A un moment où il est devenu de bon ton de faire état des «constantes nationales» et où les candidats ne se privent pas de rappeler tantôt leur amazighité, tantôt leur arabité, n'est-il pas plus judicieux d'évoquer son algérianité avec son pendant l'algérianophonie?
L'algérianité est plus qu'une filiation se rattachant au critère juridique - la nationalité - dans la mesure où divers aspects la composent. Parmi ceux-ci, l'appartenance à une nation ayant une histoire, une langue - des langues -, une communauté de destin, un devenir voulu et un projet social inscrit dans la pratique politique et circonscrit par un système institutionnel auquel adhère la population. En ce sens, pour peu que cette définition puisse être retenue, il vaut de noter qu'il appartient à chacun(e) des auteurs algériens, en fonction de sa situation de monolingue, de bilingue ou polyglotte, de considérer le statut à accorder à la langue qu'il utilise tant à l'écrit qu'à l'oral. De là, découle tout naturellement toute prise de position.
Or, entre celle de Malek Haddad, pour qui la langue française est un «exil» et celle de Kateb Yacine, pour qui elle constitue un «butin de guerre», la tentation est grande de rejeter le français, car langue de l'ex-colonisateur comme celle de l'adopter en tant que langue littéraire (voire technique et scientifique). D'évidence, le choix est aisé pour l'arabophone, il l'est moins pour le francophone ; peut-être devrait-on parler d'algérianophone. Certes, le problème concerne l'ensemble des Algériens - et au-delà, des Maghrébins -, mais surtout l'élite qui s'exprime, dont notamment les écrivains, universitaires, journalistes, politiques... En effet, le peuple, quant à lui, a tranché la question au quotidien depuis belle lurette : l'arabe (littéraire et dialectal) et le berbère (le kabyle, le chaoui, le m'zabi et le targui), compte tenu des brassages séculaires, sont de rigueur. Pour le reste, la langue française qu'une partie de l'élite utilise pour des raisons d'ordre culturel ou autre, de deux choses l'une : ou la nation algérienne admet celle-ci comme un moyen d'expression littéraire (et donc tolère celle-ci pour des besoins culturels: travaux de recherches universitaires, par exemple) et également des nécessités ressortissant au développement artistique, culturels, scientifique, technique et technologique ; ou la nation algérienne devient intransigeante pour des raisons de souveraineté et d'identité en mettant quasiment hors la loi toutes les langues étrangères (au-delà même de la langue française qui ne sera alors plus ni «butin de guerre» ni «exil»).
No man's land culturel et bilinguisme
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Posté Le : 09/04/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : Ammar Koroghli *
Source : www.lequotidien-oran.com