En plus de plusieurs problèmes signalés dans le secteur de l’éducation dans la wilaya de Constantine, de nombreux établissements, anciens ou nouveaux, ont connu ces dernières années une dégradation très avancée, sans parler du manque de commodités nécessaires.
Cette situation a provoqué des mouvements de protestation menés par des enseignants des trois paliers afin de tirer la sonnette d’alarme et attirer l’attention des autorités. Des visites que nous avons effectuées à certains de ces établissements nous ont révélé une situation des plus révoltantes. Citons l’exemple du lycée Abou Laïd Doudou, dans la localité de Bekira, située à 5 km de Constantine.
Le premier problème remarqué était l’emplacement de l’établissement réalisé à l’intérieur d’un chantier de maisons inachevées et au sommet d’une montagne. Derrière le lycée se trouve un petit jardin, propriété privée, puis rien. C’est le vide! Le hic dans tout cela et qui était tellement visible à l’œil nu, un important glissement de terrain est signalé sur les lieux. D’ailleurs, de profondes fissures sont apparues sur les murs et les escaliers du lycée, avant qu’une partie de la clôture ne s’effondrât.
«Si vous remarquez, les séquelles du mouvement du sol sont plus visibles sur l’établissement. Ce dernier sert de rempart pour les habitations de ce site ; vu son emplacement il est en train de subir tous les chocs. D’ailleurs sa conduite principale a été endommagée à cause du glissement et ça m’a causé beaucoup de préjudices. Si le lycée s’effondre, le glissement s’élargira encore plus», a déclaré le propriétaire du jardin, en soulignant le danger qui menace les élèves quotidiennement.
Cela est dû au mauvais choix du terrain pour le réaliser. Pour ce qui est des conditions à l’intérieur, et selon certains enseignants, «l’état de l’établissement n’est pas beau à voir».
Ce constat n’est pas unique au lycée Abou Laïd Doudou. Plusieurs autres lycées, collèges et écoles primaires souffrent de sérieux problèmes dont la dégradation de l’étanchéité et des infrastructures, l’effondrement des plafonds, les infiltrations des eaux pluviales, le chauffage qui ne fonctionne pas, les problèmes d’hygiène, l’état catastrophique des sanitaires et autres. La liste des défaillances soulevées par les enseignants et certains parents d’élèves est longue.
Le constat le plus désolant demeure la réaction tardive des autorités qui ne prennent jamais au sérieux les requêtes des enseignants et n’interviennent qu’après des mouvements de protestation et des grèves qui durent plusieurs jours. Comme ce fut le cas pour le lycée Malek Haddad de la cité Boussouf, où les travaux d’étanchéité n’ont été lancés qu’après 20 jours de débrayage des enseignants, alors que le mur d’enceinte menace de s’effondrer.
Parmi tant d’autres exemples se trouvent ceux de l’école primaire El Messaoudi pour filles et le collège Djamel Eddine El Afghani, situé à la rue de Roumanie à Constantine, ainsi que des CEM à Aïn Abid et à Ouled Rahmoune
- Des sommes colossales pour du bricolage
Les établissements déjà cités ne sont qu’un échantillon perçu comme une tache noire qui éclabousse le secteur. Car, il est nécessaire de signaler que ces graves dégradations ne concernent pas uniquement les anciens établissements. Même les nouvelles réalisations sont également affectées par une série d’anomalies. Quelles sont les causes de cet état de dégradation affligeant?
Selon des enseignants d’un lycée à Ali Mendjeli, cette situation n’est que la conséquence des mauvais choix et des décisions prises dans la précipitation par les autorités.
«Le défaut réside dans la conception architecturale de l’établissement, situé au bas d’une pente. On dirait que l’entrepreneur a réalisé l’infrastructure sans prendre en considération la nature du sol, s’il est incliné ou non. Il ne s’est pas fatigué l’esprit pour établir une étude technique et profonde sur l’entourage de l’établissement en matière de réalisations. Aujourd’hui, toutes les eaux pluviales entrent dans les classes», a déclaré un enseignant s’interrogeant sur quelle base les autorités ont-elles approuvé et réceptionné le projet.
« En ce qui concerne la dégradation des anciens établissements, cela serait dû au manque de crédits, selon la direction de l’éducation (DE) qui incombe la responsabilité à la direction des équipements publics (DEP). Pour les nouvelles constructions, les dégradations sont essentiellement dues aux vices et aux défauts de constructions. Sinon, comment expliquer les inondations et les fissures dans les établissements fraîchement réceptionnés ?» a soutenu Rabah Boudjahcha, coordinateur de wilaya du Conseil national autonome du personnel enseignant du secteur ternaire de l’éducation (Cnapeste).
Dire qu’il s’agit d’un manque de crédits pousse aussi à réfléchir sur les stratégies de consommation des énormes enveloppes débloquées annuellement pour la réalisation de nouveaux établissements et la maintenance des infrastructures endommagées. L’on parlait de milliards de dinars.
- Le fiasco de la réhabilitation des anciens lycées
D’ailleurs l’ex-wali Hocine Ouadah n’avait pas hésité à demander, lors de l’une de ses visites en 2016, «Sur quelle base les travaux de réalisation des écoles à Constantine sont deux fois plus chers qu’à Mostaganem ?» Cela, sans oublier les milliards débloqués pour la réhabilitation des lycées de l’époque coloniale à savoir Rédha Houhou (ex-d’Aumale), Hihi El Mekki (ex-Franco-Musulman), El Houria (ex-Laveran), Les Sœurs Saâdane (ex-Chanzy), Tarek Ibn Ziad (ex-Les Pères blancs) et enfin le lycée technique Tewfik Khaznadar.
Les travaux étaient qualifiés de véritable fiasco et n’avaient rien de restauration. Des matériaux modernes, selon des sources fiables, ont été utilisés pour des opérations de maquillage, causant l’effondrement du plafond du lycée Redha Houhou. Une enquête devrait être diligentée et après? Il y a tant de questions qui n’ont jamais trouvé de réponses claires de la part des autorités locales, ouvrant le libre champ à toutes les suspicions.
Mais quelles conséquences auraient pu avoir ces dégradations sur l’apprentissage des enfants? Selon le Cnapeste, cette situation a lourdement impacté le rendement voire le classement de la wilaya dans ce secteur, particulièrement pour les élèves du primaire qui souffrent des pannes récurrentes des appareils de chauffage.
«Dans des conditions pareilles, l’assimilation des cours devient très difficile, particulièrement dans les écoles fréquentées par les enfants des familles démunies ou des zones d’ombre. L’écolier doit être pris en charge pour suivre ses cours dans de meilleures conditions. Si cet enfant continue de souffrir au quotidien, il finira par abandonner», a déclaré Hichem un enseignant.
Et un autre ajoute que les communes sont les premières responsables de ces pannes récurrentes des chaudières dans les écoles primaires et doivent assumer cette politique de bricolage.
Afin de transmettre leur voix, des enseignants et des syndicalistes des trois paliers avaient commencé à poster des images choquantes illustrant des dégradations des établissements scolaires sur les réseaux sociaux. Les photos de l’immobilier de ce secteur, si important et névralgique à la fois, sont indescriptibles.
Photo: Un décor qui n’est pas beau à voir (photo: el watan)
Yousra Salem
Posté Le : 21/02/2021
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Ecrit par : Yousra Salem
Source : elwatan.com du samedi 20 février 2021