Algérie

Alger et Bruxelles reportent le deadline du démantèlement tarifaire : 3 ans pour préparer la survie des entreprises algériennes



L'Algérie, inquiète pour certaines de ses filières ou soucieuse de leur développement, avait demandé un report de trois ans, du calendrier du démantèlement tarifaire, prévu par l'Accord d'association avec l'Union européenne. Elle vient de l'obtenir après deux années de négociations. Le démantèlement tarifaire total prévu pour 2017 est reporté à 2020.
La demande algérienne avait été formulée, en décembre 2010, sur fond d'un constat général que l'application de l'Accord d'association a été peu profitable à l'économie algérienne. Les réserves à l'égard de l'Accord d'association avec l'UE et plus tard à l'égard de la Zale avaient été formulées avec insistance par les opérateurs privés algériens et n'ont commencé à recevoir de l'écoute, au sein du gouvernement, qu'en 2008. Le ministre des Finances a donné le chiffre de 2,2 milliards de dollars de manque à gagner, du fait de la mise en 'uvre de l'Accord d'association, alors que les IDE européens, tant attendus, se faisaient désirer et n'avaient guère dépassé les 500 millions de dollars pour la même année. «En dernière instance, c'est moins de ressources fiscales, peu d'investissements, peu d'exportations hors hydrocarbures et une économie qui pourrait privilégier l'acte de commercer à celui de produire », avait constaté, un peu tardivement, M. Karim Djoudi. Mais il n'était pas question de remettre en cause l'Accord d'association, cela aurait été un message désastreux adressé aux partenaires étrangers. Ce n'est qu'une demande de sursis de trois ans, destiné à donner aux entreprises algériennes une «phase de transition supplémentaire». La demande de révision s'est d'ailleurs faite dans les termes prévus par l'Accord d'association. Il reste que les négociations n'ont pas été faciles puisqu'il a fallu deux ans pour aboutir à un accord sur le report de l'échéance.
MANQUE A GAGNER
Le communiqué, publié par le ministère algérien des Affaires étrangères, précise que l'accord conclu prendra effet à partir du 1er septembre prochain. Le nouveau calendrier «prévoit notamment un report jusqu'en 2020 de la levée des barrières tarifaires pour une large gamme de produits industriels importés par notre pays». L'accord stipule un « réaménagement de certains contingents préférentiels de l'UE pour les produits agricoles, et produits agricoles transformés». Cela concerne 36 contingents agricoles à l'importation en Algérie qui bénéficient de franchise de douanes, qui seront désormais, supprimés ou réaménagés. On ne connaît pas encore le détail de l'accord mais il est clair que l'Union européenne a pris en compte le souci des autorités algériennes de s'aménager un délai supplémentaire qui sera, en théorie, mis à profit pour préparer les entreprises algériennes à la concurrence qui ne peut qu'être rude.
A l'origine l'Accord d'association, entré en vigueur en septembre 2005, prévoyait un démantèlement graduel de deux listes de produits européens, à l'importation en Algérie, dont l'une sera complètement démantelée en 2012 et l'autre en 2017, année de l'entrée en vigueur de la zone de libre-échange. En obtenant ce décalage de la date butoir, l'Algérie devrait éviter un manque à gagner pour le Trésor de 8,5 milliards de dollars. Un chiffre calculé à partir d'estimations officielles, basées sur une simulation avec une facture constante des importations en provenance de l'UE, sur la période allant de 2010, date du gel par l'Algérie du processus de démantèlement, à 2017.
Le gel du démantèlement a permis de réaliser un gain de 152 millions de dollars, en droits de douanes, depuis septembre 2010, selon une estimation des Douanes algériennes. L'Algérie a peu exporté en hors hydrocarbures vers l'Europe : moins de 5 milliards de dollars, entre 2005-2011, contre près de 100 milliards de dollars de biens et de services exportés par l'Europe vers notre pays.
QUE FAIRE DE TROIS ANS DE PLUS '
Des experts algériens estiment que ce report est une bonne chose mais ils restent sceptiques sur l'usage qui sera fait de ce «sursis de trois ans». «Trois ans, c'est long et très peu. Cela dépend de ce qu'on en fait. Logiquement, ce sursis doit être mis à profit pour préparer le marché, stimuler une production algérienne concurrentielle et organiser le marché de sorte à ne pas être submergé par les produits européens», estime un expert. Pourra-t-on faire en trois ans, ce qui n'a pas été fait en plus d'une décennie ' Tel est la source du scepticisme malgré un programme national de mise à niveau de 20.000 PME, prévu dans le programme quinquennal 2010-2014 pour «préparer les entreprises nationales à affronter la compétition internationale et à permettre la diversification de nos exportations».
Un programme pour lequel l'Etat est disposé à engager plus de 5 milliards de dollars de «ressources publiques en concours directs et en bonification sur les intérêts des crédits bancaires». Les intentions ne suffisent pas, estime un expert qui souligne que cette préparation ne dépend pas seulement d'une affectation de ressources financières mais de l'existence d'une «administration opérationnelle» et de «normes non-tarifaires». «Sans administration, sans cadres, sans politique économique claire, on risque de perdre du temps et de l'argent», avertit-t-il. Dans trois ans, il sera en effet difficile à l'Algérie de redemander un autre sursis.


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