Nous sommes les gens de la nuit qui portons le
soleil en nous. Il nous brûle au profond de l'être. Aragon
Indice de bonne gouvernance critique, corruption massive et
récurrente, droits de l'homme bafoués, etc. …. Les
études d'organisations non gouvernementales et de Think Tank européens ou
anglo-saxons nous restituent une image peu flatteuse de l'Algérie et ternissent
l'image d'un pays qui a pourtant beaucoup donné à l'histoire du monde. La remise en cause
systématique de la
crédibilité de ces études et de l'honnêteté de leurs
commanditaires ne saurait nous éviter de nous interroger sur ce que nous sommes
devenus et sur ce que nous aurions pu être.
Jalousée, convoitée, malmenée par ses propres enfants, l'Algérie
n'en finit pas de faire sa quête d'une volonté politique réelle de changement
qui apaise les cÅ“urs et vienne à bout des maux qui la rongent. Nous étions
un peuple joyeux, courageux et généreux mais nous avons accepté de subir la cupidité, l'égoïsme et
l'amnésie. Nous devons maintenant nous réapproprier notre mémoire car rien
n'est définitivement perdu.
L'incurie est générale. Paradoxalement jamais l'Algérie n'a été
aussi prés d'une inéluctable émergence. Cela ne fait pas l'ombre d'un doute et
l'affirmer n'est pas manifester de la candeur car les
éléments de l'émergence sont réunis. Pays aux terres immenses et fertiles, aux
ressources financières et énergétiques considérables, au peuple intrépide, à la diaspora importante,
riche et qualifiée, l'Algérie peut à court terme rencontrer son destin de
puissance économique, politique et militaire avec laquelle le monde devra
désormais compter.
Un jour de l'année 1991, une discussion avec un médecin qui quitta
l'Algérie juste après l'obtention de son baccalauréat ne put résoudre l'énigme
suivante : Quel vocable sied le mieux à la situation actuelle
de l'Algérie ? Et qui en est responsable ? Il me proposa ce terrible constat :
L‘Algérie est un véritable gâchis. C'est l'incurie générale. Cette lugubre
appréciation était sans doute également inspirée par la grisaille d'un automne
parisien. Mais quels mots utiliser aujourd'hui ? L'Algérie vit-elle toujours
une situation d'incurie générale ? Incontestablement Oui. Une incurie induite
par une effervescence sociale, intellectuelle, politique, culturelle et
économique sans précédent. Mais ce contexte n'a heureusement pas que des
inconvénients. Bien au contraire.
Canalisée et gérée avec intelligence, cette situation peut faire
évoluer l'Algérie vers une société qui enfin respire, s'apaise et se développe.
Contrarié, confiné et contenu, ce bouillonnement peut engendrer l'incurie et la stagnation et
conduire à la
désespérance et au suicide. L'Algérie est un pays immense
mais ses habitants, pourtant pas si nombreux, manquent d'oxygène. Un pouvoir
d'achat réduit, des richesses mal réparties et un analphabétisme qui avance à
grands pas assombrissent notre quotidien. Sommes-nous vraiment devenus, comme
le prétendent certains, une prison à ciel ouvert. Pourquoi nos villes sont-elles devenues si
sales et nos campagnes si souillées ? Pourquoi avons-nous pollué nos plages ?
Sommes-nous devenus les rois de l'incivilité ? Sommes-nous indemnes de tout
reproche ? Hélas non et les griefs sont nombreux. Cupides, amnésiques et
égoïstes, notre égarement est à la
mesure de notre entêtement à ne plus
interroger notre passé, seule issue à la compréhension du
présent et à la
construction de l'avenir.
Mais regardons ce qui nous entoure. La planète terre,
malmenée de toutes parts, évolue vite. La carte géopolitique
du monde se redessine. Les puissances économiques et militaires jusqu'à là décrétées éternelles
voient chaque jour que Dieu fait leur leadership contesté par des puissances en
devenir. Les perspectives économiques s'obscurcissent et des défis jusqu'à là inconnus surgissent
: Appauvrissement de la
ressource en eau, réchauffement climatique, nouvelles
maladies et nouveaux virus, épuisement de l'énergie fossile, dangers induits
par l'utilisation de l'énergie nucléaire, érosion des terres cultivables,
pollution, guerres, famines, conflits … Les guerres à venir seront celles de
l'eau et des terres cultivables et certains pays anticipent déjà ces sombres
perspectives et acquièrent dés à présent des terres dans d'autres contrées du
monde pour les cultiver. Ainsi après avoir navigué de Charybde en Scylla,
l'Humanité redescend au bas de la pyramide de Maslow. Demain, le bonheur sera-t-il
peut être de pouvoir disposer juste de pain et d'eau ?
