Algérie

Alger, la cité interdite


Alger, la cité interdite
L'évènement reste inégalé en matière de mobilisation, de contenu politique et de mode de répression déployés par le pouvoir. La marche du mouvement des archs à Alger ' plutôt sur Alger ' le 14 juin 2001 a fait déferler sur la capitale près d'un million de personnes dont la plupart ont été stoppées net aux portes de la ville par un dispositif sécuritaire qui, en l'occurrence, a usé pratiquement de tactique militaire pour atomiser la manifestation et la désorienter.
La panique au sommet a été telle que des officiers de police n'ont pas hésité, dans un épisode honteux et resté impuni, à monter les «Algérois» contre ces «fauteurs de troubles venus d'ailleurs pour saccager la ville». Cette démonstration de force, décidée quelques mois à peines après le début des émeutes de ce qui a été appelé plus tard le Printemps noir de Kabylie, a été une exception en matière de contenu politique parce que émanant d'une nébuleuse qui, à l'époque du moins, a synthétisé un vrac de revendications d'essence identitaire, sociale et politique. La protestation était à son comble lorsque fut tenue cette réunion du 11 juin 2001 à El Kseur (Béjaïa), durant laquelle a été adoptée la fameuse plateforme de revendications. C'est lors de la même réunion qu'il a été décidé d'organiser la marche à Alger et de remettre le document réunissant les revendications à la présidence de la République.
Portée par la mobilisation assidue et massive de l'époque, des segments de la coordination des archs, les militants de gauche notamment, ne s'étaient pas cachés de l'objectif de camper à Alger en sit-in permanents «jusqu'au au départ du pouvoir». Un «printemps arabe» avant l'heure, en quelque sorte. La suite, on la connaît. Un mouvement qui s'effiloche, que consument ses contradictions internes, son populisme naïf et des luttes microbiennes de leadership au moment où, en face, le pouvoir a multiplié les man'uvres pour le discréditer. Et il a réussi.
De la formidable mobilisation et de l'élan d'adhésion que la révolte des jeunes de Kabylie a suscité, il reste le souvenir d'une jacquerie qui a dévitalisé pour longtemps la vie politique dans la région, des relents de scandales (jamais vraiment prouvés d'ailleurs) d'animateurs du mouvement qui se seraient mis au service de Ouyahia moyennant des privilèges. Soit, selon la même logique expéditive, un épisode de lutte dont il n'y a pas lieu d'être fier, même s'il a coûté tout de même la vie à 126 jeunes que les horizons bouchés ont poussés à braver les balles des gendarmes.
Même s'il a vu se mobiliser des militants sincères qui ont su au moins limiter les dégâts, à des moments où la furie des jeunes avait atteint des seuils suicidaires... Très algérienne que cette tendance à ne point capitaliser des expériences de lutte. A jeter le bébé avec l'eau du bain. Le pouvoir, lui, sait recycler les évènements à sa guise et en tirer profit. La «trouille» ressentie au sommet, le 14 juin 2001, a fait prendre au gouvernement cette décision d'interdire, depuis, la capitale à toute manifestation de rue. Une décision qui reste en vigueur depuis donc onze ans, malgré la levée de l'état d'urgence. Comme quoi même à ce niveau, le mouvement a été, à son corps défendant, utilisé pour justifier une mesure pour le moins arbitraire et antidémocratique.


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