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Algérie - Ahmed Dahmouche, Directeur du Parc National du Djurdjura, à El Moudjahid: «Des mesures pour préserver la biodiversité»



Algérie - Ahmed Dahmouche, Directeur du Parc National du Djurdjura, à El Moudjahid: «Des mesures pour préserver la biodiversité»


Entretien réalisé par : Belkacem Adrar

- El Moudjahid: Quels sont les principaux effets du changement climatique sur la biodiversité du parc et comment le parc y fait face pour atténuer l'impact de ces effets de plus en plus menaçants?

Ahmed Dahmouche: Le changement climatique est l'un des problèmes environnementaux les plus préoccupants auxquels est confrontée la population mondiale actuellement et dont les effets sont désastreux sur l'ensemble des écosystèmes à travers le monde. En effet, les écosystèmes marins, forestiers et montagneux, à l'instar du Parc national du Djurdjura, sont les plus vulnérables face aux perturbations du climat qui conditionne, par le biais de la circulation océanique et atmosphérique, la répartition des espèces, leur schéma de migration, leur cycle de vie et, en partie, la composition des sols. C'est pour cela que l'influence du dérèglement climatique est très prononcée sur les trois niveaux d'organisation de la biodiversité.

Au Parc national du Djurdjura, ce sont les éléments naturels qui constituent la base de la conservation d'un tel milieu fragile qui subit, malheureusement, de plein fouet les effets du changement climatique. Ces derniers sont ressentis à travers tous les territoires de notre pays qui a un climat méditerranéen dont la saison sèche estivale constitue la caractéristique principale de sa détermination et qui se voit prolongée ces dernières années au-delà de trois mois avec la raréfaction des pluies, ce qui a influencé de manière négative directement les ressources hydriques du Parc pour causer un stress aux espèces montagneuses sans précédent telles que le cèdre de l'Atlas, une espèce emblématique du Djurdjura.

Une étude comparative sur dix ans concernant certaines sources du PND a montré une diminution alarmante de leurs débits; la source Tinzert à Tala Guilef en est le meilleur témoin. Son débit se mesure actuellement à seulement 50 litres par seconde alors qu'il était de 425 litres par seconde. En réponse aux dérèglements des facteurs abiotiques tels que la température, la pluviométrie et la quantité de neige qui est de moins en moins présente au Djurdjura, les espèces montrent un changement dans leur valence écologique à l'exemple du pin d'Alep, qui ne dépasse pas naturellement les 900 m d'altitude et qu'on rencontre maintenant au-delà de 1.000m. Cela crée une certaine concurrence avec le cèdre dont l'habitat naturel est à partir de 1.200 m de dénivellation.

La floraison, la migration et la reproduction précoce constatée chez certaines espèces dans le Djurdjura est une autre perturbation des phénomènes phénologiques due au changement climatique, qui crée un déséquilibre écologique et perturbe les relations inter et interspécifiques des éléments biotiques.

Il faut souligner que le changement climatique est très prononcé dans les régions montagneuses et ses effets sont plus marqués à cause de la modification considérable du bilan radiatif par l'absence de neige, l'assèchement des ressources hydriques et la modification du couvert végétal. La vitesse du changement climatique et l'adaptation des espèces et une équation non équilibrée, malheureusement, et c'est là où réside la crainte et les enjeux de ce phénomène.

- Comment la pollution, notamment celle liée aux activités humaines, impacte-t-elle les écosystèmes et les espèces présentes dans le Parc?

Les déchets solides laissés par les visiteurs est la forme de pollution qu'on distingue le plus au Parc et ses effets sur l'ensemble des écosystèmes du PND sont très fâcheux. En plus de la nuisance esthétique immédiate qui défigure la mosaïque harmonieuse des éléments naturels faunistiques et floristiques, à long terme, ces déchets se décomposent et s'infiltrent à travers le sol pour changer la composition de ses éléments et regagner même les réseaux hydriques souterrains. La faune sauvage trouve dans ces déchets une source de nutrition qui peut leur causer des intoxications, du changement dans leurs régimes alimentaires et plus tard un trouble du comportement.

C’est le cas pour le singe Magot qui montre de plus en plus un changement dans son régime alimentaire et qui préfère être nourri par les visiteurs ou dans des poubelles aux dépens de sa santé.

Les réseaux trophiques sont la base de l'organisation du vivant. La pollution via les déchets solides circule d'une chaîne alimentaire à une autre pour toucher toutes espèces.

- Quelles sont les mesures spécifiques mises en place par l'administration du Parc pour préserver sa biodiversité face aux défis posés par le changement climatique et la pollution?

Face à la pression d'origine anthropique conjuguée aux effets du réchauffement climatique que subit la biodiversité du Djurdjura, l'administration du Parc a pris un ensemble de mesures préventives pour préserver ces milieux naturels. Parmi lesquelles, la sensibilisation de l’ensemble des parties prenantes sur la nécessité de préserver cette biodiversité fragile à travers l'instauration de certaines règles de bonne conduite qui font l'objet d'une charte que nous sommes en train de finaliser. En effet, les agences de voyage, les visiteurs ainsi que leurs accompagnateurs doivent respecter les consignes de l'administration du PND en termes d’interdiction d'accès à certains endroits et en montrant plus de civisme à l'égard de la biodiversité.

Une carte écotouristique des endroits autorisés d'accès (camping, circuits et détente) est publiée sur la page Facebook du Parc pour ceux qui veulent la consulter pour s’orienter (et sera distribuée à l’ensemble des parties prenantes).

On a également installé dans ce sens 75 panneaux de signalisation de différentes thématiques à travers l’ensemble du territoire du Parc notamment les sites les plus fréquentés.

En matière d’énergies renouvelables et dans le but de diminuer la pollution, le Parc a installé six panneaux photovoltaïques dans la maison forestière (station biologique) au secteur de conservation Tala Rena.

Les écosystèmes du Parc sont un patrimoine écologique très important aux niveaux local, national et même mondial et leur préservation demande des moyens financiers, une gestion participative et durable et les efforts de tout un chacun.






Photo: Ahmed Dahmouche, Directeur du Parc National du Djurdjura

B. A.


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