- On est à la fin du programme 2010-2014 sur la plantation d’un million d’hectares d’oliviers, et à la veille de la nouvelle campagne oléicole. Où en est la filière?
Pour réaliser ce programme, le ministère de l’Agriculture s’était fixé un objectif démesuré de plantation de 200.000 ha/an, alors que les pépinières algériennes, publique et privées confondues, sont incapables de couvrir 15.000 ha. A défaut d’atteindre cet objectif, on s’est appuyé sur des statistiques virtuelles sur la base desquelles on a dégagé des milliards de dinars. Résultat : personne n’est en mesure de faire un bilan. Or, je peux affirmer qu’à peine 10 à 15% des plantations ont réussi. Tout ce programme a fini par générer un produit incapable de concurrencer en termes de qualité/prix le produit bas de gamme du marché international.
A défaut de contribuer à la couverture d’une partie des besoins du marché national en matière grasse végétale totalement importée, cette «filière» a accouché d’une huile impropre à la consommation au regard des normes internationales, et à un prix qui dépasse l’entendement - 600 à 700 DA- soit quatre fois plus qu’une huile réglementée de bonne qualité. Quant aux olives de table, elles coûtent 350 DA le kilo et sont infectées dans bien des cas - jusqu’à 80% - par la mouche de l’olive. Absolument nécessaire dans une première étape pour le pays, le programme du million d’hectares s’est transformé en millions de fiascos à travers une gestion désastreuse.
Ajouté à cela les investisseurs complètement démobilisés par l’absence totale de visibilité commerciale et les forêts d’oléastres jamais greffés, les déchets des huileries qui contribuent dans une grande part à la pollution de l’environnement et des eaux de barrages dont l’entreprise de dépollution coûte plus de 2% du PIB. Le tout couronné par la dilapidation de milliers d’hectares de terres par l’irrigation avec l’eau salée. L’huile d’olive, censée devenir un produit de large consommation comme partout ailleurs, reste un produit douteux de luxe. Pendant ce temps, l’importation des huiles de graines oléagineuses (soja et tournesol) s’accentue de plus belle, au bonheur des agriculteurs étrangers.
- Quel est le problème de fond qui entrave le développement de cette filière?
D’une part, les pouvoirs publics veulent moderniser une filière traditionnelle qui s’est toujours presque trouvée en zone de montagne, conduite de manière traditionnelle comme activité de subsistance, sur des parcelles fractionnées par les héritages. D’autre part, ils veulent créer une oliveraie moderne, intensive, dans de nouveaux territoires (Hauts-Plateaux et Sud), sur de vastes étendues, alors que la filière n’est pas professionnalisée, qu’il n’y a aucun encadrement technique, ni de marché normalisé, ni de recyclage des sous-produits pour protéger l’environnement très fragile de ces zones. Soutenus par l’Etat grâce à des budget faramineux, ni les agriculteurs saisonniers des zones traditionnelles de l’olivier ni les nouveaux opérateurs qui ont investi dans les grandes oliveraies ne sont en mesure de s’inscrire dans une démarche dépourvue de toute logique de développement.
- Que préconisez-vous?
C’est une situation inédite, qui n’est pas propre à l’Algérie. La filière oléicole dans les pays du bassin méditerranéen, son fief historique, a connu des hauts et des bas. De véritables programmes de développement ont permis à de nombreux pays de sortir d’une situation similaire par l’entremise de politiques agricoles basées sur la valorisation des produits du terroir. Il n’y a qu’à mettre en valeur les forêts d’oléastres naturelles pour les transformer en milliers d’oliveraies capables de réduire considérablement les importations d’huiles de graines oléagineuses. Il faut commencer par remplacer l’assistanat érigé en programme économique par une économie agricole basée sur le niveau de rémunération du produit dont la qualité est régie par les normes internationales.
L’Algérie est membre à part entière du Conseil oléicole international depuis plus de trente ans, mais elle continue contre vents et marées à lui tourner le dos. L’huile d’olive est un produit comme les autres. Pour le développer, il faut lui créer un marché de standard international, inciter à la réorganisation de la filière, revoir le mécanisme d’attribution des financements et redéfinir le profil de l’opérateur et des compétences des comités de wilaya qui actuellement fonctionnent comme des comités populaires de distribution des fonds. Par ailleurs, il serait particulièrement intéressant de remodeler le programme du PNDA en l’adaptant à chaque situation et priorité, au lieu d’en faire une nomenclature standardisée. Enfin, respectons la vocation des territoires. L’olivier ne doit pas accaparer les territoires du palmier, ni ceux de l’abricotier, ni ceux de la pomme de terre, et vice-versa.
Amar Fedjkhi
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Posté Le : 29/11/2014
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Photographié par : Photo: elwatan.com ; texte: Entretien par Amar Fedjkhi
Source : El Watan.com du vendredi 28 nov 2014