Algérie

Alger, Les débats d’El Watan : que faire de l’argent du pétrole ? L’industrie, la solution…



Devant un public qui a massivement participé aux débats d’El Watan, organisés jeudi dernier au Grand Hôtel Mercure d’Alger, les trois conférenciers et non moins spécialistes des questions économiques : Ahmed Benbitour, Hocine Benissad et Abderrahmane Hadj Nacer, ont tenté de répondre à l’épineuse question de savoir « où va l’argent du pétrole et que faire des revenus pétroliers ? »

Premier intervenant à traiter cette question, l’ancien chef de gouvernement, Ahmed Benbitour, est revenu à l’occasion sur sa dernière analyse de l’état de l’économie, publiée, il y a quelques jours, sur les colonnes d’El Watan. Il dira de prime abord que « les hydrocarbures étant une ressource non renouvelable, il faut bien considérer que chaque quantité de pétrole et de gaz exportée est au départ un appauvrissement de la nation au profit du reste du monde ». Chiffres à l’appui, ceux de la balance commerciale notamment, M. Benbitour a considéré que les recettes des exportations des hydrocarbures sont essentiellement utilisées à financer des importations de marchandises — 19 570 millions de dollars en 2005 — et des déficits anormaux, comme celui de la balance des services. Tout en faisant remarquer que les recettes budgétaires proviennent de la fiscalité pétrolière à hauteur de 76%, le conférencier notera que les indices macroéconomiques montrent bien que « l’économie algérienne, vulnérable et volatile, s’enfonce de plus en plus dans la dépendance vis-à-vis des hydrocarbures ». Aussi, a-t-il souligné, « notre économie a enregistré, en 2005, un taux d’épargne nationale très élevé de 51,7% ». C’est un chiffre qui montre, selon lui, qu’une forte austérité est imposée à la nation, « au moment où les ‘‘introduits’’ affichent un style de consommation ostentatoire outrageant, avec tous les risques de déflagration sociale ». Les politiques économiques suivies actuellement « hypothèquent ainsi l’avenir des générations futures », soutient M. Benbitour, pour qui « le patrimoine humain, naturel et culturel est fortement menacé par l’évolution du pays en termes de démographie, de choix économiques, d’aménagement du territoire, de calamités naturelles et d’une faiblesse chronique de gestion ». Pour illustrer encore plus la « vulnérabilité excessive aux plans économique et social » que vit l’Algérie, M. Benbitour a rappelé que, malgré des dotations en ressources financières importantes, le pays se situait, en 2003, dans le classement des pays par rapport à l’indice du développement humain, à la 108e place, derrière la Tunisie (92e), la Jordanie (90e), la Libye (58e) et Cuba (52e). Dans le classement des pays par rapport à leur programme de lutte contre la corruption, l’Algérie, poursuit le même conférencier, « se situait à la 88e place, derrière la Tunisie, classée à la 39e place, ou l’Egypte et le Maroc, classés à la 70e place ». Pour la liberté de la presse, l’Algérie est classée, en 2005, selon Reporters sans frontières, à la 129e place, derrière des pays de l’Afrique subsaharienne, comme le Mali (37e) ou le Niger (57e), affirme encore M. Benbitour. Le degré d’ouverture économique et le climat des affaires ne sont pas en reste, puisque le pays occupe dans ce domaine la 120e place, ajoute l’ancien chef de gouvernement. Que faut-il faire alors pour sortir de ce marasme ? Selon l’ancien chef de gouvernement, la solution réside dans « l’avènement de dirigeants capables de lancer une nouvelle politique économique » et « le règlement des problèmes politiques, en procédant au changement du régime actuellement vieillissant ». Il préconisera comme moyen de changement « la rupture négociée à la manière espagnole ». En somme, la dichotomie constatée aujourd’hui entre la dimension économique et la dimension sociale « devrait permettre de capitaliser la contestation sociale pour en faire une révolution (pas une révolte) », conclut M. Benbitour. Expert dans les questions de développement et d’ajustement structurel, Hocine Benissad, ancien ministre de l’Economie dans le gouvernement de Sid Ahmed Ghozali, s’est étalé, à son tour, sur la nécessité de préparer l’après-pétrole, moyennant « une industrialisation diversifiée ». Pour lui, les programmes publics lancés par les autorités dans le cadre du soutien à la relance économique et pour lesquels des sommes faramineuses ont été allouées « sont, certes, utiles, mais insuffisants ». « Le surinvestissement conduit au gaspillage des capitaux. Les dépenses en infrastructures doivent être accompagnées d’investissements productifs, mais aussi d’investissements dans la ressource humaine », a-t-il soutenu. Tout en plaidant une meilleure utilisation des recettes pétrolières pour la « réindustrialisation du pays », M. Benissad ne manquera pas de défendre par la même occasion l’idée de « renforcer le secteur public », en ce sens que « la supériorité du secteur privé n’a jamais été prouvée ». Cependant, il fera remarquer que l’investissement productif doit être soutenu également par l’investissement privé, pour peu que « les entraves engendrées par l’économie rentière soient levées ». A la question du public de savoir si cette option est aujourd’hui compatible avec l’idée de la mondialisation, le conférencier a indiqué que le pays ne saurait s’adapter à cette mondialisation sans « une économie durable, fondée sur l’industrie, les services, le secteur tertiaire, et un Etat présent, régulateur ». Pour sa part, l’ancien gouverneur de la Banque d’Algérie, Hadj Nacer, a résumé sa critique de la situation du pays suivant quatre points. « Pas de croissance sans démocratie. Pas de développement durable sans enracinement. Pas de liberté économique sans Etat fort. Pas de bonne gouvernance sans élite performante », a-t-il souligné. Concrètement, l’intervenant a appelé à profiter de la manne pétrolière pour redynamiser le rôle économique du pays sur le plan international. « En international, il faut devenir un acteur économique et aller sur le marché acquérir la technologie », a-t-il soutenu. Il donnera l’exemple des Russes qui ont exprimé le souhait de racheter l’EADS (le groupe industriel numéro un de l’aéronautique et de l’espace en Europe) pour renforcer leur industrie aéronautique. En fait, à travers cet exemple, Hadj Nacer a voulu exprimer l’importance du partenariat à long terme, « de l’interdépendance et de l’interconnexion avec l’étranger ».




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