Algérie

Alger-Tizi Ouzou-Boumerdès : Balade historique et touristique Sur les traces de Firmus (5e Partie)



Publié par LSA le 16.05.2020
Par Mohamed Arezki Himeur
Les fouilles archéologiques sont à l’arrêt du côté de Tizi n’Ath-Aïcha, actuel Thénia, depuis la fin du XIXe siècle. Le dernier document publié sur les recherches effectuées dans la zone remonte à 1906. Aucune chance de savoir si cette cité fut réellement l’un des fiefs du prince amazigh Firmus. Les preuves ont disparu sous les coups de pioche et de pelle «des bienfaits de la colonisation».
Thénia (ex-Ménerville) : Se trouve à mi-chemin entre Alger et Tizi Ouzou. De l’autoroute qui contourne la ville, on distingue une partie de ses bâtisses. Le col des Béni-Aïcha est son premier nom colonial, qui est une traduction de Tizi (col) n’Ath Aïcha. Il s’agit d’un village antique berbère. «Une inscription de l’époque chrétienne placée jadis au-dessus de la porte d’un fort, à Ménerville, nomme un Firmus, sans que l’on puisse dire, il est vrai, qu’il s’agit bien du personnage historique. Ce fort de Ménerville, de Souma, pour être plus exact, était encore intact à l’arrivée des Français dans le pays. Il a été détruit, parce qu’on avait vu dans ses murailles une carrière facilement exploitable pour la construction des immeubles et monuments publics de Ménerville», relevait Camille Viré, dans un article fort documenté.(6)
«Ménerville, dont la position dans un col avec vue sur la plaine des Issers et la Kabylie d'un côté, sur la mer de l'autre, est si remarquable, a-t-elle été occupée à l'âge de pierre ? Des trouvailles faites par M. Vinsonneau, dans le jardin de la maison Porte, qu'il habite, sembleraient le démontrer. Dans les déblais de fouilles profondes, faites pour l'installation de fosses d'aisances, déblais éparpillés au hasard, il a ramassé sans chercher et seulement parce que son œil a été attiré par leur forme spéciale, trois outils ou débris d'outils dont deux en silex et un en granit.»(7)
Un «curieux» cimetière antique, antérieur à la période romaine, avait été découvert sur un plateau, avec vue sur mer, à 2 km au nord-ouest de la ville. On avait mis au jour, à environ 50 centimètres du sol, une cinquantaine de grandes amphores rangées et fermées, contenant des cendres, des ossements et quelques bijoux, selon le même auteur.
Le village colonial a été rasé lors de l’insurrection de 1871. Il a été reconstruit et érigé en commune de plein exercice sous le nom de col des Béni-Aïcha par décret du 30 novembre 1874, avant de prendre celui de Ménerville en janvier 1877. «Le col des Béni-Aïcha est une position stratégique très importante ; c’est un point de passage obligé pour aller de la Kabylie dans la plaine de la Mitidja. Il y avait là quelques établissements européens qui ont été brûlés par les insurgés et dont les habitants ont été massacrés. Il est urgent d’y construire un village fortifié», préconisait, dans un rapport, en 1871, la Commission de colonisation et d’immigration de la province d’Alger.(8)
Si Mustapha (ex-Félix Faure, ex-Bled Guitoun) : Le village était connu au début de la colonisation française sous le nom de Blad-Guitoun. Il a été créé en mars 1872. Erigé en commune de plein exercice en novembre 1874, il a été rebaptisé Félix-Faure en août 1899 et habité par une population coloniale composée principalement d’Alsaciens-Lorrains. Ses terres, défrichées, étaient considérées, déjà à l’époque, favorables à toutes les cultures et d’un bon rendement, comme c’est le cas pour les cités voisines des Issers et de Bordj Menaïel. Le village colonial a été bâti dans une zone abritant des vestiges antiques. Des ruines semblables ont été découvertes également aux Issers, Bordj Menaïel et Naciria, villages situés sur la route reliant Alger et Tizi-Ouzou.
