Algérie

Algérie - Bachir Iaïche. Président de l’Association nationale des éleveurs de chameaux et camelins et les zones pastorales: Nous lançons un cri de détresse avant de déclarer faillite



Algérie - Bachir Iaïche. Président de l’Association nationale des éleveurs de chameaux et camelins et les zones pastorales: Nous lançons un cri de détresse avant de déclarer faillite




Des éleveurs de camelin tirent la sonnette d’alarme. En plus de la sécheresse qui frappe le Sud, les éleveurs évoquent un manque flagrant de vétérinaires. Ils sollicitent le gouvernement pour intervenir en urgence pour sauver cette richesse.

- A combien évaluez-vous le cheptel camelin et équin?

Il est actuellement estimé à un million de têtes. On estime le même chiffre pour les chevaux, avec 6.000 têtes au Sud. Mais il s’agit seulement de statistiques approximatives dans la mesure où la majorité des éleveurs ne déclarent pas leur cheptel. Ces derniers ne veulent pas s’engager avec la caisse de sécurité sociale. Il faudrait sérieusement se pencher sur cette question et les éleveurs doivent être sensibilisés et qu’ils déclarent leur cheptel.

Certains ignorent les dispositions et croient qu’ils perdront leurs biens en déclarant à la caisse. Ce qui fait que les nouvelles dispositions de la Casnos n’ont presque rien donné. Outre ce problème, il existe aussi une absence des opérations de recensement. L’association tente tant bien que mal de prendre en charge ce volet, mais nous manquons de moyens logistiques et financiers.

- Vous accusez l’Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC) de ne pas vous réserver votre quota d’orge…

Au Sud, c’est la sécheresse. C’est une zone sinistrée. Nos cheptels sont en détresse. La situation est compliquée, car quand il y a sécheresse il y a maladie, et nous essayons alors de sauver nos bêtes avec l’alimentation. Mais le problème qui se pose est que nous n’avons pas cette alimentation. L’OAIC est censé nous subventionner, mais cela n’a pas été fait. Nous ne demandons pas qu’on nous donne gratuitement les aliments, nous voulons seulement acheter et avoir notre quota d’orge. Nous n’avons rien reçu depuis des années.

L’OAIC considère que l’élevage camelin ne fait pas partie du programme de l’Etat. Pour l’Office, il n’y a que les cheptels bovin et caprin qui sont plus importants à leurs yeux. A l’exception d’El Bayadh qui a eu un quota très limité, les autres wilayas restent sur leur faim. Il faut au moins 1,2 quintal par mois et par tête. Les pertes financières sont estimées à plus de 400 millions de dinars par an, dans la mesure où nous perdons 2.000 têtes de nos cheptels annuellement.

Si l’Office ne peut pas faire face à cette demande, alors qu’il ouvre le marché pour importer. En février dernier, lorsque j’ai été reçu par le directeur de l’OAIC, on m’a ensuite baladé d’un service à un autre. J’insiste sur le fait que l’élevage camelin n’est aucunement pris en considération par les autorités. Nous demandons de vraies mesures, même si le ministre de l’Agriculteur avait affiché son intention de régler ce dossier après celui de l’élevage des chevaux qui est en cours.

En fait, ce sont les responsables locaux, dans les wilayas, qui ne veulent pas appliquer les mesures décidées par le ministère. Depuis des années nous souffrons de la hogra. Seules l’équitation et la fantazia sont pris en charge. D’ailleurs, nous félicitons les efforts de la Fédération de l’équitation. Aujourd’hui, de Saïda, Biskra, Mila, Ghardaïa et d’ailleurs nous lançons un cri de détresse avant de déclarer faillite.

- Peut-être que la production cameline n’est pas aussi rentable que les autres productions animales...

Dans les pays du Moyens-Orient, il s’agit d’une priorité. Au Sud, le camelin couvre la totalité de la demande locale, même pour le lait. Ce dernier est trop demandé dans la mesure où il est l’équivalent du lait maternel. Il faut savoir que la viande de camelin est sans cholestérol et la graisse qui en est issue est bénéfique pour les asthmatiques. Un chameau équivaut au moins à 10 chèvres en matière de quantité de viande. L’OAIC nous a donné 3.000 quintaux/mois et cela ne suffit pas.

J’ai besoin, rien que pour Ghardaïa, de 16.000 quintaux. En plus, le chameau ne coûte pas grand-chose aux pouvoirs publics. C’est un animal résistant et qui ne boit qu’en juin, juillet et août seulement. D’ailleurs, nous avons demandé, en vain, l’installation de panneaux solaires pour faire remonter l’eau des puits. Or, jusqu’à aujourd’hui, nous utilisons nos chameaux ou nos véhicules pour cela…

- Vous dénoncez également le manque de vétérinaires. Comment faites-vous face aux pathologies existantes?

Effectivement, nous n’avons pas de vétérinaires. Je défie quiconque de me montrer comment soigner un chameau ou un dromadaire. Nous nous limitons à la médecine traditionnelle. Mais nous nous retrouvons livrés à nous-mêmes quand il s’agit de maladies contagieuses. Même la vaccination n’est pas disponible pour le cheptel. Plusieurs lettres ont été envoyées au ministre de l’Agriculteur sur ce dossier, mais on n’a eu aucune réponse.

- Des conflits ont éclaté entre les éleveurs et les agriculteurs pour le classement des zones agricoles et pastorales. Avez-vous convaincu les autorités locales pour une répartition définitive?

Nous demandons que les zones pastorales soient définies et qu’elles soient réglementées. Nous devons en finir avec nos conflits avec les agriculteurs qui n’hésitent pas à clôturer certaines zones, ainsi que les puits. Ces zones doivent être définies avec leurs puits et leurs plantes dites Damrane, favorites du cheptel. D’ailleurs, je tiens à dénoncer les pratiques des entreprises qui jettent les batteries usées dans la nature. Les dromadaires, attirés par les acides, meurent peu de temps après. Ensuite, je ne comprends pas comment les autorités locales peuvent accorder des zones pastorales pour des constructions.

- Des accidents de la route sont souvent causés par les dromadaires. Quelles solutions proposez-vous?

Nous avons interpellé le ministère des Transports pour nous aider à acquérir des ceintures fluorescentes pour protéger et les automobilistes et les chameaux. Aucune réponse ne nous a été malheureusement donnée.


Photo: Nous nous limitons à la médecine traditionnelle. Mais nous nous retrouvons livrés à nous-mêmes quand il s’agit de maladies contagieuses.

Nassima Oulebsir



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