Algérie

Algérie - AVIS LARGEMENT PARTAGÉ «Net recul de la liberté de la presse»





Des journalistes, des politiciens, des défenseurs des droits de l’Homme se sont exprimés sur l’état de la presse nationale. Ils s’accordent tous pour dire qu’aujourd’hui, il n’existe pas de liberté de la presse en Algérie.

- Hamid Goumrassa, journaliste au quotidien El Khabar:

«Je ne reconnais pas cette journée, œuvre de Bouteflika qui n’a jamais arrêté de mettre la pression à la presse. D’ailleurs, depuis son arrivée en 1999, il a affiché son animosité en traitant les journalistes de «teyabat el hammam» (les masseuses de bain maure). Il a toujours témoigné du mépris envers la presse algérienne et surtout envers celle qui a gardé une marge par rapport aux pouvoirs publics. S’il y avait une réelle volonté des autorités et de Bouteflika, puisque tout est concentré à son niveau, pour élargir la liberté au profit des journalistes, il y aurait eu au moins un indice. Lui qui n’a jamais tenu ne serait-ce qu’une seule conférence de presse depuis toutes ces années passées au pouvoir. Les journalistes ne veulent pas de Journée nationale, ils n’ont pas besoin d’un symbole, car tout cela n’est que du folklore. Ils veulent du concret.»

- Saïd Rabia, journaliste au quotidien El Watan:

«Si vous me posiez la question: est-ce que le pouvoir respecte la liberté de la presse, un des plus importants attributs de la démocratie, garanti par la Constitution du pays? Je vous dirais non. Le citoyen a le droit d’être informé, le journaliste a le droit d’avoir libre accès à l’information et le devoir d’informer en respectant les règles professionnelles du journalisme. Ce n’est pas le cas. Je pense qu’il n’y a pas de liberté de la presse en Algérie et les seuls espaces de liberté qui restent sont le fruit d’âpres luttes menées par des femmes et des hommes de la profession, et ils ne sont pas nombreux.

C’est, en fait, le fruit d’une dure résistance devant les coups de boutoir d’un pouvoir qui n’aime pas la transparence. Qu’est-ce qu’implique la liberté de la presse? Elle implique la transparence dans la gestion des affaires de l’Etat et le fonctionnement démocratique des institutions du pays. Ce n’est un secret pour personne ; il n’y a rien de tout cela. L’Algérie est l’un des rares pays où le secteur de l’audiovisuel est toujours fermé. Les chaînes de télévision qui existent sont de droit étranger. A une seule exception, elles sont ni plus ni moins des supports médiatiques du pouvoir, des organes de propagande, moins évidemment le respect des règles déontologiques et professionnelles.

Le pouvoir ne peut s’accommoder de la liberté de la presse qui le dérange. Lorsque le ministre de la Communication, comme le rapportait dernièrement le quotidien El Khabar fait pression sur les annonceurs privés pour étouffer financièrement les seules espaces de liberté qui restent, il y a de quoi s’inquiéter. Le pouvoir ne respecte ni la Constitution, ni la liberté de la presse. Je pense qu’il y a vraiment danger sur les poches de liberté qui subsistent.»

- Djilali Soufiane, président de Jil Jadid:

«La liberté d’expression en Algérie est plus un slogan qu’une réalité. Le pouvoir essaye de museler par tous les moyens la presse indépendante et autonome. Il fait pression sur ses moyens de vie qui est la publicité et encourage tous les médias qui le soutiennent. C’est un combat entre ce qui reste de la liberté d’expression et la volonté du pouvoir de tout fermer et de tout contrôler.»

- Mazouz Atmane, secrétaire national chargé de la communication du RCD:

«La liberté d’expression et de la presse relèvent du mirage sous ce pouvoir. Jamais la presse n’a connu autant de difficultés que sous le règne de Bouteflika. Nous sommes devant un régime qui ne peut s’accommoder d’une quelconque liberté, notamment la liberté d’expression arrachée de haute lutte par des militants et professionnels de la presse auxquels le plus grand hommage doit être rendu. L’opinion publique ne doit pas ignorer les multiples atteintes à l’exercice libre des professionnels de la presse, et à entendre parler l’actuel ministre de la Communication qualifier les médias d’assistés ne peut faire avancer la cause et le métier d’une corporation qui a connu d’énormes sacrifices. On ne peut parler de la liberté d’expression et de la presse alors que l’Algérie n’a jamais figuré parmi les bons exemples à citer en matière des libertés. Le pouvoir n’a aucun mérite à faire valoir dans ce domaine. Qu’en est-il du pluralisme, de l’indépendance des médias, du cadre légal et de la transparence dans le secteur de la communication? Les indicateurs sont plus qu’inquiétants et catastrophiques».

- Nourreddine Benissad, président de la LADDH:

«La liberté d’expression est consacrée par les conventions internationales. Dans les faits, si l’état d’urgence a été formellement levé, pour la liberté de la presse des garde-fous sont toujours mis en avant. Le monopole est appliqué sur la publicité, comme il n’y a pas aussi de transparence dans sa distribution. Une distribution qui se fait selon la ligne éditoriale du journal.

C’est de l’arbitraire. La concentration étatique dans les moyens d’impression révèle un aspect arbitraire dans le traitement du journal par l’Etat qui n’est pas impartial. Les moyens coercitifs sont toujours là. Les autocensures continuent par peur des poursuites judiciaires. Aussi, il est important de signaler que l’autorité de régulation de la presse écrite est présidée par une personne qui vient d’un parti politique. Sans compter l’absence d’une représentation d’un syndicat fort des journalistes qui peut accompagner et défendre les droits moraux de la corporation.»

- Azzedine Aït Djoudi, patron de presse et entraîneur du club de football NAHD:

«La presse algérienne a beaucoup avancé. C’est une presse qui a beaucoup combattu et enduré des problèmes et des malaises.
La liberté de la presse a connu une bonne évolution en Algérie. A la limite, il y a même ceux qui ont dépassé les règles du jeu. Il y a certaines libertés qu’on ne trouve pas ailleurs.»

Propos recueillis par Rym Nasri



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