Le sommet de Doha au Qatar sur le climat, vient de se terminer sur un échec retentissant. Les prédictions climatiques quasi-cataclysmiques révélées par la banque mondiale- juste avant le sommet- n'ont pas suffi à vaincre les égoïsmes des états (1). A ce rythme d'émission des gaz à effet de serre, le monde n'atteindra pas son objectif décidé à Copenhague en 2009, de limiter le réchauffement de la planète en dessous de 2 degrés. Les phénomènes météorologiques extrêmes (vagues de chaleur et de froid, inondations et sécheresses, tempêtes tropicales) très meurtriers, que les populations subissent a travers tous les continents, vont donc continuer, et probablement devenir plus violents et plus fréquents. Le réchauffement semble également s'accélérer, rendons des scénarios de 4, voire 6 degrés et leur conséquences inimaginables possibles, d'ici la fin du siècle. Dans ce sauve-qui-peut et chacun pour soi, notre gouvernement n'a pas le pouvoir d'empêcher ces phénomènes météorologiques extrêmes de frapper notre pays. Cependant, il a incontestablement le devoir et les moyens de protéger, ou du moins de limiter au maximum les conséquences de ces phénomènes violents, sur la santé et les biens de nos concitoyens.
DES VAGUES DE CHALEUR MEURTRIÈRES
Dans la revue anglaise, Nature Geoscience (2), des chercheurs de l'Institute for Atmospheric and Climate Science basés en Suisse et ceux du National Center for Atmospheric Research aux états Unis d'Amérique, se fondant sur l'analyse et la modélisation du changement climatique de la région méditerranéenne, ont prédit que des vagues de chaleur d'une ampleur jamais égalée vont nous atteindre. Pour donner un ordre de grandeur: d'une seule vague de chaleur observée tous les 3 à 5 ans, de 1960 à 1990, leur nombre augmenterait au cours des prochaines années, jusqu'à atteindre 2 ou 3 vagues de chaleur par an vers la fin du siècle. Ces vagues de chaleur dureront également 2 à 5 fois plus longtemps et atteindrons des températures inconnues jusque-là. Selon la Banque mondiale,19 pays dans le monde ont déjà battu des records de température cette année. Nos compatriotes ont déjà eu un aperçu cet été, avec deux canicules successives en Juin et en Août respectivement, entraînant une ruée vers les climatiseurs et subit des délestages d'électricité. Cela, bien entendu a provoqué leur colère, surtout que cela a coïncidé avec le mois sacré du Ramadan. Ces chaleurs ont probablement entraîné une surmortalité passée inaperçue, car nos hôpitaux ne sont pas équipés d'un système de recueil de mortalité et morbidité électronique.
La chaleur extrême est le phénomène météorologique le plus meurtrier, parmi toutes les autres calamités naturelles. L'ouragan Sandy venant de l'atlantique, considéré comme le plus fort de tous les temps, a causé la mort d'une centaine de personnes et des destructions considérables. La ville de New York, en partie inondée, et plongée dans le noir est restée paralysée dans le froid, sans eau potable et métro, pendant plusieurs jours. Les pertes dues aux destructions et une économie au ralenti ont été chiffrées à plus de 50 milliards de dollars. En raison de ces dévastations, les ouragans sont donc perçus comme les plus dangereux.En comparaison, la vague de chaleur qui a frappé l'Europe au cours de l'été 2003 n'avait entraînée aucune destruction, mais a tué silencieusement, plus de 70.000 personnes. La France, toute seule a compté 14.900 victimes en 9 jours en ce mois d’Août 2003. Ce côté meurtrier de la chaleur est bien connue dans l'histoire, par exemple, lors de la vague de chaleur de Beijing en juillet 1743,11.000 personnes ont péri en quelques jours. Un médecin du XIX e siècle parlant de vague de chaleur disait « qu'il ne connaissait pas d'autres endroits que les champs de bataille où une destruction aussi soudaine que massive de vies humaines survient en peu de temps ». Mais ce qui a stupéfié en 2003 l'opinion française et internationale, c'est comment la chaleur a pu tuer autant de personnes au 21eme siècle, dans un pays dont le système sanitaire est considéré parmi les meilleurs au monde? Comme nous l'avions déjà écrit dans le quotidien français, le Monde à l'époque (16 août 2003), avant même que le coût humain ne fut complètement établi, que c'est la méconnaissance du danger de la chaleur et l'impréparation qui en a résulté, qui ont conduit à l'hécatombe. Mais qu'en est-il de notre pays?