Les Etats-Unis, puissants du monde, vivent sur leurs acquis mais
semblent être dans l'expectative. L'Europe est désormais convalescente. Les
premiers indicateurs laissent présager d'une année de récession. Les glorieuses
ne sont plus là. Les discours populistes et xénophobes renaissent partout et ce
fascisme qui vient séduit déjà les chaumières. Les appétits s'aiguisent et les
richesses des autres sont désormais convoitées, quoique la crise et les désillusions
aidant, l'aura aura subi la
patine du temps.
Les guerres d'Irak et d'Afghanistan ont couté très cher aux
populations civiles et n'ont pas apporté la prospérité promise.
L'équation de la
poudrière du Proche-Orient commence à changer et le retour
d'Exode des Palestiniens n'est plus impossible tant Deir Yassin n'est pas un
vain mot.
Cependant et non loin du décor apocalyptique de Fukushima, de
nouvelles puissances économiques émergent, affichent leurs réussites insolentes
ou exhibent avec fierté l'étendard de leur renaissance. Le monde doit désormais
compter avec elles. Chine, Brésil, Inde, Argentine, Afrique du Sud, Turquie et
bien d'autres pays encore pointent déjà plus que du bout du nez et contestent à
juste titre un ordre mondial injuste. La redistribution des
rôles, quoique balbutiante, est bel et bien engagée et qui peut dire comment
demain sera reconfigurée la
hiérarchie du monde.
Les monarchies arables du Golf s'affirment comme les nouvelles
puissances financières de la
planète. Et cette puissance peut vaincre les convictions les
plus têtues.
Qui aurait pu imaginer un jour que les investisseurs Qataris, en
devenant les nouveaux propriétaires du Paris-Saint Germain, puissent surprendre
les hooligans aux propos ambigus des tribunes du Parc des Princes ?
Dans ce contexte de frilosité des économies et de tumulte global,
l'Algérie doit saisir l'opportunité inouïe que lui offre cette situation
inédite de chamboulement de l'ordre du monde. Elle peut et doit s'approprier le
plus tôt possible le rang qui lui échoit, celui d'une puissance politique,
économique et militaire régionale respectable et respectée et dont la zone d'influence
engloberait le Maghreb, l'Afrique, le monde arable, la façade sud de
l'espace euro-méditerranéen et bien plus encore.
Les atouts dont dispose l'Algérie sont connus. Un passé glorieux et
pleinement assumé, des ressources énergétiques importantes, des richesses
inouïes encore inexplorées, des ressources humaines importantes, une jeunesse
dont le désir de vivre ne peut plus être contenu et qui ne demande qu'à croquer
le bonheur chez soi, une diaspora riche, cultivée et compétente, une diversité
culturelle extrêmement riche et un pays baigné de lumière et aux multiples
facettes. A ce tableau s'ajoutent des acquis indéniables.
Ainsi le remboursement total de notre dette extérieure est un acte
patriotique majeur et les investissements massifs consentis pour relancer la machine du
développement et mettre en Å“uvre les grands projets structurants sont une
réalité que nul ne peut nier. Bien qu'insuffisants eu égard aux investissements
colossaux consentis, ces résultats sont de nature à nous donner plus de
souveraineté et moins de dépendance vis-à-vis de l'extérieur. Mais la doctrine du
développement au pas de charge dans un environnement hermétique et dur est
chaque jour contredite par les événements qui secouent le monde et les efforts
que nous devons fournir sont immenses mais restent à notre portée. Sans liberté
et sans ériger des gardes fous, la machine peut s'enrayer. Et c'est en cela que dans
toute société, la
démocratie demeure un rempart irremplaçable contre les formes
d'abus.
Nous devons valoriser la compétence et le savoir, seules portes d'accès à la
prospérité et au développement. Il ne s'agit plus de
continuer à s'installer dans le business véreux et la rapine insatiable
mais de redonner à l'acte d'entreprendre toute sa noblesse, celui de créer de la richesse et de la partager. Il nous
faut de la volonté et
du courage. Un courage immense comme celui qui permet non seulement de remonter
le Mékong mais de le remonter à la
nage. A la classe politique cooptée, il faut enfin
substituer celle révélée par les urnes. Des urnes non pas en bois mais
transparentes. Le mérite doit être la règle d'or pour l'accès aux fonctions supérieures
de l'Etat. La
mosaïque culturelle de ce pays ne doit plus être perçue comme
un handicap mais comme une richesse à partager. Nos
régions, nos campagnes, nos villages et nos villes sont le meilleur plaidoyer
pour l'image de notre pays et pour attirer tous ceux qui ont l'Algérie au cÅ“ur.
