Des marches populaires qui ont drainé des dizaines de milliers de citoyens ont été organisées ce vendredi, dans de nombreuses wilayas du pays, contre le cinquième mandat et pour le changement.
A Alger, des dizaines de milliers de personnes ont marché, dans les trois axes principaux de la capitale, le 1er Mai, Audin, Boulevard Mohammed V. Des petits rassemblements ont commencé à se former dans la matinée à la place du 1er Mai, devant un dispositif sécuritaire impressionnant, plus important que celui mobilisé le 22 février dernier. Le slogan «L'Algérie libre et démocratique» résonnait fort comme une expression qui sortait des entrailles de manifestants, mêlé à des youyous. Mis à part dans quelques cas ou la police a usé de gaz lacrymogène pour disperser les protestataires, les marches à Alger n'ont pas versé dans la violence. Le contraire aurait été une grande réussite pour ceux qui ont prédit les dérapages et le chaos à la syrienne.
Une véritable marée humaine a déferlé sur les grandes placettes de la capitale, juste après la prière du vendredi, à la place Maurice Audin, L'Emir Abdelkader, le 1er Mai, Boulevard Amirouche. Une marée dite du siècle s'est formée devant la grande poste d'Alger.
Des femmes et des hommes, des jeunes pour la plupart, ainsi que des petits enfants, brandissaient l'emblème national et scandaient en cœur «Dégagez, dégagez, les voleurs de l'Algérie», «Dégagez, vous avez pillé toute l'Algérie», «Non au cinquième mandat», «Silmilya Silmiya», et «Peuple et armée, des frères» dès l'approche des éléments anti-émeutes. Les foules arrivant de Bab El Oued entourées par un cortège de motocyclistes ont pu dépasser le cordon sécuritaire au niveau d'Abane Ramadane près du tribunal de Sidi M' Hamed, pour rallier la Grande Poste. A noter que le boulevard Zighout Youcef abritant les institutions de l'Etat et du peuple «la wilaya d'Alger, l'APN et le Sénat» a été fortement encadré par les forces de l'ordre, empêchant aux manifestants l'accès à ces lieux, et ceux qui ont tenté d'y accéder ont été vite réorientés par la police vers la Grande Poste. Des groupes importants se sont dirigés de la place Maurice Audin vers le boulevard Mohamed V, ou des petits groupes ont pris le chemin de la présidence en scandant «nous voulons El Mouradia». Les manifestants ont été bloqués au niveau de l'hôtel Saint-Georges, par les forces de l'ordre. A priori, les éléments de la police étaient beaucoup plus souples vis-a-vis des marches et des rassemblements dans les lieux publics, mais beaucoup plus intransigeants «en usant de Lacrymogènes» dès que les protestataires s'approchaient des institutions de l'Etat.
Des manifestants regroupés à la grande poste ont amorcé leur retour vers Bab El Oued et vers d'autres quartiers d'Alger-centre aux environs de 17 Heures, et les forces de l'ordre ont levé d'une façon graduelle le dispositif sécuritaire au boulevard Zighout youcef. Rassemblés en petits groupes près du Conseil de la nation (le Sénat), et près de l'Assemblée nationale populaire (APN) les manifestants ont exprimé haut et fort leur refus du cinquième mandant en scandant en outre «FLN dégage», «Ouyahia dégage».
Des personnalités historiques, politiques et syndicales se sont mêlées à la foule, l'on cite El Moudjahida Djamila Bouhired, Maitre Mustapha Bouchachi, Le président du RCD, Mohcen Belabes, le candidat à la présidentielle Rachid Nekaz. L'homme d'affaires Issaad Rebrab était lui aussi parmi la foule à Alger. A Oran, les participants à la marche se comptaient en milliers, avec une présence massive de la gente féminine. Drapés de l'emblème national pour la plupart d'entre eux, les manifestants ont sillonné une fois de plus les principales artères de la ville en direction tout d'abord du siège de la wilaya, lieu symbolisant la plus haute autorité de l'Etat à l'échelle locale, puis vers le siège régional de la Radio et Télévision publiques, comme pour dire nous sommes bien là, mais surtout voici notre message: «Non au 5ème mandat». Des dizaines de groupes de citoyens de différents quartiers de la ville ont, en effet, commencé à rallier le centre-ville d'Oran dès la fin de la prière du vendredi.