CYCLE SÉCHERESSE ET INONDATIONS
En plus des canicules, notre pays va subir des cycles de sécheresse et d'inondations qui auront des répercussions graves sur la santé des populations. Des pluies torrentielles se sont abattues pour la première fois dans le sud de notre pays, entrainant des inondations dans la vallée du Mzab et à Ghardaïa,faisant une cinquantaine de morts et des dizaines de blessés. Nos compatriotes ont tous en mémoire les pluies qui sont tombées avec une extrême violence sur Bab el-Oued en 2001 causant la mort de plus de 800 personnes.
De plus, ces cycles d'inondations et sécheresses sont bien connus pour perturber l'accès à l'eau potable. Si la couverture sanitaire est inadéquate, comme c'est souvent le cas dans beaucoup de régions en Algérie, le risque d'une hausse de maladies infectieuses et parasitaires, telles que la typhoïde, le choléra, la gale, les conjonctivites, et le paludisme, deviendra bien réel.
MESURES D’ATTÉNUATION ET D'ADAPTATION
Face à la gravité de cette menace, notre pays a élaboré une stratégie nationale pour le contrôle de nos émissions de gaz à effet de serre, et des mesures d'adaptation à l'impact du changement climatique sur nos ressources naturelles et écosystème, notre économie et la santé de notre population. Ce document, résultat d'une collaboration réellement large, entre toutes les parties prenantes nationales, gouvernementales, et non gouvernementales, a été soumis à la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques en 2010 (5).
Les mesures de protection de la santé de notre population, ont été discutées avec plus de détails, lors d'un atelier dit de dialogue interministériel, en présence du représentant résidant du Programme des Nations Unis pour le développement en 2009 (6). Ces mesures reposent sur le renforcement de notre système de santé en matière d'infrastructures, d'équipements et de ressources humaines. Elles prévoient de promouvoir la recherche,particulièrement épidémiologique pour mieux comprendre les effets du changement climatique, sur la santé de notre population. Elles comprennent la mise en place des systèmes d'alerte modernes et performants et des technologies de l'information qui permettront le recueil d'informations de qualité et un suivi en temps réel. Il reste à savoir si ces mesures importantes seront mises en place, et dans quel délai?
Les délestages d'électricité au cours de la canicule de cet été, qui ont même affecté le fonctionnement de certains hôpitaux, les cafouillages entre différents services lors des inondations de Ghardaïa, et l'état dans lequel se trouve toujours nos infrastructures sanitaires pour ne citer que ces éléments, suggèrent que notre pays n'est pas encore prêt à faire face à ces défis homériques. Ce manque de préparation peut nous coûter très cher, comme ce fut le cas pour l'Europe, et particulièrement la France en 2003. Les Algériens n'aimeraient pas revivre une tragédie aussi traumatisante que celle de Bab el Oued en 2001. L'échec du sommet de Doha met chaque état devant ses responsabilités, et rend urgent la protection des populations face à l'impact grave des phénomènes météorologiques extrêmes sur leur santé
1. http://climatechange.worldbank.org /sites/default/files/Turn_Down_the_Heat_Executive_Summary_English.pdf
2. Nature Geoscience 3:398-403 (2010)
3. Comptes Rendus Biologies 331: 171–178 (2008)
4. Revue Epidemiologie santé publique 52; 3-(2004)
5. http://unfccc.int/resource/docs/natc/algnc2.pdf
6. http://www.undpcc.org/docs/Inter-Ministerial Dialogues/Algeria/Algeria_NIMD_report_final.pdf
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Posté Le : 20/12/2012
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Photographié par : Photo: lameteo.org ; texte: Contribution de Bouchama Abderrezak
Source : Le Quotidien d'Oran du jeudi 20 décembre 2012