Algérie

Alger - LE PARC DOUNIA - Radioscopie d’un ratage



Alger - LE PARC DOUNIA  -  Radioscopie d’un ratage




Une partie du Parc Dounia des Grands-Vents a été ouverte le 18 mai dernier au public par M. Amara Benyounès, ministre de l’Aménagement du territoire, de l’Environnement et de la Ville.

Selon le ministre, «seulement 170 ha» seront consacrés aux projets immobiliers, prévus par la société émiratie EIIC sur une superficie totale du parc de 1.950 ha. Donc seulement 450 hectares sur les 1.180 hectares destinés au parc proprement dit ont été inaugurés.

Mais que comprennent les espaces ouverts au public?

Rien! On a inauguré du rien, des champs vagues. On a inauguré du vent!

Un champ vague entouré d’un immense mur d’enceinte bien haut et bien grillagé, outre un bâtiment en verre qui trône au sommet d’une colline.

Le parc a été inauguré alors qu’on n’y a même pas installé des bancs, ni d’espaces de restauration ou encore de coins d’eau potable et de lieux d’assainissement. Le parc proprement dit va coûter 700 millions de dollars…

Selon un rapport divulgué par TSA, la société émiratie aurait déjà dépensé plus de 250 millions de dollars dans le projet jusqu’au 26 décembre 2012! Or, tout ce qu’on peut voir au Parc Dounia ce sont les 16.658 arbres et arbrisseaux qui y ont été plantés sans art ni génie, les 4.460 m2 d’espace qui ont été gazonnés et la clôture de 5.000 mètres linéaires qui a été dressée le long de la rocade sud.

Les noms pompeux de «forêt mixte», de «roseraie», de jardins de Chine et du Royaume-Uni» ne désignent que des espaces hétéroclites et sans beauté, tandis que les «allées de cyprès vert et de palmiers» ne sont que des chemins tracés au bulldozer.

D’ici à six mois, le parc sera totalement ouvert au public, a promis le ministre de l’Environnement. La partie inaugurée, visible depuis la rocade sud, est livrée aux herbes sauvages, notamment sa «pinède» aux arbres alignés comme des soldats de plomb.

On y a aussi construit deux ou trois ridicules kiosques chinois, qui jurent avec le lieu et le paysage, en attendant peut-être de bâtir un mini-Big Ben.

En guise de jardins et d’espaces verts, on a planté quelques arbres dans une confusion géométrique dont le dernier des pépiniéristes algériens, ne parlons pas de paysagistes, aurait honte.

Le projet du Parc Dounia a été présenté sur maquette et lancé par le président Bouteflika et l’émir Al Nahyane, il y a quelques années de cela.

En mars 2011, l’Agence nationale de développement de l’investissement (ANDI) et le groupe émirati, Emirates International Investment Company (EIIC) ont signé deux conventions d’investissement portant sur la réalisation de ce parc et d’un projet immobilier, de loisirs et d’hôtels, pour un montant global de 5,98 milliards de dollars!

Une mosquée à Dieu sait combien et un Parc Dounia coups de milliards de dollars Censé entrer dans le cadre des «projets de développement», ce projet coûtera donc presque la moitié du montant de l’autoroute Est- Ouest!

Au départ, la société émiratie devait le faire par le biais d’un financement par les banques algériennes, à hauteur de 840 millions d’euros! Une société sans savoir-faire dans les parcs qui va réaliser un projet algérien avec des fonds algériens! Quelques mois plus tard, l’apport algérien sera revu à la baisse, puis en mars 2011, M. Ouyahia avait même instruit son ministre de l’Industrie, Mohamed Benmeradi, de notifier aux responsables du groupe EIIC qu’à titre d’ultime concession, «le gouvernement accepte d’autoriser ce promoteur à mobiliser un maximum de 100 milliards de dinars de crédits auprès des banques».

Le projet restera bloqué, faute d’entente, mais la situation n’en restera pas là car, devant l’APN, le 23 mai dernier, M. Amara Benyounès, le nouveau ministre de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement, n’a pas manqué de pointer du doigt la partie émiratie «qui n’a pas concrétisé ses engagements financiers».

Dernièrement, M. Benyounès aurait même informé les Emiratis de «la non-participation des banques algériennes au financement de la phase d’investissement, initialement prévue dans la convention d’investissement à hauteur de 100 milliards de dinars».

Cependant, le projet n’est pas abandonné, selon le ministre qui dit que les négociations se poursuivent entre les parties concernées et que «l’Etat appliquera les accords signés».

