Algérie

ALGERIE : À QUAND LE DEBAT CONTRADICTOIRE '



Nous abordons dans ces quelques lignes, ce qui pourrait être présenté comme les « conditions requises » pour que soit possible le débat dit contradictoire, dans la société algérienne, tant que cela s'avère utile, nécessaire même, sans toutefois, subir les aléas du dévoiement et de l'errance, s'agissant de questions jugées clivantes.Le Hirak qui représente un sursaut moral, éthique, un sursaut qui appelle à la libération des forces vives de la nation, la libération du potentiel réflexionnel dont regorge la société, la libération des idées, afin de permettre à l'Algérien de débattre, de s'adonner au débat contradictoire, à la critique, d'apporter sa pierre à l'édifice, sa vision des choses, enrichir le débat à propos de toutes les questions, afin de se rapprocher de la vérité, qui n'est autre que la ligne de crête vers laquelle tous devront converger. Le Hirak est donc, par principe, pour le débat, il crée le débat, il en appelle, il prône l'ouverture, la liberté d'expression, la libération de la réflexion, des idées, des champs d'expressions, des espaces, en clair, le Hirak n'est pas là pour fixer des barrières, des limites au débat, ni pour plomber la sphère publique et interdire que le débat se fasse.
À juste titre, pour qu'il y ait débat, il faut satisfaire un certain nombre de conditions, lesquelles vont contribuer à la création d'une sorte de réceptacle idéal, pouvant confronter toutes les divergences possibles, et les soumettre aux mêmes mesures conciliantes, si tant est l'objectif demeure celui de transcender les obstacles qui empêchent le vivre ensemble, et relever de nouveaux défis qui hissent la société vers le haut, et non, l'enferment dans une logique de cartel. En effet, le débat n'est pas une fin en soi, mais, garantir un climat de quiétude, de sérénité, d'assurance, sont autant de fins que tous devraient s'évertuer à préserver. Ainsi, ouvrir le champ des idées, les rapprocher les unes des autres, briser les barrières, et tendre vers une sorte d'apprivoisement, ne peut être qu'une aubaine, permettant le re-tissage du lien social, afin de réamorcer la construction de la société, en pansant ses blessures liées à une mémoire très dure, au goût amer, portée par le subconscient des Algériens, et non les astreindre aux susceptibilités polarisantes, qui n'ont autre effet que de neutraliser tout le potentiel humain, imposer l'inertie et l'ineptie, tout en véhiculant une logique de castes moralisantes et hégémonistes, excommuniant tout ce qui n'obéirait pas aux standards conformistes...
Afin d'aborder la question, commençons par les choses les plus simples, mais, non moins importantes, voire, les plus importantes, et celles dont on manque le plus :
Parmi les prérequis au débat contradictoire, il faut que la sphère qui l'abrite soit assez libre, pour accueillir toutes les contradictions possibles. En parlant de sphère, nous sous-entendons tous les espaces pouvant abriter le débat, en partant de l'ensemble société, vers tous les sous-ensembles que représentent la variété de médias, des espaces de réflexion et d'expression, de l'université, etc. Sans liberté, sans indépendance, sans autonomie, ces espaces censés accueillir le débat contradictoire, ne seraient, en fait, réduits qu'à des tours d'ivoire, illustration d'un orgueil désincarné, où les supposés débats qui s'y font ne résumeraient, en réalité, qu'un infini écho mirage, d'autant plus audible que les sociétaires de l'édifice y montent, en ayant la fausse impression d'écouter une voix plurielle. Dans ce cas, l'on ne pourra pas se targuer de faire du débat contradictoire, bien au contraire, c'est se parler soi-même, face à son miroir, en faisant abstraction de tout le reste du spectre.
Des sphères de débats libres, sont supposées accueillir tous les protagonistes, mais pas que, ils doivent absolument être accessible au grand public, qui se distingue par sa double casquette « juge et partie », et qui se trouve être le plus concerné d'entre tous les acteurs : exclure délibérément ou pas, le grand public, c'est jouer un match sans spectateurs, où qu'ils soient, et empêcher ces derniers, de porter leurs jugements, et ainsi reconnaître au débat le respect des contradictions, chose qui n'est pas du seul ressort de l'arbitre, ou du modérateur de débat.
