Algérie

Algérie - Djaâfar Gacem. Réalisateur et producteur «Je profite de l’humour de la série pour faire passer des messages subtils...»



Algérie - Djaâfar Gacem. Réalisateur et producteur «Je profite de l’humour de la série pour faire passer des messages subtils...»




Djaâfar Gacem, «le loup blanc», le réalisateur et producteur de talent, après les succès Nass M’lah City, Mawiid Maâ El Kader et Djemai Family, récidive avec Acher El Acher –saisonII- sur Echorouk TV. Et c’est un succès royal.

- Depuis des années vous déplorez le manque de bons textes et autres dialogues dans les films, les sitcoms, les séries algériens…

Je persiste et signe. Je continue à le répéter. Il n’y a pas eu d’amélioration. Même si certains de mes confrères vont, peut être, être choqués. Il s’agit de consistance de sujets. Aujourd’hui, nous vivons un manque de contenus, de fond et de forme. La preuve, quand on a écrit Achour El Acher II, on était huit personnes à s’y atteler. Ce n’est pas une recette miracle. Cela est usité dans les séries occidentales. Ceci dit, ce n’est pas gagné. Parce qu’aucun de nous n’a suivi une formation scénaristique.

C’est cela qui nous manque en Algérie. On ne forme plus les techniciens et les scénaristes. Scénariste est un métier à part entière. Le dialoguiste aussi. O combien c’est difficile d’écrire dans la comédie dans un pays comme l’Algérie où il y a beaucoup d’exigence. Il faut dire que Achour El Acher passe en prime-time. Il faut fédérer toute la famille algérienne autour de ce feuilleton. Et faire attention à ce qui ce dit. Tout cela, en essayant de faire rire, en transmettant des messages subtils et n’excluant pas certaines tranches de la société. C’est-à-dire rassembler tout le monde. Les érudits, les prolétaires, les jeunes, les anciens…

- Proposer un divertissement accessible et fédérateur…

Oui, tout à fait. Tout le monde est concerné par l’histoire de Achour. C’est pour cela qu’on a préféré de «doser et corser» un petit peu le contenu des sujets en lançant certains messages subtils. Aujourd’hui, avec cette noria de chaînes de télévision et ce foisonnement de téléviseurs dans les foyers, il est difficile de réunir la famille autour d’un feuilleton et de ne pas zapper. Si on arrive à fédérer quelques millions de téléspectateurs, pour moi, c’est quand même quelque chose. Et les instituts de sondage-effectués à travers le pays- ( l’IMMAR( Research and consultancy), MMR(Media and Market research) et Media and Survey) sont unanimes. Achour El Acher est classé premier, de loin, devant les programmes des autres chaînes concurrentes. Ceci nous honore et nous met un peu plus de pression et de responsabilité.

- Et un message utile, subtil et allégorique…

Je pense que j’ai un avantage en tant que réalisateur de comédies. Je profite de l’aspect comique de la série pour faire passer des messages. Ce qui est pas mal. Parce c’est plus souple et plus digeste (rire). Par contre, l’autre facteur, c’est que le message, c’est à double tranchant. C’est-à-dire, nous, en tant que producteur et réalisateur, quand nous écrivons les histoires, nous ne pensons pas à cibler telle ou telle personne, non. Nous dressons un constat, un état des lieux et nous laissons le téléspectateur agir. Aujourd’hui, je suis convaincu que le cinéma et la fiction modernes à la télévision sont interactifs. Le téléspectateur participe de par son imagination.

La preuve, la réaction des téléspectateurs dans les réseaux sociaux où ils interprètent les épisodes. C’est la réalité qui dépasse la fiction. Ce qui fait plaisir, c’est que les gens, aujourd’hui, ne sont pas passifs en face d’un écran TV. Notre but est de les intégrer, les faire participer… Le téléspectateur devient un autre auteur, un coauteur du feuilleton. Même s’il se trompe parfois, il s’avère qu’il pense mieux que l’auteur initial.

- Certains épisodes étaient percutants et on fait le «buzz» tels que «Les fuites du Bac», « Demos Kratos», «Un royaume sans peuple», «La dernière chance du Général» ou encore «L’armée des mixeurs»…

Oui, certains sujets étaient un peu plus forts que les autres. Pour l’épisode portant sur «les fuites du Bac», qu’on a vécu, pour moi, c’était surtout, de délivrer deux messages. Le premier est de dire: «nos pauvres jeunes qui sont bacheliers, que vont-ils faire de ce diplôme? Cela ne suffit pas. Et le bac, aujourd’hui, n’est pas suffisant pour trouver un emploi. Faut-il que notre Bac soit crédible? Faut-il avoir l’équivalence du diplôme? Quand Achour pose la question:» Qu’est-ce que vous allez faire avec votre Bac? C’est une vraie question.

