L'huile et le sucre. Dans un gouvernement
sans voix seul Mustpaha Benbada, ministre du Commerce, est resté sur la brèche
durant toute la période de la crise. Il a mis le paquet pour obtenir une baisse
rapide du prix de ces deux produits. Une démarche qui permet d'éviter au
gouvernement de tirer les conséquences politiques de la colère violente des
jeunes. Cela n'évite pas de constater qu'en une seule décision, bien des dogmes
de la politique économique mise en Å“uvre depuis juillet 2009 ont sauté.
A son corps défendant, le ministre du
Commerce, M.Mustapha Benbada, s'est retrouvé en charge du volet non-sécuritaire
de la crise. Ni le chef de l'Etat, ni son Premier ministre ne s'étant exprimé,
il lui est revenu la charge de résoudre la crise réduite à sa dimension prix.
Il a agi sur le volet des taxes douanières, de la TVA et l'IBS, soit, selon ses
propres calculs démentis par la comptabilité, un total de charge de 41%.
Benbada qui s'est retrouvé dans le statut de Premier ministre de fait a réuni
les opérateurs pour fixer le prix des deux produits : 90 dinars le kg de sucre,
600 dinars les cinq litres d'huile. La « cause» incriminée de la brusque
flambée de violence de la jeunesse pauvre « périphérique» est donc résolue. Le
pouvoir ne tirera sans doute pas de conséquences politiques de la crise – rien
de nouveau, le président Bouteflika considère que la réponse politique aux
émeutes d'octobre 1988 était erronée – mais en matière de politique économique,
c'est pratiquement la Bérézina. Car dans la réponse « technique» sur le sucre
et l'huile, au moins deux dogmes de la nouvelle politique économique, la
défense des industries locales et la lutte contre l'informel, sont tombés. Au
nom de la lutte contre la « situation actuelle de monopole sur le marché local
du sucre», le gouvernement a décidé de libéraliser l'importation du produit et
de l'exonérer de taxes. C'est l'un des axes censé être le plus vertueux du «
néo-patriotisme économique» en vigueur depuis 2009 qui est ainsi ruiné. Le
gouvernement s'est attelé à brider les importations au nom de la protection des
industries naissantes. C'est cet objectif qui motive la demande d'un report de
l'échéance du processus de démantèlement tarifaire à 2020 avec l'Europe. Au
début du mois de décembre, M.Mustapha Benbada émettait des réserves au sujet
d'un projet de zone de libre-échange maghrébine en arguant que la démarche ne
soit pas être confiée au marché mais qu'elle doit s'appuyer sur les
complémentarités. Exemple choisi : en Tunisie, il y a un projet de grande
raffinerie de sucre alors que Cevital, avec l'augmentation de ses capacités de
raffinage à 2 millions de tonnes par an, est en mesure de subvenir à tous les
besoins de la région maghrébine.
L'industrie du raffinage ciblée par la
libéralisation de l'import
Il est pour le moins piquant de constater
que subitement, Cevital, est accusée de faire dans le monopole. Mieux avec les
mesures d'exonérations décidées en faveur des importations du sucre, c'est
l'industrie algérienne de raffinage du sucre qui risque – à moins que l'Etat ne
leur restitue les taxes encaissées pour les produits déjà importées – de se
retrouver dans une situation délicate. Les trois raffineries existantes
pourraient se retrouver incapables de soutenir la concurrence. Les prix
baisseront – c'est l'objectif immédiat du gouvernement – mais les raffineries
en payeront les frais. Exit donc la préférence nationale, la protection de
l'industrie naissante dont l'ennemi déclaré, aux yeux des officiels, est
l'importation. Le second dogme qui tombe est celui de la lutte contre
l'informel. Les grossistes sont informés le plus officiellement possible qu'ils
ne sont pas tenus à la facturation, pas plus qu'on ne doit leur demander de
montrer patte blanche. Le gouvernement semble en faire le reproche aux opérateurs
qui n'ont fait qu'anticiper l'entrée en vigueur officielle de recours au chèque
pour les transactions de plus 500.000 dinars.
Les spéculateurs ont-ils gagné ?
L'affirmation de Seddik Chiheb,
dignitaire du RND, proche d'Ouyahia, selon laquelle la crise a été provoquée
par la résistance de «certains milieux de spéculateurs et de lobbys d'intérêts
» tombe en lambeaux. C'est le gouvernement lui-même qui fait reproche aux
opérateurs de vouloir mettre en application l'obligation légale de recours à la
facture. Ou alors, toute honte bue pour le RND, le réseau des spéculateurs
nationaux a livré sa bataille et l'a gagnée. Le gouvernement recule sur deux
dogmes. Il avait été averti immédiatement après la promulgation de la LFC 2009.
La politique «anti-import» visait à contenir le volume des importations de
l'Algérie en deçà du pic de 39,6 milliards de dollars de 2008. Les mesures
prises ont entraîné une désorganisation des circuits d'approvisionnement de
l'appareil de production qui dépend, hormis pour les matériaux de construction,
des importations d'intrants. Mohamed Draou, trader, rappelle qu'Ahmed Ouyahia
«s'est attaqué à 40% des importations. Les 60% restantes ne pouvaient pas être
touchées. Elles sont générées par les programmes d'équipement de l'Etat. Et
dans les 40% ciblés, il n'y avait pas que des voitures et des fruits de hors
saisons. Il existait des importations incompressibles comme des anesthésiants
chirurgicaux dont la pénurie a restauré les ambiances du temps des vaches
maigres ». Cette traque administration contre les importations a été un facteur
d'accélération de l'inflation importée en 2009. «Le Credoc engendre entre 3,5%
et 5% de surcoût sur les produits et les matières premières importées. Avec la
lettre de crédit il y a le contrôle de qualité automatique que le fournisseur
répercute sur sa facture. Il est de l'ordre de 500 euros par container. A cela
il faut ajouter la surcharge administrative créée par la licence statistique
délivrée par les wilayas et exigée pour chaque importation. C'est un travail
pour lequel j'ai été obligé de recruter une personne » explique un important
opérateur dans la filière des intrants chimiques. Les opérateurs mettent en
cause l'entêtement du gouvernement à agir sans concertation. Les émeutes avec
leur cortège de morts et de dégâts sonnent comme un douloureux rappel du réel.
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Posté Le : 11/01/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Salim Rabia
Source : www.lequotidien-oran.com