constance et quelle ferveur Mohamed Belaoud s’est attaché, sa vie durant, à porter à bras le corps les notions de «défense de l’environnement» et de «développement durable» quand ces mots n’avaient pas encore fait leur entrée dans le dictionnaire. Rien d’étonnant, dès lors, que la Fondation Terre vienne couronner tant d’années de lutte pour la «cause» environnementale.
«L’objectif fondamental de cette Fondation est la protection de l’environnement et la réconciliation de l’homme avec les impératifs établis par la nature depuis ses origines en intégrant la dimension spirituelle universelle et tout ce qu’a produit l’humanité comme sagesse», explique Mohamed avec sa douceur habituelle et son sens de la pédagogie.
«On a pris trop de distance avec notre milieu naturel et on voit ce qui se passe», appuie-t-il.
Concrètement, comment la Fondation entend-elle agir sur l’environnement mental, social et politique?
Comme dans tout ce qu’il entreprend, Mohamed Belaoud a toujours eu le souci de croiser deux strates fondamentales: la dimension scientifique et celle citoyenne, avec un intérêt appuyé à l’éducation et au travail auprès des enfants.
«Nos montagnes sont en danger»
En termes d’«espaces à investir», Mohamed indique que «la montagne aura la part du lion» dans les activités de la Fondation. A ce titre, il a annoncé un programme de randonnées au profit d’un public ciblé: «Ce printemps, on aura tous les week-ends une sortie. On va faire le tour des principaux massifs montagneux : les Bibans, Bouzegza, le Djurdjura…Il y aura 11 massifs en tout. Après, nous organiserons des sorties non-stop tous les week-ends de l’année.»
Mohamed en est convaincu: «Ces sorties vont nous permettre de mieux nous connaître.
Les gens qui ne connaissent pas Djelfa, Tébessa, Djanet, vont les découvrir. Beaucoup ne s’imaginent pas que nous avons des cascades à couper le souffle, qu’on a une végétation incroyable. Récemment, à l’occasion d’une sortie dans le Sud, certains n’en croyaient pas leurs yeux en visitant les canyons de Djanet. A Tlemcen, vous avez une rivière souterraine de 18 km qu’on a commencé à explorer. La beauté du site, ce n’est pas à Ushuaia ou bien Thalassa, mais c’est chez nous», exulte Mohamed avec des étoiles dans les yeux. Pour lui, cette Fondation «c’est aussi de l’aventure mais une aventure qui réfléchit».
En parlant de réflexion, la Fondation Terre vise à sensibiliser l’opinion et spécifiquement les pouvoirs publics sur l’impact désastreux de certains projets, notamment dans les zones montagneuses.
«Que ce soit dans le Djurdjura, dans les Aurès ou bien à Trara, du côté de Tlemcen, nos montagnes sont en danger», alerte Mohamed Belaoud. Il cite également les dégâts occasionnés par le stade érigé à Aswel, près de Tikjda, et le bétonnage tous azimuts qui gangrène d’autres sites, comme Djebel El Mehmel, dans les Aurès, ou encore les carrières qui détruisent nos écosystèmes, comme à Kef El Kaous ou Bouzegza.
La Fondation ambitionne, en l’occurrence, de produire une contre-expertise pour mieux éclairer les décideurs sur les enjeux environnementaux de certains de ces projets «sensibles», le tout, en privilégiant le dialogue, la pensée.
«Cette Fondation ne veut pas être dans le conflit, ce n’est pas notre rôle», insiste Mohamed Belaoud.
«Nous, on ficelle des dossiers et on les soumet aux autorités, aux députés, aux associations… On fournit l’argumentaire, on donne l’information, on filme... et c’est à eux de bouger».
«La pollution est d’abord dans nos têtes»
Parmi les autres projets-phares de la Fondation, la construction d’un voilier pour l’exploration de l’espace marin et le lancement d’un observatoire astronomique ambulant via un bus équipé à cet effet, et qui va sillonner tout le pays. Interrogé sur son mode de fonctionnement, Mohamed a souligné que la Fondation Terre va travailler sur le mode «une équipe-un projet», dans une proche pluridisciplinaire associant même des chercheurs à la retraite et des experts établis à l’étranger.
Pour ce qui est de la diffusion du fruit de ses recherches, la Fondation produira ses propres publications ainsi que des films. Un site internet a été, en outre, spécialement conçu pour communiquer sur ses activités. Il sera fonctionnel dès avril prochain (www.lafondationterre.com.).
Mohamed Belaoud n’a eu de cesse de le marteler: la dimension pédagogique du projet et l’attention qui sera portée au jeune public.
«Tout ce qu’on fait doit aller en premier lieu en direction des enfants», dit-il.
Des «écoles de la nature» seront créées pour dispenser une éducation écologique aux tout petits.
Dans la philosophie de Mohamed, «la pollution est d’abord dans nos têtes».
«Si par exemple on évitait de gaspiller 1 litre d’eau pour laver une assiette ou de laisser allumée la télé toute la journée, si on évitait d’allumer toutes les lampes de la maison en même temps, ce serait déjà un pas. Le changement commence par nous-mêmes.»
Photo: Mohamed Belaoud, président de la Fondation Terre
Mustapha Benfodil
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Posté Le : 24/03/2016
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Photographié par : Photo: El Watan ; texte: Mustapha Benfodil
Source : elwatan.com du mardi 22 mars 2016