Lorsqu’on parle de cuniculture en Algérie, on imagine tout de suite l’image de ces élevages de lapins en mode traditionnel et familial de faible effectif, en comparaison avec l’élevage des autres filières. Aujourd’hui, l’élevage cunicole reste timide.
Il est pratiqué à petite échelle dans plusieurs wilayas, malgré l’essor important enregistré ces dernières années. Pourtant, la cuniculture est plus qu’une simple activité qui pourra permettre une production d’autoconsommation de viande pour les familles, mais elle peut générer d’importants revenus et être bénéfique pour l’environnement. Combien d’éleveurs de cette filière existe-t-il à l’échelle nationale? Quels sont les bienfaits ou les nuisances de la cuniculture? Pourquoi en dépit de son existence pendant des décennies, cette activité demeure négligée par les agriculteurs? Pour sa part, Khaled Barkat, secrétaire général de l’association nationale El Jil El Jadid des cuniculteurs, juge qu’il est devenu nécessaire, voire urgent, à ce que l’Etat accorde plus d’attention à cette filière. «Le nombre d’éleveurs s’est révélé très important, mais moins structuré et contrôlé. C’est une situation que nous avons constatée au début de la création de la première association de wilaya Cirta des éleveurs de lapins à Constantine, lors d’une exposition organisée en 2016 au palais de la culture Mohamed El Aïd El Khalifa», a déclaré M. Barkat.
Ce dernier n’a pas manqué de rappeler l’afflux impressionnant et l’engouement des agriculteurs lors de cette manifestation, ce qui dénote d’un intérêt grandissant pour cette filière. «Ils étaient nombreux à vouloir se structurer dans une organisation pour développer ce secteur et bénéficier des facilitations, mais aussi des conseils nécessaires pour développer cette activité», poursuit notre interlocuteur. Après l’obtention de l’agrément pour les deux associations (locale et nationale) entre 2018 et 2019, plusieurs éleveurs de différentes wilayas y ont adhéré. Selon Khaled Barkat, l’association nationale compte aujourd’hui 12 wilayas avec 29 membres et de nombreux affiliés. Cette synergie d’efforts a permis la création d’un premier abattoir cunicole à l’Est, situé à la zone industrielle de Bekira, à environ 3 km de Constantine, afin d’assurer le contrôle vétérinaire et la traçabilité de la production et de la consommation. Plusieurs wilayas limitrophes atterrissent à Constantine. Le SG de l’association souligne que la capacité de l’abattoir est estimée à 5 quintaux par jour, mais la production actuelle atteint le 1,5 quintal par jour de viande emballée et avec étiquetage.
- Un élevage bio
Et si on parlait de l’impact environnemental de la cuniculture! Notre interlocuteur affirme que les bienfaits de cet élevage sont multiples et ne se limitent pas uniquement aux fins alimentaires. «Non seulement la viande du lapin est riche en protéines et plus bénéfique que celle du poulet, mais cet animal, dont l’élevage est plus économique, est très intéressant, grâce à la prolificité de l’espèce et sa capacité de transformer les fourrages en viande consommable», explique Khaled Barkat. Cet élevage permet surtout une production abondante sur un espace relativement réduit. «Le lapin est peu exigeant sur ses conditions d’élevage, surtout lorsque le nombre atteint environ une centaine de femelles. L’aménagement d’un espace adéquat et avec certaines commodités varie selon le nombre», avance notre interlocuteur. Et de préciser que les avantages de la cuniculture sont nombreux. Il a cité, à titre d’exemple, le fumier de cet animal, qui est riche en éléments fertilisants.
Il est qualifié de meilleur engrais pour les jardins biologiques. Des agriculteurs que nous avons interrogés soutiennent qu’il augmente la valeur du sol en améliorant la structure et le cycle de vie de micro-organismes bénéfiques pour ce sol. De plus, il est très riche en nutriments et très facile à utiliser. Il contient de l’azote, du phosphore, du potassium, des minéraux, beaucoup de micronutriments ainsi que de nombreux autres oligo-éléments bénéfiques comme le calcium, le magnésium, le zinc, le manganèse et le cuivre. Ce déchet organique ne permet pas aussi l’apparition des herbes nocives aux plantes. «L’autre utilité du lapin qui demeure encore méconnue par le grand public est l’usage des boyaux de cet animal, qui sont largement utilisés pour la fabrication du fil de suture pour la chirurgie plastique et par conséquent diminuer la facture de l’importation, sachant que certains catguts d’importation qui sont des sutures chirurgicales peuvent être fabriqués à base des boyaux de chats», révèle notre interlocuteur.
Ce n’est pas tout, en énumérant les bienfaits de la cuniculture, le secrétaire général de l’association El Jil El Jadid met en exergue la fourrure gaspillée après l’abattage des lapins. «Cette fourrure peut être récupérée et transférée à des industries énormes, vu sa qualité. C’est une autre ressource économique qui joue un important rôle dans la diminution de l’abattage des autres espèces animales rares pour leur fourrure. S’il y a des élevages rationalisés, vous pourrez imaginer la quantité de la fourrure récupérée», a-t-il expliqué, en insistant que cette activité permet de garder une harmonie avec la nature et l’environnement.
- Beaucoup d’obstacles
Si la cuniculture est si importante, pourquoi demeure-t-elle si timide et le nombre des éleveurs minime en comparaison avec ceux des filières bovines, ovines, avicoles et autres? En réponse à cette question, Khaled Barkat évoque plusieurs facteurs, dont le premier est lié au coût exorbitant des aliments. L’éleveur débourse 6.200 DA pour un seul quintal. Entre l’entretien de l’espace et sa nourriture, il se retrouve contraint de vendre un kilo au prix de gros à 800 DA. Dans certains marchés couverts à Constantine, le prix de la viande du lapin est de 900 DA le kilo. Une somme inabordable pour la majorité de la population. «C’est la raison pour laquelle nous avons demandé l’intervention de l’Etat, car c’est de l’argent qui est en train de se perdre», dira-t-il.
Et de renchérir que cette cherté a augmenté le nombre des éleveurs non réglementaires, poussant plusieurs d’entre eux à exercer illicitement dans un espace aménagé à l’intérieur de leurs maisons. Selon Khaled Barkat, seulement une centaine possède des agréments pour un élevage d’environ 150 jusqu’à 200 femelles. Mais hélas! Il n’y a pas une stabilité de la production.
«Le nombre d’éleveurs illicites est plus élevé, ce qui rend la situation encore plus compliquée. En plus, il est nécessaire de souligner que parmi les grandes contraintes, il y a surtout le manque d’abattoirs et d’espaces d’élevage qui pose un sérieux problème. Pour obtenir un contrat avec des sociétés précises, il faut avoir une capacité de production de 2.000 jusqu’à 3.000 femelles… Il est temps de penser à un exercice plus professionnel, augmenter la production et couvrir les besoins à l’échelle nationale. Cela se fait à travers la réalisation des abattoirs, l’encouragement de la production des aliments, l’aide accordée aux éleveurs et autres », a-t-il conclu.
Par Yousra Salem
environnement@elwatan.com
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Posté Le : 19/02/2021
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Ecrit par : Par Yousra Salem
Source : elwatan.com du jeudi 18 février 2021