Algérie

Algérie - Conférence-débat d’Ahmed Rachedi: «Le cinéma algérien doit s’autofinancer pour vivre»



Algérie - Conférence-débat d’Ahmed Rachedi: «Le cinéma algérien doit s’autofinancer pour vivre»


Mouloud Mammeri a écrit un scénario avant son roman L’Opium et le bâton adapté à l’écran en 1971. C’est ce qu’a révélé le cinéaste Ahmed Rachedi, lors d’une conférence-débat animée samedi après-midi à la bibliothèque principale de Tizi Ouzou, à l’occasion de la commémoration du 31e anniversaire de sa disparition de l’auteur de La Colline oubliée, avec lequel avait collaboré ce réalisateur dans son premier film documentaire L’aube des damnés (1965) commenté par feu l’écrivain.

«L’histoire de ce roman a commencé par un scénario. Mammeri disait que les événements ne lui ont pas permis de faire aboutir le projet», rapporte le réalisateur du film culte le plus vu en Algérie. Grand cinéphile, l’écrivain kabyle est considéré par l’intervenant comme étant le précurseur du cinéma algérien d’expression amazigh. Pour preuve, Mouloud Mammeri avait écrit en 1963 un scénario qui s’intitulait Le village incendié qui se situait à Thala comme dans L’Opium et le bâton.

Un personnage, Ali, déserteur de l’armée française, qui vivait dans une forêt, est mis en évidence dans ce texte. Une équipe a été constituée, mais le film n’a jamais été réalisé, selon le témoignage d’Ahmed Rachedi. Le long métrage L’Opium et le bâton était-il fidèle à l’œuvre éponyme? «Je t’ai donné une histoire d’amour, tu en a fais un western, m’a fait remarquer Mammeri qui me reprochait d’avoir occulté dans le film la deuxième partie du roman. Si l’Etat me donne les moyens, je suis prêt à adapter au cinéma l’histoire d’amour contenue dans le roman, même si l’amour chez nous est interdit. Ce qu’il y a dans ce film, c’est mon point de vue et ce serait intéressant d’avoir un remake», a fait savoir Ahmed Rachedi. «Mouloud Mammeri était un homme d’esprit. L’Algérie actuelle ne fait pas assez pour lui. Sur le plan littéraire, je ne vois pas ce qu’a fait de plus Albert Camus par rapport à Mammeri. Certains le classent d’ailleurs après Marcel Proust. Si on veut élever une stèle à son effigie, je pense que ce n’est pas chez lui à Taourirt», a-t-il estimé. Selon ce cinéaste, «on aurait du faire 50 films comme L’Opium et le bâton. Dans les marches du hirak, les gens me reconnaissant dans la rue et me lançaient: ‘‘Ali, mout wakef !’’. Cela prouve le rôle que peut jouer un film dans la communication».

Mais l’orateur dit avoir décidé de ne plus produire de films historiques car «peu de choses ont été écrites sur la Guerre de Libération et la documentation fait défaut». Plus loin, il pense avoir raté ce film, c’est pourquoi il faut en produire d’autres, selon lui. «Quand on passe d’une œuvre littéraire à un film, traduire c’est trahir. Sur 120.000 auteurs traduits au cinéma dans le monde, 5 seulement sont satisfaits de l’adaptation». D’autres difficultés ayant trait au métier ont été mises en relief par Ahmed Rachedi. «Le cinéma coûte trop cher. On est soumis à de nombreuses autorisations pour le scénario, le tournage, le placement d’une caméra dans la rue, etc. L’Etat a mis en place un système qui contrôle tout car le cinéma peut être une arme, selon nos responsables. J’ai fait un film sur Novembre qui a été interdit, car ceux se proclamant de la légitimité historique ne sont pas cités. Et les décideurs ont un pouvoir énorme, celui de l’argent. La mission du cinéma n’a pas pour vocation d’écrire l’histoire, le film n’est qu’une fiction. Pour que le cinéma algérien puisse vivre, il faudrait qu’il ait cette possibilité de s’autofinancer(…) Mon film Le moulin de Mr Fabre est resté 20 ans sans diffusion. Il était interdit à la télévision jusqu’au départ de la îssaba, car pour le système, j’avais critiqué la période de Ben Bella et c’est ce qui est vrai. Nous n’avons ni salles de cinéma, ni public. Cela fait 3 ans que je suis au chômage. L’Algérie aspire à produire 20 films par an. J’espère que les responsables en charge du secteur puissent rendre notre parcours du combattant moins complexe». Répondant aux questions du public, Ahmed Rachedi a indiqué qu’il ne fera pas de film sur la décennie noire en Algérie. «J’ai envie de tourner la page. Il y a d’autres priorités», a-t-il soutenu.

Concernant le doublage de L’Opium et le bâton en tamazight par Samir Aït Belkacem sous l’égide du Haut commissariat à l’amazighité (HCA), il dira: «J’ai appris dans la presse que ce film était prêt. Je tiens à visionner la version finale avant sa sortie pour voir si elle n’est pas tronquée, sinon je m’y opposerai et c’est mon droit car le film appartient à l’Etat».



Photo: Ahmed Rachedi a été l’hôte de Tizi Ouzou, samedi dernier ( Photo: EL WATAN )

Ahcene Tahraoui


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