- Vous saluez une certaine ministre de l’Education «Benaâfrit» ( entendre Mme Nouria Benghabrit )…

«Benaâfrit», c’était un clin d’œil à Mme Benghabrit. C’est une ministre battante à qui je rends hommage. Et qui fait un très bon travail. Je suis très content qu’elle soit encore maintenue à son poste de ministre de l’Education. C’est un des rares ministres qui effectuent un labeur de longue haleine. Et qui hérite d’un ministère ayant «souffert» depuis vingt ans. Ce qui a généré des jeunes qui ont versé dans le terrorisme et la violence. Aujourd’hui, elle est en train d’abattre un travail titanesque. Je lui rends un grand hommage. Et cet épisode lui était dédié et non pas contre elle.

- Sans paternalisme, des messages interpellant la société même…

D’autres sujets qui sont adressés à la société. Il n’y a pas que le pouvoir qu’on interpelle. Des messages adressés aux gens qui ne veulent pas travailler. Il y a des jeunes, pas tous, qui bénéficient de l’ANSEJ (Agence Nationale de soutien a l’emploi des Jeunes) mais qui ne travaillent pas. C’est pour cela que j’ai réalisé l’épisode «Le roi sans peuple». Les travailleurs africains viennent chercher un emploi quand nos jeunes ne veulent pas travailler. Et ils veulent le beurre et l’argent du beurre. Il s’agit de rappeler la valeur du travail d’antan. Souffrir pour avoir un salaire. Travail égal, salaire égal. Et puis, il eut d’autres sujets comme celui sur le système de santé en Algérie qui est sous perfusion. Aller à l’hôpital aujourd’hui, je ne le souhaite à personne. Donc, c’est très important de dresser un bilan sur cela. Je ne suis pas en train de juger. Achour El Acher dresse un constat décalé de par son époque. Mais les gens ont déjà compris qu’il s’agit d’aujourd’hui. Donc, il faut faire quelque chose pour l’éducation, la santé, pour notre pays. Parce qu’on en pas deux. Il n’y a pas une autre Algérie?

- La diffusion de Achour El Acher est émaillée par la publicité. Avant, pendant et après…

Je suis conscient de l’émergence et l’envahissement des espaces publicitaires dans le paysage médiatique en Algérie. Mais il faut comprendre les chaînes de télévision privées. Moi, je les comprends. Elles n’ont pas d’autres moyens pour subvenir à leurs besoins. Elles n’ont pas d’autres moyens de subsistance que d’aller vers la publicité. Même si la publicité dure 15 minutes. La publicité, c’est elle qui fait vivre la chaîne. Il y a une instance qui s’appelle l’ARAV (L’Autorité de régulation de l’audiovisuel). Mais pour le moment il n’existe pas une gestion et une régulation en matière de place et temps impartis à la publicitaire. La gestion des contenus des programmes aussi.

- Justement avec ces dérapages des caméras cachées instillant la haine, la violence, l’obscurantisme…

Quand on voit des caméras cachées d’une telle violence. Des caméras invisibles qui humilient et désignent à la vindicte populaire le personnage le plus lettré d’Algérie, Rachid Boudjedra. Et d’autres avec des armes et tout cela. Je me dis: «c’est quoi ça? On va où?». Au nom de quoi? A quel est le prix? Juste pour avoir de l’audience. En tant que réalisateur, je suis contre de telles pratiques.

- Combien a coûté la réalisation et la production du feuilleton Achour El Acher –saison II?

Achour El Acher, c’est un budget de l’ordre de 180 millions de dinars, qui est payé par les sponsors.-

- Alors, votre projet de long-métrage…

C’est pour bientôt. J’ai déjà dit cela. Mais cette fois(rire), je suis très sérieux. Là, je passe vraiment à autre chose. On a écrit un scénario qui s’intitule Héliopolis. Il entre dans le cadre du cinquantenaire de l’Indépendance de l’Algérie en 2012 et il a été accepté par la ministère de la Culture de l’époque, par Mme Kahlida Toumi.

Donc, c’est trois mois de préparation, trois mois de tournage. Livraison en 2018. C’est un film qui retrace les massacres du 8 mai 1945. Mais autour d’une fiction se situant à Guelma.


Photo: Le réalisateur Djaâfar Gacem voit grand…écran

K. Smail







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