La rationalisation de l’utilisation de l’eau est désormais un impératif pour l’avenir du secteur agricole qui a souffert du stress hydrique induit par les changements climatiques. La problématique de l’eau, en général, et de l’irrigation agricole dans la wilaya de Tipasa a été, ces dernières années, au centre des préoccupations des pouvoirs publics, qui déplorent un déficit en eau de 100.000 m3 par jour (dû à la rareté des pluies) depuis 2011.
Cette situation n’a pas, pour autant, été un détonateur et fait réagir les consommateurs, en particulier les fellahs (dont les quotas s’amenuisent et sont loin de répondre à leurs besoins), pour changer leurs méthodes de gestion et de rationalisation de l’irrigation en adoptant des méthodes modernes.
- Nouvelles techniques pour économiser l’eau
Malgré les efforts incessants des responsables de la Chambre d’agriculture de wilaya (CAW) et des services agricoles à tirer la sonnette d’alarme, sensibiliser, vulgariser, informer, tout en expliquant les aides et soutiens de l’Etat, pour sortir des sentiers battus, les agriculteurs restent réticents aux nouvelles technologies de gestion de leurs parcelles agricoles.
Selon les services agricoles, la superficie agricole irriguée est, selon les chiffres de 2018/2019, de 38%, c'est-à-dire que seuls 23.000 ha font l’objet d’irrigation sur plus de 70.000 ha de la superficie totale.
C’est le cas notamment de l’utilisation du goutte-à-goutte et de l’aspersion et autres techniques pour économiser l’eau et rationaliser son utilisation selon les cultures, alors que la wilaya fait face à un stress hydrique inédit qui semble s’installer dans la durée, hélas.
La wilaya de Tipasa a enregistré ses premières pluies qui ont arrosé la nature, qui a beaucoup souffert de l’absence de pluies et dont les effets sont visibles à l’œil nu puisque la couleur jaune est devenue dominante dans les champs environnants, contrairement aux années précédentes où le vert et le bleu dominaient.
Pour trouver d’autres alternatives à la pluie, une denrée de plus en plus rare dans le bassin méditerranéen, les responsables semblent prendre au sérieux le problème et se lancent dans la sensibilisation tous azimuts.
D’ailleurs, le thème de la 30e édition Journée nationale de vulgarisation agricole (le 2 octobre dernier), organisée par la CAW (Chambre d’agriculture de wilaya) de Tipasa a porté sur «l’Innovation et les technologies agricoles, pour faire face aux changements climatiques» devant une nombreuse assistance composée en majorité d’agriculteurs.
La CAW de Tipasa continue d’innover, elle aussi de son côté, en faisant appel aux spécialistes et surtout au savoir-faire des chercheurs en signant des conventions avec les institutions de recherche à l’image de l’UDES (Unité de développement des équipements solaires) de Bou Ismaïl et le Centre universitaire de Tipasa pour ne citer que ceux-là, afin d’engager des réflexions sur les différentes problématiques qui se posent à ce secteur vital et stratégique.
Lors de la célébration de la journée nationale de vulgarisation, des enseignants-chercheurs ont évoqué les résultats de leurs expériences, dont celle menée en matière d’économie de l’eau dans trois wilayas du sud du pays, en l’occurrence Oued Souf, Biskra et Ghardaïa, en espérant pouvoir les appliquer sur les terres agricoles du littoral et en particulier à Tipasa.
Selon les responsables de la CAW, un chercheur a présenté son innovation qui s’est avérée positive et déclinée sous 3 formes, à savoir celle expérimentée à Oued Souf avec l’utilisation des pivots, la seconde à Biskra à travers l’irrigation par le goutte-à-goutte et enfin une troisième, dite organisationnelle, qui consiste à utiliser rationnellement l’eau des forages pour un collectif, dans une conjoncture marquée par un stress hydrique important comme c’est le cas aujourd’hui.
- Réutilisation des eaux usées épurées
L’autre axe qui a été discuté lors de cette journée a concerné la réutilisation de l’eau traitée et épurée des STEP (station de traitement et d’épuration), au nombre de 4 dans la wilaya (Koléa, Hadjout et Tipasa et celle de Bou Ismaïl en cours de réception).
L’acquisition de nouveaux équipements n’est pas le moindre écueil, car les STEP ouvertes, à ce jour au niveau national, au nombre de 50 étaient conçues juste pour épurer l’eau usée sans la désinfecter, d’où sa faible utilisation par les agriculteurs et son rejet, directement, en mer pour le cas de la station du Chenoua de Tipasa.
La problématique de la réutilisation des eaux usées, qui devra passer du taux actuel de 7% à 40%, étant d’actualité, eu égard à la faiblesse de la ressource due à une pluviométrie faible induite par les changements climatiques. Les pouvoirs publics en ont fait leur cheval de bataille et considèrent qu’elle est une alternative incontournable, mais ils font face à un bémol à savoir (cette réutilisation dans un premier temps pour les besoins de l’agriculture), que l’eau épurée des STEP n’est pas désinfectée et doit, par conséquent, faire l’objet d’un processus spécial à mettre en place, faute de quoi, elle sera nuisible à l’environnement et à la santé des citoyens.
Pour ce faire, une approche a été développée lors de la journée de vulgarisation agricole par le lauréat du concours national 2023 Agence nationale de gestion intégrée des ressources en eau (Agire) portant sur l’élimination des produits organiques qui échappent aux différents traitements (dont les pesticides, les produits adjuvants et autres colorants, les résidus des déchets sanitaires et produits pharmaceutiques) de la Step.
- 500 décisions de forages agricoles accordées en 2024
En attendant de mettre en pratique tout ce programme de réutilisation des eaux usées épurées et dans la perspective de jours meilleurs en pluviométrie, pour compenser le déficit en irrigation, le recours aux forages agricoles a, finalement, été décidé et accepté.
Selon les responsables de la Direction des ressources en eau (DRE), le périmètre d’irrigation de la wilaya a été renforcé par l’octroi de près de 500 autorisations de forage mettant fin aux attentes des fellahs depuis 2016.
En effet depuis cette date, les responsables avaient refusé l’octroi d’autorisations de forage agricole aux exploitants agricoles, en raison du déficit criant en eau préférant le conserver pour l’alimentation en eau potable (AEP), selon les instructions des responsables au niveau national.
Puis à partir de 2022, il y eut un assouplissement avec la mise en place, par la Direction des ressources en eau, d’un guichet unique chargé d’étudier les demandes de forage des fellahs qui étaient au nombre de plus de 400. Celui-ci a, aussitôt, été suivi par une décision d’accorder à 375 agriculteurs l’autorisation de réaliser des forages, en plus de la réhabilitation de 17 puits.
L’exploitation des nouveaux forages permettra l’irrigation d’une superficie de 3.000 ha qui viendront s’ajouter aux 18.000 hectares du grand périmètre d’irrigation (GPI) de la Mitidja-Ouest.
Photo: Système d'irrigation par le goutte à goutte pour l'économie de l'eau et la lutte contre le gaspillage
Djamila Seddiki
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Posté Le : 23/10/2024
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Ecrit par : Djamila Seddiki
Source : lesoirdalgerie.com du mardi 22 Octobre 2024