Le transport comme la circulation en ville constituent de nos jours des problèmes majeurs pour le développement urbain. Ils sont l’objet d’enjeux économiques, sociaux, spatiaux et environnementaux considérables et sources de conflits d’intérêts complexes auxquels participe l’ensemble des acteurs urbains, qui dans le même temps, donnent lieu à une multitude d’expériences et de solutions.
Grands consommateurs de sol, de l’énergie, source de nuisances et grands pollueurs, ils sont cependant à la base de la réussite de tout projet urbain intégré dans la démarche de développement durable. La situation actuelle des transports urbains dans les villes algériennes ne fait pas exception et n’échappe par conséquent pas à cette règle. Elle est en effet préoccupante et se trouve aggravée par la croissance urbaine galopante et l’incurie de la politique de gestion de l’espace.
En somme, la conjonction de la croissance rapide des villes et les insuffisances d’une planification urbaine, qui ne s’appuie pas sur un système de transport urbain cohérent, provoque non seulement des dysfonctionnements et déséquilibres urbains majeurs, avec une dégradation progressive, mais aussi une détérioration progressive du niveau de service des transports urbains en général, et celle des transports collectifs en particulier. Par ailleurs, en axant ces dernières années le développement des infrastructures routières dans les villes (rocade, pénétrante, dédoublement de voies, etc.), les responsables d’alors ont encouragé l’utilisation outrancière de la voiture et partiellement hypothéqué l’avenir des transports collectifs urbains.
En outre, l’absence de données sur les déplacements (les enquêtes ménages font défaut) rend difficile une réelle planification des transports urbains dans une perspective de développement durable. De nos jours, ce dernier s’impose comme le nouvel idéal de sociétés avancées, inquiètes de leur devenir et soucieuses avant tout de corriger les déséquilibres socio-environnementaux accumulés tout au long de l’ère contemporaine. Les termes de développement et de l’aménagement urbain, envisagés de manière durable, sont profondément dépendants du processus d’intégration des questions d’aménagement et de transport dans une même stratégie prospective.
Dans le cadre du développement urbain durable, il convient de contrecarrer les tendances de l’étalement urbain, d’économiser le sol en limitant le mitage urbain et la prolifération de la périphérie, et d’opter pour une ville compacte qui répond au mieux aux enjeux du développement durable. La ville algérienne peut-elle prétendre à la durabilité, sachant qu’elle traverse une crise tous azimuts?
Parvenir à une ville durable et de proximité alors que les villes et agglomérations sont à la fois plus diluées et plus compactes, plus intégrantes et plus discontinues, plus denses et plus éparpillées, est le défi de toutes les villes soucieuses de mettre fin aux effets pervers de l’hégémonie de la voiture particulière et d’offrir à ses habitants des conditions de mobilité plus en rapport avec leurs besoins et leurs aspirations.
Par ailleurs, la volonté des pouvoirs publics d’inscrire le développement durable dans toutes ses dimensions a été exprimé dans la législation algérienne depuis 2001 (loi 2001-20 du 2 décembre relative à l’aménagement et le développement durable). On assiste également aux appels lancés par les institutions algériennes chargées de l’énergie et de l’environnement quant à l’optimisation de l’utilisation des carburants propres (GPL et GNC), par les transports routiers, et ce dans le but d’en minimiser les impacts sur l’environnement.
Dans cet ordre d’idées, et depuis quelques années, des pistes de réflexion ont conduit à fabriquer la ville par les transports collectifs notamment les Transports collectifs sur site propre (TCSP), en particulier dans les grands centres urbains. On souligne également que la contribution des TCSP a été signalée dans de nombreux travaux scientifiques et études comme solution largement recommandée pour le développement urbain durable. Ainsi donc, les TCSP sur rail (chemin de fer de banlieue, tram et métro) et Bus de haut niveau de service (BHNS) constituent une alternative efficace pour la mobilité urbaine et un enjeu majeur pour le développement urbain durable.
Les TCSP devraient donc servir de déclencheur à une nouvelle politique de ville durable visant à réduire la place de l’automobile dans la ville, sans pour autant l’évincer complètement du système de déplacement urbain, les efforts consentis par le passé dans ce sens ayant prouvé leur incurie et leur inefficacité, les TCSP étant appelés à devenir un outil de structuration et d’incitation à une nouvelle dynamique urbaine, la consistance de l’urbanisme sera désormais fondée sur les projets urbains structurants et les mécanismes de recollement et de recomposition spatiale articulée autour du le principe du Transit oriented developement (TOD).
