Les incendies de forêt, les pyromanes, les destructeurs de forêts, et les contrebandiers sont autant de calamités dont souffre le patrimoine forestier de notre pays. Le directeur général des forêts revient en détail sur tous ces fléaux.
Rym Nasri - Alger (Le Soir) -
Le premier responsable des forêts, Ali Mahmoudi, confirme la thèse de l’incendie volontaire pour les feux de forêt qui ont touché plusieurs wilayas du 6 au 7 novembre dernier.
«Nous avons recensé 52 départs de feux dont 41 durant la nuit du 6 novembre dernier. Ayant effectué un déplacement sur les lieux, le Premier ministre avait déclaré que les incendies avaient été commis intentionnellement. Il doit avoir ces informations dont nous ne disposons pas en tant que corps des forêts», a-t-il indiqué lors de son passage dans l’émission de LSA Direct.
Selon lui, les températures trop élevées, le sirocco et les vents violents enregistrés dans les régions ouest du pays ont certes, favorisé la naissance des incendies. Mais poursuit-il, «ceux qui avaient l’intention de brûler nos forêts attendaient exactement ce moment pour mettre le feu, car ils sont sûrs que ces incendies consumeront un maximum d’espaces».
Sommés de restituer leurs armes suite aux événements de la décennie noire, les gardes forestiers n’agissent plus seuls. Pour les missions musclées, ils sont accompagnés par les éléments de la Gendarmerie nationale, un corps auquel l’administration des forêts est liée par un protocole d’accord.
«La Gendarmerie nationale dresse souvent des barrages conjointement avec l’administration des forêts pour le contrôle du mouvement des produits forestiers», note le DG des forêts.
Il évoque ainsi les destructeurs des forêts qui usent de tous les moyens pour piller le patrimoine forestier de notre pays.
«Ils transportent des pieds droits et du liège dans des camions frigo», dit-il.
Et de rappeler qu’en juin dernier, des voleurs de liège ont procédé dans la région de Jijel, au démasclage du liège avant terme.
«En enlevant le liège qui était encore collé à la mère, ils ont provoqué la mort de l’arbre», déplore-t-il.
Face à la législation algérienne qui interdit l’exportation du liège brut, ces destructeurs ont développé leurs procédés. Seul le liège transformé peut être exporté. Pour ce faire, les trafiquants de liège se sont dotés de microbroyeurs.
«Ce sont des broyeurs compacts qu’ils transportent en forêt, exploitent le liège, le broient sur place et le mettent dans des sacs avant de le céder à des exportateurs qui l’envoient à l’étranger», explique-t-il avec amertume.
Pourtant, précise-t-il, le liège est exploité une fois tous les neuf à douze ans, en fonction de la richesse de la station.
«Notre forêt est organisée de sorte à ce que nous ayons une moyenne de 60 à 70.000 qx par année et tous les ans. Les destructeurs dérèglent complètement cette rotation puisqu’ils interviennent sur des lièges qui ne sont pas arrivés à maturité et n’effectuent pas les tests de levée permettant de savoir si le liège s’est décollé de la mère. Quand on enlève un liège collé à la mère, c’est l’arbre qui meurt», détaille-t-il.
- Fret d’avions pour faire face aux incendies de forêt
Ali Mahmoudi affirme que l’Algérie ne dispose pas de canadair. Selon lui, ce gros porteur nécessite de grands espaces pour s’alimenter en eau. Or actuellement, seul le barrage de Beni Haroun pourrait accueillir ce genre d’avion. Par contre, ajoute-t-il, une instruction a été donnée, suite au Conseil ministériel du 5 août dernier, pour le fret de petits avions pouvant s’approvisionner dans tous les barrages dont dispose notre pays. «Malheureusement, nous nous sommes pris un peu en retard. J’espère que nous serons au rendez-vous pour cette année», dit-il avant de rappeler que les quatre hélicoptères de la Protection civile n’avaient pas cessé d’intervenir durant cette saison.
- Des dizaines d’années pour reconstituer des forêts incendiées
La reconstitution des forêts ravagées par les incendies est lente, voire très lente. Elle varie d’une espèce d’arbres à une autre. L’invité de l’émission LSA Direct cite ainsi l’exemple de l’incendie de Tikjda (Bouira) survenu le 31 août 2002. «Certains arbres étaient des cèdres de plus de 900 ans et cet incendie les avait rasés. Il faut attendre neuf siècles pour que les générations futures puissent profiter comme nous avions eu à profiter de l’ombre de ces cèdres majestueux», dit-il.
Les forêts de pin d’Alep, elles, nécessitent minimum 50 ans pour qu’«elles puissent nous ombrager». Les forêts de chêne-liège ayant été léchées par le feu, reprennent l’année d’après. La convention établie entre la direction des forêts par l’Agence spatiale algérienne (ASAL) permet justement d’«évaluer les superficies parcourues par le feu et d’estimer la cicatrisation de ces espaces après les premières pluies d’automne», dit-il.
- Pour une chasse mieux encadrée
Rouverte le 12 septembre dernier, la chasse constitue un «gros chantier» pour l’administration des forêts. Son directeur général assure que depuis la publication de la nouvelle loi sur la chasse en 2007, son administration s’attelle à organiser la corporation des chasseurs.
Il évoque, à cet effet, l’installation du Conseil supérieur de la chasse prévue incessamment, et l’élaboration de la licence de chasse qui fixe le nombre de pièces que devrait prélever chaque chasseur et ce par journée de chasse.
«Nous sommes en discussion avec la Direction générale des domaines pour arrêter ce que doit payer chaque association de chasseurs pour louer un certain nombre de terrains forestiers. Ils ne pourront chasser que dans les terrains qui leur sont amodiés», dit-il.
Il indique également que des formations préalables à la délivrance du permis de chasse sont assurées conjointement par la Fédération nationale des chasseurs et l’administration des forêts.
Elles se déroulent en trois jours et aborderont les notions sur la biologie des espèces animales, les mesures de sécurité à prendre, et les caractéristiques des arbres.
- Une forêt à la rescousse de l’économie nationale
Deux ouvertures sont opérées dans le domaine forestier: les périmètres d’autorisation d’usage pour le développement de l’arboriculture rustique, et les forêts récréatives pour les gros investisseurs où les jeunes se constituent en coopératives.
Ali Mahmoudi dévoile la volonté de son administration de réviser la loi afin de revoir à la hausse les mesures répressives et faire en sorte à ce que la forêt algérienne contribue à l’économie du pays de manière durable. Selon lui, les jeunes peuvent investir dans les huiles essentielles, les plantes aromatiques, les champignons, .... «Les créneaux sont nombreux», conclut-il.
Photo: ©Samir Sid
Ry. N.
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 18/11/2020
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Ecrit par : Rym Nasri
Source : lesoirdalgerie.com du mardi 17 novembre 2020