Il ne s'agit pas de s'enfermer mais de s'ouvrir avec intelligence au monde qui
nous entoure. Notre pays a toujours été une terre
généreuse et hospitalière. Certains de ses enfants sont parfois
différents de ce que nous sommes. Il nous faudra aussi accepter cela et les
accueillir chez eux. Il ne s'agit pas de livrer nos richesses et notre pays aux
prédateurs comme nous l'a suggérée il ya quelques années la tentation du
libéralisme sauvage.
Les séquelles de ces choix précipités sont pour certaines
irréversibles. Nous devons construire une société solidaire car nous ne sommes
pas nombreux et notre pays est riche. Laisser des millions d'algériens dans la pauvreté et le
dénuement est une insulte à notre mémoire, à la raison et à notre
conscience d'humains et de musulmans. Le modèle de développement doit être
repensé et le logiciel de la croissance remplacé. Il faut vite trouver un
substitut à l'économie de la
rente et rentrer enfin dans la sphère de l'économie
réelle, celle qui crée de la
richesse. L'initiative doit être libérée car adossée à
l'intelligence, elle seule peut venir à bout de la corruption qui nous
gangrène.
Nous pouvons créer des millions de PME, véritable socle du
développement durable, investir dans les technologies nouvelles et désenclaver
de nombreuses régions de notre pays, encore isolées et sous-administrées. Les
algériens souffrent aussi de ne pas se connaitre vraiment entre eux.
Qu'importe qui dirige et qui gouverne s'il puise sa légitimité dans
le suffrage universel. Lorsque dans les années 90, un intellectuel algérien
énonça le concept de la
régression féconde, il suscita la colère et la désapprobation de
l'establishment bien pensant. Depuis, l'eau a coulé
sous les ponts, la
question de l'alternance semble toujours être en quête d'une
réponse et de nombreuses certitudes ont fondu comme neige au soleil. Qui aurait
pu par exemple imaginé un jour qu'un certain Erdogan aurait non seulement pu
porter la
contradiction à Atatürk mais permis à la Turquie d'acquérir une
richesse fabuleuse sans précédent dans l'histoire de ce pays ?.
Nous devons apprendre, c'est semble-t-il en voie d'être acquis, à
vivre ensemble et à nous respecter. Nos institutions sont devenues puissantes
et modernes et doivent sceller désormais leur crédibilité dans le socle de la neutralité assumée
et le dévouement exclusif au service de l'Etat et des citoyens. La constitution n'est
pas un livre sacré. Elle peut changer, contenir les éléments consensuels et
énoncer quelques fondamentaux que nul ne peut transgresser sans se voir
notifier un rappel à l'ordre. Notre mémoire souvent occultée, trahie, malmenée
est à l'origine de toutes nos blessures. Il nous
faudra la revisiter et
rétablir les vérités englouties dans les flots de la pensée unique. Nul
ne détient le monopole du cÅ“ur ni celui de l'exclusivité de la vérité historique.
Les colloques récents dédiés à Malek Bennabi dont
l'Å“uvre a fait école dans beaucoup de pays du monde sauf dans celui qui l'a vu
naitre et à Messali Hadj, longtemps oublié et exclu de l'histoire officielle,
sont de nature à combattre l'oubli. A la culture de la haine, de l'invective et de l'insulte, il faut
opposer celle du débat serein, de l'attitude tranquille et de la contradiction saine
et constructive. Combien d'algériens dont le tord a été de trop aimer l'Algérie
ont connu l'isolement, subi la violence physique ou tout simplement été réduits
définitivement au silence. Combien d'autres ont connu l'arbitraire et ont été
contraints à la solitude
et la
froideur de l'exil. Ces faits existent et sont nombreux. Ils
appartiennent à l'histoire mais restitués au présent,
ils participent d'un processus nécessaire au rétablissement de la paix des cÅ“urs, à la cicatrisation des
plaies et au repentir des consciences.
La crise est certes multi dimensionnelle mais ce serait sans compter sur le
génie de notre peuple. En 1954, un groupe de personnes décida de
changer le cours de l'Histoire. Ils choisirent plus que toute autre chose
d'aimer ce pays et de le défendre pour y vivre libres. Nous pouvons dés 2012
enclencher une dynamique irréversible d'émergence économique. Nous en avons les
moyens.
Osons l'audace d'une véritable sortie de crise car le destin du pays
de Larbi Ben M'hidi et d'Abane Ramdane ne saurait être que grandiose. In Ch'A
Allah.
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Posté Le : 29/12/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Salim Metref
Source : www.lequotidien-oran.com