A Paris, à la réunion des «amis de la Libye» il y avait clairement les vainqueurs de la
guerre, ceux qui sont en course pour le butin et à qui l'on promet des
récompenses fossiles. Il y avait aussi des Etats qui se rallient aux rebelles
pour préserver leurs intérêts. Il y avait aussi l'Algérie dans un extrême
inconfort pour n'utiliser qu'un euphémisme.
Alger et Pretoria avaient - et
auraient toujours - la même position sur les évènements en Libye. L'Afrique du
Sud a choisi de manière cohérente de ne pas être présente à la Conférence de Paris sur
la Libye. Et
le président Jacob Zuma dit clairement pourquoi : «
Nous sommes mécontents de la façon dont la résolution 1973 de l'ONU a été
interprétée pour mener des frappes aériennes en Libye». L'Algérie était par
contre, présente à Paris où son ministre des Affaires étrangères, Mourad Medelci, a passé beaucoup de temps à essayer de prouver que
l'Algérie n'avait pas de position «ambiguë» sur la Libye. Certes, la Libye est un voisin avec
lequel l'Algérie partage près de 1.000 km de frontières et l'Afrique du Sud est
loin, il n'empêche que la mollesse avec laquelle le ministre algérien des
Affaires étrangères réagit aux remontrances style «big
boss» de M. Alain Juppé, ministre français des Affaires étrangères, passe déjà
très mal dans une opinion algérienne très partagée sur la situation en Libye. Il
manque manifestement à l'Algérie la cohérence sud-africaine. La diplomatie
algérienne a géré de manière défensive la crise en Libye. En s'interdisant, dès
le début, de prendre position contre la répression menée par Kadhafi, elle
s'est enferrée dans un coin, celui de l'inaction.
Les Algériens ont pu, dès lors, assister à un retour de l'armada de
l'Otan en Afrique du Nord avec une Algérie qui s'est auto-paralysée
par la fiction de la non-ingérence. Aujourd'hui, elle se trouve dans une
position défensive. « Si on considère aujourd'hui que la position de l'Algérie
est ambiguë, c'est très bien. Parce qu'il y a quelques semaines, on considérait
tout simplement que l'Algérie était du côté de Kadhafi. Je crois qu'il y a une
avancée ».
Juppé condescendant, réponse molle de Medelci
Alors qu'on attendait une réaction plus vigoureuse du chef de la
diplomatie algérienne vis-à-vis du ton condescendant de M. Juppé, on a eu, hier,
via une déclaration à l'APS, une réponse étonnamment plate où l'on apprend même
que les positions d'Alger et de Paris étaient proches ! « J'ai eu un certain
nombre de contacts dont un à l'Elysée avec mon homologue français, Alain Juppé,
avec qui j'ai échangé un certain nombre de propos sur les positions exprimées
par M. Juppé et par moi-même, à travers des médias français, le jour même. Et, il
a concédé que nos positions se rapprochaient, à la lumière de ces échanges
médiatiques». On ne sait pas vraiment comment décoder cette molle déclaration
alors que M. Juppé s'est permis des propos peu diplomatiques sur «l'ambiguïté »
de la position de l'Algérie à l'égard de Kadhafi. « Je suis allé moi-même en
parler au Président Bouteflika qui m'avait assuré que
l'Algérie ne donnait à la Libye
qu'une aide humanitaire… J'espère que cela se vérifiera ». Ces propos sont
évidemment excessifs et même outranciers. Mais le plus remarquable est bien la
manière dont la diplomatie algérienne y répond. Cela traduit très clairement
une position de faiblesse. En tout cas l'embarras du chef de la diplomatie
algérienne est patent. D'abord par le fait qu'il essaie de justifier la
présence de l'Algérie à cette conférence des « amis de la Libye » par le format « plus
grand » de la conférence où l'on trouve aussi bien des pays qui ont reconnu le
CNT que ceux qui ne l'ont pas fait… En réalité, la diplomatie algérienne a
navigué à vue et se retrouve devant des situations de fait
accompli, sans capacité d'action. M. Medelci a
rencontré une seconde fois, le « Premier ministre du CNT » Mahmoud Djibril et il a échangé des « amabilités » avec le
président du CNT, Moustapha Abdeljalil,
qui a été, a dit M. Medelci, «extrêmement chaleureux
à l'endroit de l'Algérie, y compris lors de la conférence de presse». Le bilan
est bien maigre alors que les pays occidentaux sont engagés dans la course au
butin pétrolier et gazier.
Tout ça pour ça?
Finalement, pourquoi la diplomatie
algérienne a-t-elle accepté toutes ces tensions avec la rébellion pour aboutir,
déjà, à une quasi-reconnaissance du CNT ? Mourad Medelci
affirme que l'Algérie a exprimé «clairement» sa position et sa solidarité vis-à-vis
du peuple libyen, au niveau de la
Ligue arabe, plus récemment avec l'introduction du CNT, et au
niveau de l'Union africaine. «L'Algérie est engagée par les conclusions du
Conseil de paix et de sécurité du 26 août qui prévoient l'admission du CNT à
l'Union africaine, après son admission déjà acquise à la Ligue arabe, après
constitution d'un gouvernement représentatif de la majorité des tendances libyennes»,
a-t-il indiqué, soulignant que ce «point de vue est évidement celui de
l'Algérie». Bref, c'est une diplomatie nationale noyée dans les organisations
régionales que sont la Ligue
arabe et l'Union africaine qui a été mise en Å“uvre. Or, la Libye, c'est à côté, ce
n'est pas en Afrique australe… et cela aurait une démarche autrement plus
active. La diplomatie algérienne - et ce n'est pas
qu'une impression- est en train de ramer pour rattraper son attentisme qui a
suivi l'énorme ratage initial qui s'est manifesté par une absence de prise de
position nette et franche contre la répression menée par Kadhafi. La suite, y
compris l'incapacité à critiquer franchement le détournement flagrant de la
résolution 1973, a
été la conséquence de ce ratage initial, une grande erreur politique faite au
nom du principe de « non-ingérence ». Désormais, M. Medelci
ne peut que suivre et se féliciter des résultats du sommet de Paris… Si lui et
Juppé se comprennent, il y a beaucoup d'Algériens qui ne comprennent pas du
tout. Et qui se demandent si l'Algérie a une politique… ?
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 03/09/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Salem Ferdi
Source : www.lequotidien-oran.com