Ils seront utilisés à la fois comme moyen privilégié d’améliorer la mobilité interne à la ville, comme outil de requalification, d’embellissement et d’amélioration de la qualité de vie des rues et artères qu’ils emprunteront, et par extension des quartiers desservis, ainsi que comme instrument de maximisation des opportunités de développement et de redéveloppement, aussi bien du centre-ville qu’au niveau de la banlieue. Nécessité également d’associer renouvellement, régénération urbaine et urbanisation autour des transports, de faire bon usage du foncier et d’optimiser les espaces à proximité des lignes de desserte de ces TCSP.
De par leur insertion dans le tissu urbain, et du fait qu’ils constitueront un outil de désenclavement et de mixité fonctionnelle, les TCSP donneront l’opportunité de reconstruire la ville sur elle-même, en faisant des quartiers actuellement délabrés un cadre de vie plus agréable pour la population, et surtout en leur permettant d’accéder enfin au seuil de l’urbanité, dont ils manquaient cruellement. C’est ainsi, que les infrastructures de transport et l’inter-modalité deviendront le noyau fondamental de ce nouvel urbanisme durable.
Promouvoir l’inter-modalité signifie de mettre une politique tarifaire unique et faciliter l’utilisation de plusieurs moyens de transport par la coordination des modes de gestion et par la connexion physique des réseaux. Le passage d’un mode de transport à un autre dépend aussi de l’efficacité des connexions spatiales entre les réseaux d’infrastructures et de la qualité des interfaces. Autant de conditions indispensables pour garantir la réussite du système de transport, basé plus sur la complémentarité de ses réseaux et tendant par extension à asseoir une relation privilégiée entre politique de transport cohérente et aménagement urbain réfléchi visant un développement durable de fait.
En somme, le but de notre contribution est de proposer des actions ciblées et non exhaustives pour l’ensemble des agglomérations algériennes, quelle que soit leur taille et qui se focalisent sur le rôle des Transports Collectifs sur Site Propre (TCSP) dans les moyennes et grandes villes, marquées par un volume de déplacements sans cesse en augmentation, provoquant ainsi la saturation des réseaux de voirie et la pollution sonore et de l’air. Ces actions se résument à:
1. Intégrer les transports et l’aménagement du territoire/urbanisme dans une approche globale de développement durable.
2. Repenser les transports et la mobilité urbaine dans un bassin de vie de la population.
3. Promouvoir des modes de transport collectif efficaces comme alternative à la voiture individuelle dans les grandes comme dans les petites villes, en améliorant la qualité de service. Il s’agit également de mettre en œuvre des mesures dissuasives quant à l’utilisation de la voiture individuelle à travers les restrictions d’accès, la limitation du stationnement dans les zones centrales attractives, l’augmentation de taxes, etc.
4. Réaliser avec les infrastructures inter modales, le BHNS dans les moyennes et grandes villes (plus de 150.000 habitants).
5. Mettre une politique réglementaire et tarifaire avec un équilibre des modes de transports, et ce, dans le but d’inciter les usagers à utiliser le Transport Collectif
6. Vulgariser et promouvoir les carburants à faible émission de Carbone
7. Promouvoir les TIC dans la gestion de la mobilité urbaine
8. Promouvoir la mobilité douce (marche à pied, vélo et trottinette) dans les opérations d’aménagement urbain, notamment dans les zones urbaines attractives de la population par excellence (zones commerciales, de loisirs et détente, etc.)
9. Promouvoir et intégrer à moyen terme la voiture électrique dans l’écosystème urbain
10. Une bonne coordination et une bonne coopération entre tous les niveaux de pouvoir est essentielle pour atteindre les objectifs du développement durable. Enfin, on peut dire que la combinaison de tous les modes de transport dans une politique intermodale en parfaite cohérence avec les schémas de développement urbain devraient en principe satisfaire l’équilibre du développement durable dans ses principes: le social, l’environnemental et l’économique.
Et c’est vers cet objectif que les villes algériennes, tout comme toutes les villes du monde, devraient tendre.
Photo illustrative ajoutée par Akar Qacentina: Saturation du trafic routier à Alger et les grandes agglomérations d'Algérie par l'absence de modes de transport collectif efficaces
Par Baouni Tahar
Professeur et Directeur de recherche à Ecole Polytechnique d’architecture et d’urbanisme (EPAU) d’Alger, laboratoire de recherche, Ville, urbanisme et Développement Durable (VUDD).
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Posté Le : 09/12/2021
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Ecrit par : Par Baouni Tahar
Source : elwatan.com du mercredi 8 décembre 2021