Une épitaphe datant de l’an 231 de notre ère, découverte près de Bordj Menaïel, et d’autres objets mis au jour à Naciria, signalaient que la région était sous le règne des princes berbères et que, contrairement aux zones côtières, l’intérieur du pays «était bien peu romanisé», selon des historiens et chercheurs du XIXe siècle, dont Stéphane Gsell. «C’est une erreur profonde de croire que la Basse-Kabylie a été peu occupée par les Romains», avait répliqué M. Viré.(9) C’est cet ancien maire de Bordj Menaïel qui avait découvert, en 1896, les premiers vestiges antiques dans la zone, dont un mausolée attribué aux Romains. «Il n’y a pas lieu d’attribuer ce grand mausolée à un riche Romain ; il est plus vraisemblable qu’il a été élevé par les soins d’un seigneur indigène, qui aura fait appel pour le construite à un architecte, à des ouvriers de quelque ville du littoral», relevait Stéphane Gsell dans une communication en 1898.(10) «Nous savons qu’il y avait à cette époque des chefs puissants de la Kabylie (…) C’était dans ce pays, peut-être même dans cette région de l’Isser que la famille de Firmus commandait une grande tribu. Quand il se révolta en 371 ou 372, il se jeta d’abord sur Icosium (actuel Alger, NDLR) et les villes voisines, ce qui indique qu’il n’habitait pas loin de là. Une inscription de l’époque chrétienne, placée jadis au-dessus de la porte du fort, à Ménerville, nomme un Firmus, sans que l’on puisse dire, il est vrai, s’il s’agit du personnage historique», ajoutait M. Gsell, reprenant M. Viré.(11)
Isser (ex-Isserville) : Même s’il est contourné par l’autoroute, donc par les automobilistes venant ou se rendant en direction de Tizi Ouzou ou d’Alger, le village, traversé par un cours d’eau du même nom, grouille de monde à longueur de journée. Parce qu’il est la principale place commerciale de la région, fréquentée par les populations des villages environnants, dont ceux des montagnes de Timezrit. Le marché hebdomadaire qui se tenait jadis les lundis, puis les jeudis est devenu quotidien.
Le village constitue une halte idéale pour les voyageurs qui voudraient se restaurer avant de poursuivre leur chemin. La principale artère qui le traverse en ligne droite d’un bout à l’autre est pleine de restaurants et gargotes proposant, entre autres, des brochettes de viande rouge et blanche, du poulet rôti et des plats traditionnels.
La rue abrite encore quelques vieilles bâtisses de l’ancien village colonial, Isserville. Créé par arrêté le 5 septembre 1872, le village a été érigé en commune mixte en août puis en commune de plein exercice par décret en décembre 1880. Il a été nommé Isserville-les Issers en avril 1932. En 1871, la commission de colonisation et d’immigration de la province d’Alger avait préconisé la construction d’une «ville importante» en raison de ses «excellentes terres» et de ses «eaux d’irrigation abondantes à l’aide d’un barrage sur l’Isser».(12)
Les terrains attribués aux colons provenaient des expropriations effectuées par les autorités coloniales au lendemain de l’insurrection de 1871. La distribution des premiers lots eut lieu en décembre de l’année suivante. «Ce centre est destiné, en raison de sa progression, à devenir un point de culture des plus importants», selon la même commission et Charles-Claude Bernard.(13)
M. A. H.
Sources :
(6) L’âge de pierre dans la région de Bordj Menaïel et sur la côte, datant de 1906. Recueil des notices et mémoires de la Société archéologique du département de Constantine, 8e volume de la 4e série, 39e volume de la collection année 1905, Imprimerie D. Braham, Constantine, 1906
(7) Idem.
(8) Rapport d’ensemble sur les travaux de la Commission de colonisation et d’immigration de la province d’Alger, Association ouvrière, V. Aillaud et Cie, Alger, 1871.
(9) Note sur l’archéologie du canton de Bordj Menaïel, Revue africaine, n°216, 1er trimestre 1895, Alphonse Jourdan libraire-éditeur, Alger, 1895.
(10) Académie des belles lettres, comptes rendus des séances de l’année 1898, 4e série, tome 26, Imprimerie nationale, Paris.
(11) Idem.
(12) Rapport d’ensemble sur les travaux de la commission de colonisation et d’immigration de la province d’Alger, Association ouvrière, V. Aillaud et Cie, Alger, 1871.
(13) Notice topographique et médicale de la plaine de l’Isser, Charles-Claude Bernard, imprimerie Mauguin, Blida, 1877.



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