Bien entendu, la situation est telle qu'elle impose de recourir aux moyens accessibles, afin de débattre, lesquels moyens sont très restreints, et qui se résument, par prédilection, aux réseaux sociaux : réunir des protagonistes opposés, les confronter sur des thématiques controversées, ne suffisent pas pour garantir le débat contradictoire ; il faut savoir que pour des raisons purement numériques, liées à la philosophie des réseaux sociaux, et leur façon de faire, en usitant des algorithmes dont la mission principale est de capter l'attention des internautes, et les garder connectés le plus longtemps possible, on leur montrant ce qu'ils apprécient voir, en leur suggérant des contenus qui leur « ressemblent », en les mettant en contact avec d'autres sujets avec qui ils partagent beaucoup de points communs, et c'est ce qui se reflète en termes de nombre de vues, ou de réactions ; sachant cela, l'on comprendra que les débats qui ont lieu sur les réseaux sociaux réunissent, en majorité, un « public » très homogène, mais, ce public d' « internautes » ne ressemble aucunement à l'agora populaire dans la société réelle, mais, en fait certes partie, et qui plus est, aura subi les matrices de Facebook, et ce malgré le nombre de suivi que pourraient atteindre ces salons. Cela s'apparente à un « huit-clos » plus élargi, car, faisant participer plus de personnes aux choix très analogues, et en confrontant des protagonistes sur des sujets dits d' « actualité », aux intérêts discutables.
Cela nous amène à aborder un autre point important, concernant l'égalité des chances, l'équité que l'on doit absolument satisfaire pour la sérénité du débat ; en la matière, nous devons reconnaître qu'en raison d'éléments historiques, toutes les parties concernées par le débat, ou disons-le « prédestinées », ou préposées à prendre la parole, et s'exprimer sur des sujets de société, n'ont pas toutes les mêmes chances au débat, càd, que par équité, on suppose, par exemple, l'accès aux espaces devant accueillir les débats devrait être également accordé à tous, sans distinction, en toute neutralité, sans favoriser une partie sur une autre, ni soutenir une idée au détriment d'une autre, jouer la carte de l'équité, de l'éthique, du professionnalisme, c'est permettre à tous les mêmes chances, et par la même, contribuer à rendre la scène publique pareillement accessible à tous, afin d'accorder à l'opinion publique tout le recul nécessaire afin de juger librement, et faire ses sentences.
Aux notions liées à la liberté, sont associés les principes de conscience et de responsabilité, et à ce propos, outre l'arsenal réglementaire et juridique qui doit régir tous les outils employés dans le débat, ainsi que les personnes engagées, émerge le besoin inhérent d'une justice libre et indépendante, l'autre atout qui veillera au respect de toutes les règles morales liées au débat apaisé, loin des surenchères, des diffamations, de la forfaiture, d'où qu'elle vienne.
En somme, les conditions sus-citées représentent au débat contradictoire ce qu'est l'enceinte du laboratoire aux réactions chimiques qui s'y font ; autrement dit, face aux dangers susceptibles, suite au maniement de réactifs, de solvants , il faudrait que les conditions en laboratoire, les mesures de sécurité dans l'enceinte du laboratoire, sur la paillasse, soient toutes réunies pour que la réaction chimique puisse se faire en toute assurance, et permettre ainsi le parachèvement du processus réactionnel, sans que cela ne puisse présenter un quelque danger pour l'environnement direct ou indirect, exposé aux réactions. De même, pour les besoins de l'éthique et de la déontologie, les soutenances à l'université doivent être ouvertes au grand public, sans possibilité de huis clos, car, cela engage sérieusement la crédibilité du débat qui s'y déroule, et de surcroît, la notoriété du jury, et de l'institution universitaire. Evidemment, avant délibération du jury, la parole devrait être accordée au public présent, afin d'ouvrir le débat à qui aurait une opinion à exprimer sur ce qu'il vient d'entendre, et pourrait ne pas être d'accord.
Manifestement, l'absence des éléments garantissant un débat contradictoire aux issues indéniables, unanimement approuvées, empêche encore le débat, ou en atténue les vertus. La solution en serait que tous s'accordent, unanimement sur cet état des lieux, et souscrivent au même dessein qui a poussé des millions d'Algériens dans la rue : la libération de toute la société, et le recouvrement de tous les espaces de réflexions, d'expression, de dialogue... C'est PRI MOR DIAL !
La finalité serait de permettre à la société de contenir toutes les contradictions, en toute quiétude, sans que cela ne puisse aboutir, forcément, au choc, au clash, au chaos, et empêcher toute logique belliqueuse, conditionnant la société à un temps qui n'est plus le sien, et permettre, in fine, aux Algériens de relever d'autres défis, en discutant, en débattant, en échangeant, car, c'est de cela que jaillit la vérité.
Amine KABRANE


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