Algérie

"Alger a de quoi s'inquiéter"


Liberté : Une nouvelle donne s'est installée dans la région du Maghreb, avec la normalisation des relations entre le Maroc et Israël, d'une part, et la reconnaissance, par les USA, de la marocanité du Sahara occidental, d'autre part. Quelle appréciation faites-vous de ces évolutions 'Brahim Oumansour : Sous la pression du président américain Trump, Rabat a accepté la normalisation des relations avec Tel-Aviv en contrepartie de la reconnaissance de Washington, et d'autres alliés comme les Emirats arabes unis, de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental ; une annonce qui fait suite à l'ouverture par Abu Dhabi d'un consulat sur ce territoire. Alger a de quoi s'inquiéter d'une telle évolution dont les enjeux sont de taille.
Le Maroc veut imposer le fait accompli avant la fin du mandat de Trump qui sort vaincu de la course électorale pour sa succession, mais il cherche également à renforcer son influence régionale avec le soutien de l'axe Washington - Tel-Aviv-Abu Dhabi. La réaction d'Alger a été très timide. La diplomatie algérienne n'a pas été à la hauteur des enjeux en cours et qui représentent une grande menace sur le moyen et le long terme. La diplomatie algérienne s'est contentée de critiques et de dénonciations qui ont peu d'impact.
Elle s'est montrée pourtant très active sur les dossiers libyen et malien notamment...
Il est évident que la diplomatie algérienne a été très affaiblie notamment sous les deux derniers mandats du président déchu, Abdelaziz Bouteflika, au profit du Maroc qui a su renforcer son influence régionale avec une stratégie cohérente et constante, s'appuyant notamment sur la communication et la diplomatie économique, discutable, mais relativement réussie.
L'activisme diplomatique qui a suivi l'élection de Tebboune avait suscité, un moment, une lueur d'espoir annonçant un éventuel retour de l'Algérie sur la scène régionale et internationale, pour jouer un rôle important, notamment sur les dossiers libyen et malien que vous citez. Mais je pense qu'Alger a été vite rattrapé par sa propre réalité : souffrant d'une double crise économique et politique, aggravée notamment par la crise sanitaire de la Covid-19.
On peut constater ce recul dans le dossier libyen sur lequel Alger a préféré céder la place à la Tunisie qui a accueilli la conférence internationale. La normalisation entre le Maroc et Israël n'aurait pas eu lieu si l'Algérie n'était pas aussi affaiblie sur les plans national et régional.
Quelles seront, selon vous, les répercussions de cette nouvelle donne sur l'Algérie et sur la région du Maghreb '
À court terme, la volonté de Rabat de créer un fait accompli a déjà provoqué le regain des tensions avec le Front Polisario, ce qui rajoute de l'insécurité aux frontières algériennes déjà menacées par le terrorisme du côté malien et libyen. En revanche, les conséquences seront beaucoup plus graves sur le moyen et le long terme. Cela représente une menace sérieuse pour l'Algérie.
Sur le plan géostratégique, cette normalisation vise à renforcer le poids de l'axe Washington - Tel-Aviv - Abu Dhabi dan s la zone Maghreb-Sahel, avec pour ambition de fragiliser l'influence régionale de l'Algérie et ses alliés, au profit du Maroc qui sera leur base arrière, par le truchement de la gestion de la crise libyenne et de la lutte antiterroriste dans la région.
Israël est déjà présent dans la région, notamment via des sociétés privées de renseignement et de sécurité. Mais il n'est pas exclu qu'une base militaire israélienne ou émiratie, ou conjointement, voie le jour sur le territoire marocain menaçant ainsi, directement, le leadership algérien dans la région.

Propos recueillis par : KARIM BENAMAR
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)