Algérie

Alger, capitale de l'abstention



Baromètre de la vie politique nationale, la capitale du pays a enregistré le taux le plus faible lors du scrutin d'avant-hier. Au regard de son point politique et symbolique, Alger incarne une tendance lourde du bloc électoral national acquis structurellement à l'abstention... À méditer.Alger a enregistré le taux de participation le plus faible aux élections locales du samedi 27 novembre, avec à peine 16,29% pour les Assemblées populaires communales (APC) et 18%, s'agissant de l'Assemblée populaire de wilaya (APW). Pour la première fois, la capitale se "distingue" donc des wilayas de Béjaïa et de Tizi Ouzou, où habituellement la participation aux différentes élections est quasiment nulle, comme en témoignent les résultats des différentes échéances électorales, depuis plusieurs années, voire des décennies. À peine si Béjaïa et Tizi Ouzou, pour les communales, font mieux que la capitale : 18,36% pour la ville des Hammadides (APC), et 20% dans la wilaya de Tizi Ouzou, selon les résultats provisoires annoncés par le président de l'Anie, Mohamed Charfi, samedi soir. Les deux villes kabyles enregistrent, pour les APW, 14,77% à Béjaïa et 15,17% à Tizi Ouzou.
Si, pour des raisons historiques la Kabylie s'est toujours "illustrée" par son rejet des différentes élections, et dans ce cas son faible taux de participation, samedi, n'est pas une nouveauté en soi, la "surprise" vient donc de la capitale qui symboliquement révèle toute la désaffection des Algériens pour la chose politique, fût-il question des élections locales, censées intéresser les électeurs. Cette tendance du rejet ne cesse de s'affirmer dans les grandes villes algériennes comme en témoignent les dernières élections législatives anticipées du 12 juin 2021 où les Algériens ont massivement boudé l'urne, avec un taux de participation historiquement bas : 77% des électeurs n'ont pas voté.
Pour le sociologue Nacer Djabi : "Comme lors des précédents rendez-vous électoraux, la population des grandes villes, à l'instar d'Alger, ne fait que confirmer, à l'occasion des élections de ce 27 novembre, sont rejet profond du processus politique sur lequel le système mise pour assurer d'abord sa survie." Et de ce point de vue, poursuit-il, la capitale, Alger, peut effectivement, et symboliquement, "sonner comme un désaveu cinglant contre les tenants du régime en place". Quelles sont les raisons de ce rejet ' Le désintérêt des Algérois pour la politique, affiché à chaque élection, s'explique par plusieurs paramètres, à commencer par l'incapacité du processus électoral, lui-même, à proposer aux Algériens des perspectives ou encore des changements réels et palpables dans leur quotidien. "Les Algériens ne sont pas fondamentalement contre les élections. Ils rejettent le mode électoral tel qu'il est proposé par le système et dont la finalité n'est que de recycler sa base clientéliste, en faisant abstraction des préoccupations quotidiennes des Algériens", analyse encore Nacer Djabi.
Cette abstention est plus perceptible dans les centres urbains comme Alger, explique-t-il encore, pour des raisons objectives. "La circulation des opposants, des militants ou encore des activistes, influence profondément les populations urbaines dans cette tendance réfractaire au vote, comparativement aux villes du Sud, et à un degré moindre, celles des Hauts-Plateaux, connues pour être des réservoirs d'électeurs sur lesquels compte le régime". À cela s'ajoute, le profil-type du candidat aux différentes élections incapable de séduire les électeurs comme le montrent les campagnes électorales, fades et insipides, loin de drainer les grandes foules. Il est clair, dit encore le sociologue Nacer Djabi, que l'Algérie vit une véritable crise politique. Le rapport entre les citoyens et les élus est totalement altéré. Avec l'absence de confiance, les élections, telles que proposées actuellement, ne confèrent pas un levier de pouvoir aux Algériens et encore moins un instrument pouvant leur permettre d'agir sur le destin de leurs cités.

Karim B.


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