Certains y étaient bien avant, munis de leurs drapeaux et de leurs pancartes sur lesquelles on pouvait notamment lire «Massira silmya min ajl taghyir» (marche pacifique pour le changement).
A noter également que la marche de ce vendredi à Oran a connu une organisation beaucoup plus efficace que celle du vendredi précédant. Le cortège des manifestants était mené par un peloton de tête qui réglait la cadence de la marche et donnait à chaque fois de la voix pour animer la procession. Des dizaines de manifestants en scooters se chargeaient quant à eux d'ouvrir la voie à la marche et éviter à ce que des automobilistes soient piégés au milieu de la foule.
De leurs côté, les forces de maintien de l'ordre, comme pour la marche de vendredi dernier et pour celle des étudiants mardi, ont fait preuve de beaucoup de professionnalisme et de respect envers les manifestants qui le leur ont bien rendu en leur chantant à chaque occasion: «khawa khawa». Autrement dit, on est frères.
A Constantine, les fidèles de la mosquée El Istiklal ont fait leur prière du vendredi dans la rue, en signe de protestation contre l'Imam, qui en fait trop à leurs yeux en tentant d'inciter les gens à ne pas battre le pavé après la fin de la prière. Mais, il n'a pas eu le temps de terminer son message que les fidèles prenaient leurs chaussures et quittaient la mosquée. Non sans protester à l'intérieur même de la mosquée contre «l'imam CCP», criaient-ils, alors que d'autres lui lançaient qu'il restera seul sur le minbar. C'est que personne ne voulait entendre l'imam prendre la défense du pouvoir en place, contre lequel on n'attendait, justement, que la fin de la prière pour dire tout ce qu'il pense de ce pouvoir. Avant 14h, la rue a commencé à bouger.
Des centaines de personnes prennent le parcours au centre-ville, le même que celui du vendredi 22 février, par les avenues Messaoud Boudjeriou et Belouizdad, en redescendant par la rue Abane Ramdane et rejoindre leur point de départ, devant le palais Med Laïd Al Khalifa, puis revenir sur le pas dans le sens contraire.
Le nombre des manifestants est plus important ce 1er mars, puisque des estimations concordantes font état de plus de 15 000 personnes qui participent à la marche, et c'est là un chiffre en forte croissance à mesure que le temps passe. Il y avait cette fois-ci des familles avec femmes et enfants, des avocats et des cadres parmi les marcheurs. Les marcheurs ont exprimé leur opposition au 5e mandat dans les trois langues, l'arabe, le français et l'anglais, sur des banderoles où on pouvait lire «game over» (fin du jeu), «La lihoukm essarakine» (non à la gouvernance des voleurs), «gouvernement de la cocaïne», et autres cris scandant «non au 5e mandat», «Djazaïr Echouhada» (Algérie des martyrs), «Ouyahia dégage», et «FLN khawana» (FLN traîtres). Puis, dans un moment, des bruits de feux d'artifices éclatent dans le ciel. De loin, on pouvait croire à des coups de feu, mais il n'en est rien, la marche se déroule, et continue au moment où nous mettons sous presse, dans un climat pacifique. «Silmia, Djeich chaab khawa khawa» (pacifique, Armée et peuple frères), scandait la foule.
Photo: Constantine 1er mars 2019
M. Mehdi, M. Aziza, H. Barti Et Abdelkrim Zerzouri
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Posté Le : 02/03/2019
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Ecrit par : M. Mehdi, M. Aziza, H. Barti Et Abdelkrim Zerzouri
Source : Le Quotidien d'Oran du samedi 2 mars 2019