Algérie - Elections présidentielles

Algérie - Contribution du Dr Nadia Lallali (Yahia-Chérif): Lettre ouverte à Monsieur le président Abdelaziz Bouteflika



Algérie - Contribution du Dr Nadia Lallali (Yahia-Chérif): Lettre ouverte à Monsieur le président Abdelaziz Bouteflika




Je suis sûre que vous êtes en train de méditer au fait de briguer un 4e mandat ou non, car du bon sens vous en avez et vous savez que même si la volonté de diriger existe, votre corps ne vous suit plus… Vos admirateurs ne vous rendent pas la tâche facile et la tentation est humaine de céder aux chants des sirènes car le pouvoir est toujours grisant.

Selon la légende, c’est l’un des obstacles qu’Ulysse a dû affronter car elles auraient la particularité d’attirer les marins vers une mort certaine. Leurs motivations ne sont pas forcément l’intérêt personnel, mais la crainte du lendemain, en l’occurrence que le loup ne revienne dans la bergerie, car incontestablement votre idée de la “réconciliation nationale’’ a endigué le terrorisme d’une façon radicale.

A l’époque, pour une question de principes, je m’étais insurgée, car je ne comprenais pas que des sanguinaires pouvaient bénéficier d’autant de clémence judiciaire. (1)

Vous n’êtes pas le seul sauveur de l’Algérie, chaque président ou haut responsable de l’Etat a mis sa pierre dans l’édifice du pays, car celui qui nous a évité le chaos est bien le général-major Khaled Nezzar ; ses mérites ne sont pas assez loués et pourtant pour les mêmes actions, le général promu maréchal Abdel Fattah al-Sissi, est adulé dans son pays.

De même, la loi de la Rahma initiée avec notre ex-Président Liamine Zeroual, votre prédécesseur avec le concours de l’ANP avait permis à 6.000 repentis de déposer les armes, selon les aveux même du général en retraite, mais il y a lieu de constater que votre mesure vaut son pesant d’or car la situation sécuritaire à ce niveau est aujourd’hui complètement maîtrisée, sans aucune poche de résistance.

Seulement, il faut savoir passer la main, celle-là même qui tapait énergiquement et passionnément sur la table, pour laisser paraître toute votre détermination.

Nous avons tous des missions dans la vie pour une durée déterminée, à présent je m’interroge, comment allez-vous mener votre campagne présidentielle?

Je serai la première à m’en réjouir, s’il y avait une amélioration de votre motricité. Ce n’est quand même pas par personnes interposées, cela ne se peut et ne s’est jamais fait et ceux qui plaident pour la mener à votre place frisent l’inconscience et l’indécence, surtout quand on entend des présidents de parti “voter pour vous: mort ou vivant?”.

Une élection reste toujours dans les annales et le monde entier nous observe. Il y en a déjà à l’étranger qui en font leur tasse de thé! Vous ne pouvez pas balayer d’un revers de main tous vos acquis.

Après avoir réussi à redorer le blason de l’Algérie par tant de déplacements aux quatre coins cardinaux du globe (2), au point d’avoir passé beaucoup de temps en apesanteur et dont votre équilibre physique en porte peut-être les séquelles et seul Dieu sait s’il y a une relation de cause à effet. Les efforts sont toujours payants et le peuple reconnaît votre sacrifice et votre sagacité. Nonobstant, même si vous cédez le pouvoir, vous assurez néanmoins votre pérennité dans l’histoire, par un bilan d’un développement qui comporte de l’actif et non des moindres: à votre arrivée, les caisses de l’Etat étaient vides, le prix du baril étant à son plus bas niveau, tel un porte-bonheur, ce dernier a commencé, dès votre investiture, son ascension fulgurante par une embellie financière qui nous a permis de nous renflouer, de nous acquitter du cercle vicieux de notre dette et de sortir des filets du FMI dont la prochaine génération continuera à en toucher les dividendes, probablement ; l’aménagement des transports par voie ferroviaire, routière et même le métro qui a fini par pointer son bout du tunnel, après s’être fait désirer durant des décennies ; les micro-crédits pour les jeunes ; le code de la famille revu et revisité pour améliorer le statut de la femme, resté jusque-là immuable depuis une trentaine d’années sont en soi une gageure ; ainsi que votre imposition extraordinaire, malgré les mentalités d’une discrimination positive en faveur de la participation législative féminine, pour le genre.

Il y a de quoi pavoiser !

Sans oublier la faculté d’accéder à la médecine gratuite par le biais de la carte Chifa et la prise en charge totale des maladies chroniques. La politique de l’habitat avec l’attribution de nombreux bénéficiaires de logements à des prix modiques, n’est pas une mesure anodine non plus.

Bien entendu, il y a aussi du passif car personne n’est infaillible et nul ne peut prétendre régler tous les problèmes, d’autant que des ministres qui n’ont pas fait leurs preuves se sont éternisés dans leur fonction, quand ils n’ont pas été reconduits ailleurs dans d’autres ministères, alors que le rôle d’un ministrable est de galvaniser des projets pour l’intérêt général et dans les pays occidentaux, le ballet ministériel se meut selon les compétences car ils sont jugés sur les résultats et s’ils ne sont pas productifs c’est l’opinion publique qui les défait.

La généralisation de la corruption s’est étendue à tous les niveaux de la hiérarchie et des institutions.

Je vous avais écrit en catimini pour vous donner des exemples concrets qui rongent l’université et hypothèquent la formation de l’élite. Ma lettre est restée sans réponse, car sans doute ce n’était pas votre priorité. C’est le statu quo dans plusieurs secteurs, ainsi que la dégradation de l’enseignement supérieur et de la justice.

Sans compter que la liberté d’expression a été complètement muselée par la loi de l’information, qui ne tolère pas les critiques des institutions. À tort, car parfois elles permettent de rectifier le tir.

À l'époque, on m’avait demandé de me prononcer sur votre bilan, lors de la fin de votre premier mandat, c'est-à-dire une décennie avant et j’avoue que j’avais “tapé fort !’’ (3), et ce en toute objectivité et impartialité car il y avait des chantiers qui étaient encore ouverts et non achevés. à présent, au cours de ces trois mandats, le rapport est inversé, avec en prime la paix sociale.

Maintenant, il n’y a que vous qui puissiez savoir si vous avez encore l’énergie suffisante et toutes les capacités pour présider aux hautes fonctions de l’État et nul doute que votre choix sera celui de la sagesse.

Je vous souhaite, Monsieur le Président, longue vie, santé, dignité, respect et reconnaissance.

Une électrice
Dr Nadia Lallali (Yahia-Chérif)
Sociologue de formation et écrivaine


Références bibliographiques :
(1) Dr Nadia Lallali (Yahia-Chérif), livre édité chez Manuscrit.Com “Les élections en question, Algérie 1992-1999, suivi de portraits de présidentiables”, 25 avril 2006
(2) “Pourquoi j’ai dit oui à la concorde civile…’’ Le Jeune Indépendant du 29/11/1999.
(3) “Les HS du JI” avril 2003 P.57/58



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