Selon le journal en ligne TSA, le gouvernement algérien serait revenu sur sa décision d’autoriser l’investisseur émirati à recourir à un financement local dans le cadre de son projet. Mais a-t-on besoin de projets immobiliers dans un parc et pour qui sont-ils destinés?

S’agit-il d’un «projet de développement» ou de résidences pour milliardaires à construire avec de l’argent public?

A l’époque, Chérif Rahmani, alors ministre de l’Environnement initiateur du projet, disait que le Dounia Parc serait à l’origine de la création de 25.000 emplois, et générerait 8.750 emplois directs!

Dounia pourvoyeuse d’emplois plus qu’El Hadjar ou la SNVI!

En vérité, une partie de ce projet sera un village fermé pour milliardaires, une sorte de «gate résidence» pour des privilégiés qui refusent de se mélanger au peuple.

La société chargée du projet a jeté à la va-vite quelques arbres, alignés comme des quilles dans une géométrie douteuse. Un parc, ce n’est pas quelques plantes hétéroclites sur des vallons.

Les techniciens et ingénieurs du Jardin d’Essai d’Alger auraient réalisé un joyau au Parc Dounia.

La logique aurait voulu que l’on fasse appel à des paysagistes nationaux et internationaux, par voie de concours, et le résultat aurait été fabuleux, car un espace aussi beau et aussi grand aurait intéressé les meilleurs artistes du monde.

Les meilleurs paysagistes, jardiniers et spécialistes des parcs et des jardins auraient proposé leurs services. Des paysagistes français, anglais et japonais, pour ne citer que les pays ayant une très vieille tradition dans les jardins et les parcs, nous auraient gratifiés de plans qui font rêver, qui auraient donné à Alger un espace digne d’elle, un espace d’une beauté reconnue mondialement.

Pourquoi n’a-t-on pas prévu d’arboretum à Dounia Parc? Pourquoi n’y-a-t-il pas de pépinière? Pourquoi pas un jardin andalou couplé à des espaces japonais ou anglais? Pourquoi pas des jardins méditerranéens avec des plantes de chez nous mariés à des espaces de type forêt vierge et que sais-je encore? D’autres proposeraient un immense arboretum qui viendrait concurrencer le Jardin d’Essai du Hamma… Pourquoi n’a-t-on pas opté pour un mini-Disneyland?

Or, avec tant d’argent, on nous offre une horreur absolue inaugurée en grande pompe.

C’est tout ce que mérite notre pays?

L’Algérie maîtrise l’art des jardins depuis des siècles. Créé par les colons, le Jardin du Hamma a été inauguré au début du vingtième siècle: un siècle après, ne sommes-nous même pas capables de faire pareil?

Les maquettes du projet sont introuvables sur internet. Opacité totale. Le parc Disneyland de Shanghaï est prévu pour 2015: les projections affichent une fréquentation de 7,3 millions de visiteurs par an à l’ouverture de ce parc entouré par une rivière artificielle de 10 km de long et 60 m de large et disposant d’un grand lac artificiel. Il ne coûtera que 3,5 milliards de dollars!

Le plan du site est affiché dans la ville afin que la population sache de quoi il s’agit, le commente et l’enrichisse!

D’autres parcs réalisés à travers le monde n’ont pas coûté autant que le projet algérien.

En France, le parc Astérix présente cinq civilisations et répond à une autre logique, culturelle et éducative.

Le parc Bellewaerde, en Begique, combine le type parc naturel et animalier et le parc d’attractions. Cet immense parc n’emploie que 69 employés permanents et 150 saisonniers!

L’effectif du personnel des autres parcs, où que ce soit dans le monde, est proportionnel à leur taille et à leurs activités. C’est aussi le cas du Parc floral, près d’Orléans, en France, et qui s’inscrit dans un cadre classé patrimoine mondial.

La France, qui a les plus beaux jardins du monde avec l’Angleterre, a de très nombreux parcs dont le Parc floral de Paris, l’arboretum de l’école du Breuil ou le Marineland d’Antibes, ce lieu d’attraction marine avec un grand parc aquatique, un delphinarium…

L’Algérie n’est pas dépourvue de parcs et de jardins mais plusieurs d’entre eux sont abandonnés ou presque, comme le parc zoologique de Ben Aknoun qui n’attire que quelques milliers de visiteurs par an, faute de prise en charge et de moyens!

Pourquoi ne pas remédier aux problèmes de ce parc avant de lancer quoi que ce soit, si l’intention était le loisir et la distraction des citoyens et la protection de l’environnement dans la capitale?


Ali El Hadj Tahar



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