Algérie

Alger en couleur, Alger en noir et blanc



A J-3 de l'ouverture solennelle du 2e Festival culturel panafricain, rien encore ne semble indiquer qu'Alger va abriter durant deux semaines une manifestation majeure pour le continent, 40 années après sa première édition. La différence sur plan est manifeste, alors que les moyens dont disposait l'Algérie n'avaient rien à voir avec ceux déployés cette année pour le Panaf'. Au niveau de l'aéroport d'Alger par exemple, devenu Houari Boumediène depuis, contrairement à 1969, aujourd'hui rien ne semble rappeler au visiteur qu'il débarque dans ce qui va rester, pour deux semaines, la capitale de l'Afrique. Pas la moindre couleur subsaharienne, pas la moindre sculpture, la plus petite fresque. Les plus de 40 ans se rappellent sans doute que Dar El Beïda et les autres quartiers d'Alger avaient été à l'époque « habillés » aux tons qui rappelaient à la fois Bamako, Le Caire, Addis Abeba ou encore N'Djamena et Lagos...Alger, comme on disait à l'époque « respirait l'Afrique ». Il était aussi impossible d'oublier que des peuples du continent comme ceux d'Afrique du Sud, d'Angola, du Mozambique, de Namibie ou encore de l'ex-Rhodésie luttaient pour leur émancipation, confirmant ainsi l'expression d'Amilcar Cabral pour qui Alger était « la Mecque des révolutionnaires ». Les Algérois et les Algériens dans leur ensemble ont découvert Myriam Makéba, bannie de son pays par le régime raciste de Pretoria, et le portrait de ce célèbre détenu qui allait devenir, 20 ans plus tard, le plus ancien prisonnier politique de la planète. Nelson Mandéla viendra à Alger peu après sa libération, dans les années 1990, en signe de reconnaissance sans doute de l'hommage que lui avait rendu le continent lors du 1er Festival panafricain.La première édition du Panaf' avait été l'occasion de la réfection des salles de spectacle de la capitale et des environs. A l'opposé, le théâtre Mahieddine Bachtarzi d'Alger a failli être réduit en cendres, la semaine dernière, quelques jours à peine l'ouverture du 2e festival. Elle avait été aussi l'occasion des premiers essais de retransmission des émissions de la télévision en couleur que les Algérois découvraient dans les Monoprix, les Galeries algériennes, avant sa généralisation quelques années plus tard... Le côté sombre de l'évènement fut sans nul doute l'interdiction faite à Taos Amrouche de monter sur scène et de chanter dans la langue de ses ancêtres, l'exclusion de Slimane Azem des ondes de la Radio nationale. Une attitude officielle identique à l'égard de Kateb Yacine, qui ne pouvait espérer voir montées ses pièces de théâtre qu'ailleurs, en dehors de l'Algérie.La culture et le patrimoine berbères étaient exclus et ignorés par un régime autoritaire dont la règle de gouvernance était l'unanimisme imposé et étouffant. Tandis qu'au plan politique, toute opposition au régime était réprimée, voire éliminée physiquement. Mohamed Khider fut assassiné en 1967. Cela ne cessera pas pour autant avec la tenue du festival puisqu'un an plus tard, Krim Belkacem était éliminé en Allemagne... Aujourd'hui, pour ce 2e Panaf, on semble naviguer à vue. On persiste à ne pas vouloir rendre un hommage posthume à Taos Amrouche et à tous ceux qui ont souffert de la marginalisation et de l'exclusion. Bien malin serait celui qui pourrait dire, à la veille de l'ouverture officielle, quelles seront, en dehors de Lucy, la préhistorique ancêtre du continent, les participations marquantes ' Cela évite sans doute les comparaisons avec 1969, qui avait vu la participation de grands noms de l'art et de la culture au niveau international.Au regard de ce que va coûter ce festival aux contribuables, ce serait sans doute la moindre des choses que la transparence règne dans l'organisation d'une manifestation d'une aussi grande ampleur. Et peut-être de couper court à toutes les supputations, dont celle de savoir ce qu'on a fait de l'argent n'est pas des moindres.


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