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Algérie - Contribution: Comment réhabiliter le secteur des forêts ? Un secteur pourvoyeur d’oxygène asphyxié



Algérie - Contribution: Comment réhabiliter le secteur des forêts ? Un secteur pourvoyeur d’oxygène asphyxié


Le secteur des forêts donne la nette impression d’être un appendice à peine toléré de l’appareil administratif et économique de l’Etat. Véritablement, il est à la recherche de son identité. Celle-ci se trouve aujourd’hui diluée dans les missions dévolues aux différentes tutelles qui ont eu à diriger le secteur des forêts.

Qu’il soit répertorié comme «sous-secteur» dans la comptabilité publique, avec ses différents chapitres budgétaires, ne constitue pas en lui-même un problème. Mais, il importe d’observer que, dans l’état actuel de l’administration et de l’économie algérienne, l’administration des forêts est l’une des rares structures à se prévaloir encore d’un foncier public ; autrement dit, des territoires spécifiques à gérer.

Ces territoires sont spécifiques à plus d’un titre. Ils constituent le minuscule point de verdure dans un pays-continent, qui s’amenuise comme une peau de chagrin depuis des décennies, cela, au moment où tous les défis (nationaux, régionaux, planétaires) – et celui des changements climatiques en cours n’est pas des moindres – appellent à la protection, au développement et à l’extension de ce patrimoine qui nous est légué par les générations passées.

Dans l’ordre décroissant du poids des facteurs, le malaise général qui affecte la gestion des espaces forestiers depuis des années n’est pas dû- comme on peut le penser au premier abord- à un déficit de moyens matériels ou humains. Ce malaise, dont l’Algérie – territoire et population – vit les conséquences dramatiques sur tous les plans, tire son origine d’une ambigüité quasi existentielle, celle par laquelle est conçue, définie et administrée la politique forestière dans notre pays.

Ayant, par le passé, relevé de tutelles successives plus ou moins proches des problématiques et des missions de la foresterie, le secteur des forêts s’est, depuis plus d’un quart de siècle, stabilisé, sur le plan institutionnel, en relevant du département de l’Agriculture et du développement rural.

Cette option – qui est défendable sur le plan académique, pédagogique et technique – est néanmoins chargée de malentendus, d’ambiguïtés et de déficit de vision stratégique. Si le ministère de l’Agriculture ne gère plus de façon directe le foncier agricole-en dehors de la régulation dévolue à l’ONTA-, s’il fait des plans de développement et des prévisions de production annuelle par filière, il ne peut pas fixer les mêmes objectifs ni appliquer les mêmes canons pour la gestion des espaces forestiers.

S’il y a un concept-phare qui synthétise la gestion forestière dans toutes ses déclinaisons (protection, développement, extension), et que les fondateurs des sciences forestières ont consacré comme un code et un bréviaire, c’est bien celui de l’aménagement.

La mise en place des fascicules de gestion dans les conservations de wilaya depuis le début des années 1990 participe de cette vision qui consiste à introduire une gestion rationnelle et scientifique de la forêt. Malheureusement, le chevauchement de certaines missions appendiculaires confiées à l’administration des forêts (comme le développement rural, l’intervention dans les zones d’ombre et la lutte active contre les incendies de forêt, empiétant sur les mission de la Protection civile) ont indéniablement dévoyé les forestiers de leurs missions originelles; pendant au moins deux décennies, la gestion forestière a été quasiment abandonné, livrant le patrimoine à la prédation et au pillage de toutes sortes, et exposant le foncier forestier aux constructions illicites et à de dommageables reconversions.

Pendant cet intervalle de temps, les nouvelles recrues parmi le personnel forestier – dont l’éventail des profils s’est trop largement étendu, s’éloignant de la pratique forestière – n’ont pas eu l’occasion d’exercer leur métier primaire et ont subi un véritable décrochage pédagogique, si bien que, aujourd’hui, on peinera à dénicher de jeunes cadres forestiers à même de renouer avec les fondamentaux de la foresterie et de hisser le secteur au diapason des défis que notre pays est appelé à relever sur les plans de l’environnement, de la lutte contre la désertification, des efforts pour l’atténuation des changements climatiques, de la protection de la faune et de la flore (biodiversité) et de l’exploitation rationnelle des ressources.

. Les fondamentaux de la foresterie excluent

– Les interventions de circonstances (comme les campagnes de volontariat de plantations urbaines ou suburbaines sans lendemain).

– Le chevauchement des missions (les espaces verts relèvent des communes, et ceci en vertu d’une loi datant de 2007).

– L’adjonction de missions lourdes et régaliennes, comme la lutte active et à grande échelle contre les incendies de forêts. La mission des agents forestiers, dans ce domaine, et d’après les textes réglementaires, se limite pourtant à la prévention et à la première intervention.

– Les recrutements dont les profils ne s’accordent que rarement avec la pratique de terrain.

Les missions de développement rural-accomplies par les agents forestiers de façon exaltante et réussie-, pour qu’elle ne se fassent plus au détriment de la gestion forestière, devraient être revues en profondeur. Cela, en commençant par un renforcement institutionnel adapté qui se concrétisera par un nouvel organigramme et la mobilisation conséquente de moyens humains et matériels. Le retour au fondamentaux de la bonne gouvernance des territoires forestiers impliquent:

– La redéfinition, dans les faits, des missions de la protection, du développement et de l’extension du patrimoine forestier (les programmes de reboisements doivent être orientés beaucoup plus sur le technique que le politique). Il en est de même des autres missions liées à la protection des terres, de l’aménagement des bassins versants et de la lutte contre la désertification.

Il s’agit de mettre en application les principes contenus dans la loi 84/12 de 1984 et d’actualiser cette dernière sur les aspects qui semblent les moins bien pris en charge, à l’image de la mission de la police forestière.

– La «libération» du forestier pour qu’il aille vers son territoire et y agisse de façon rationnelle et efficace. La tâche paraît d’une sensibilité extrême en ce moment où les pouvoirs publics comptent relancer le Barrage vert (réhabilitation et extension). En effet, sans cet effort d’éclaircissement méthodologique et de confortement institutionnel, cette mission -ô combien stratégique, noble, exaltante et complexe à la fois !- sera mise à rude épreuve, voire compromise.

– Le fait que la majorité des communes sont aujourd’hui cadastrées ouvrent de nouvelles perspectives pour l’intégration de ces espaces dans les schémas d’aménagement des forêts en tant qu’entités homogènes (travaux d’infrastructures, de sylviculture, d’exploitation de bois, lièges et autres produits forestiers [plantes médicinales et aromatiques,…]).

– Redéfinition de la politique de l’aménagement des bassins versants, particulièrement ceux qui portent en leur aval un ouvrage hydraulique. Après des décennies d’incendies, les versants des montagnes se trouvent décharnés. Dans le contexte du réchauffement climatique qui fait subir aux ressources hydriques algériennes les pires épreuves de raréfaction, la mission du forestier apparaît au grand jour, particulièrement dans la protection des bassins versants afin non seulement de protéger les ouvrages hydrauliques des transports solides (envasements), mais également pour régulariser le régime des eaux permettant de recharger les nappes phréatiques.

- Une meilleure prise en charge des territoires steppiques.



Contribution de Abdelmalek Abdelfattah


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