Publié le 18.01.2024 dans le Quotidien l’Expression
Acteur français d'origine haïtienne, il est Frantz Fanon, dans le nouveau long métrage fiction «Chroniques fidèles survenues au siècle dernier à l'hôpital psychiatrique Blida-Joinville, au temps où le docteur Frantz Fanon était chef de la cinquième division entre 1953 et 1956» du réalisateur algérien Abdenour Zahzah qui sera projeté, dans le cadre du «forum de la Berlinale» au 74e Festival international du film de Berlin (Allemagne), prévu du 15 au 25 février 2024. Alexandre Desane revient ici sur la genèse de cette belle et extraordinaire aventure cinématographique en Algérie, non sans évoquer le travail méticuleux fourni avec le réalisateur, notamment, sur les lieux de tournage. Et de dire, un peu, qui il est et sa passion pour le 7eme art...
L'Expression: Tout d'abord racontez-nous comment avez-vous été sélectionné par Abdenour Zahzah pour endosser le rôle- une lourde tache - de Frantz Fanon. Parlez-nous de la genèse de cette aventure, d'autant qu'on croit que c'est votre première fiction au cinéma...Ca du être hyper excitant d'accepter de jouer Fanon?
Alexandre Desane: J'ai eu l'envie de devenir comédien en 2010, je me suis inscrit dans un cours de théâtre et j'y ai pris goût. J'ai alors passé des castings, obtenu des rôles secondaires dans des films indépendants, des court-métrages et des long-métrages. En 2013, alors que j'étais dans un festival en Afrique du sud pour présenter un des films dans lequel j'interprétais le rôle du peintre Jean Michel Basquiat («To Repel Ghosts» de Philippe Lacôte) j'ai eu la chance de rencontrer le réalisateur Damien Ounouri et nous avons gardé contact. Des années plus tard, Damien Ounouri a suggéré à son ami réalisateur Abdenour Zahzah de me rencontrer pour le rôle de Frantz Fanon. Fin 2019, Abdenour m'a contacté car il était de passage à Paris pour rencontrer des comédiens. À la lecture du scénario, j'étais de suite conquis. Abdenour, s'intéressant à Fanon depuis des années, voulait surtout retranscrire son travail à l'hôpital. Qui était-il en tant que psychiatre? Par ailleurs il m'a fait découvert son univers et m'a envoyé son court-métrage «Garagouz», j'ai tellement aimé la poésie de ce film que j'avais très hâte de travailler avec lui.
Comment se prépare t-on physiquement et psychologiquement pour interpréter ce rôle? On lit, on se documente pour étoffer son personnage? Quelle a été votre recette de transformation aussi puisque vous paraissez jeune...
Le film raconte comment la prise de fonction à l'hôpital de Blida-Joinville a façonné la prise de conscience politique de Frantz Fanon. J'ai beaucoup parlé avec le réalisateur qui m'a énormément nourri pour ce rôle, de tout ce qu’il savait de Frantz fanon. J'ai regardé entre autres le documentaire qu'il avait réalisé autour de Frantz Fanon. Et puis j'ai voulu coller au plus au scénario, respecter les enjeux de chaque scène tout en gardant en tête que j'interprète une personne qui a mis sa vie au service de son métier, au service d'une cause. Mon travail a été de rechercher en permanence ce que signifie d'être un jeune psychiatre noir envoyé par la France pour soigner les patients Algériens dans une Algérie elle même colonisée par la France.
Un mot sur votre aventure cinématographique dans la peau de ce célèbre psychiatre, d'autant que c'est une tranche de vie que vous incarnez. Comment cela se traduisait sur le plateau justement avec le réalisateur?
Le tournage a eu lieu à Blida, l'immersion quotidienne dans la ville a rendu agréable le travail, comme une pièce de théâtre que l'on joue à ciel ouvert. Abdenour a fait en sorte que l'on puisse tourner le film dans les vrais lieux, l'hôpital dans lequel il a exercé qui porte son nom depuis l'indépendance ainsi que le logement de fonction qu'il a occupé qui aujourd'hui est devenu le Musée Fanon. C'est une chance pour un acteur de jouer entre des murs qui ont une histoire. 60 ans plus tard, j'ai arpenté les mêmes couloirs d'hôpital, le même bureau, la même chambre que Frantz Fanon.
Que vous a t-il apporté Fanon et comment l'on sort d'un tel jeu en incarnant cette grande figure emblématique de la psychiatrie qui était aussi un grand militant pour la cause algérienne?
C'était un honneur pour moi d'interpréter Frantz Fanon, un véritable humaniste et défenseur des opprimés. Grâce à ce film, j'ai été au plus proche des origines de son oeuvre «Les Damnés de la Terre». J'ai eu le privilège de rencontrer deux personnes très inspirantes, son fils Olivier Fanon, et un de ses petits-fils Cédric Fanon, qui étaient présents sur place lors du tournage. J'ai pu découvrir l'Algérie, pays magnifique, et travailler avec un super réalisateur exigeant, ce fut un voyage émotionnel bouleversant.
Pour ceux qui ne vous connaissent pas. Pourriez-vous vous présenter en quelques mots.
J'ai une formation de développeur web, métier que j'exerce encore en freelance, j'ai pratiqué la danse pendant une quinzaine d'années et je suis également photographe et réalisateur. Depuis un an, je fais également du pastel sur toile et c'est quelque chose que je développe autour d'un projet.
Vous vivez en France. Vous avez joué dans un court métrage qui dénonce le racisme. Peut -on dire que ce genre de sujets engagés vous importe beaucoup au cinéma? Cela rejoint un peu donc Fanon...
«L'enfant Orange» est un court-métrage que j'ai écrit, réalisé et dans lequel je joue. C'est un film qui traite du racisme du point de vue d'un enfant et des conséquences de ce racisme sur sa vie d'adulte. Ça part d'une anecdote que je disais à ma mère, enfant. Quand j'étais petit, je me voyais orange et non pas noir de peau, et je pleurais quand on me traitait de Noir car je n'avais pas la sensation de l'être et j'avais peur d'être le seul à me voir orange.
Quelle est enfin votre vision du cinéma que vous aimez?
En ce qui concerne mes goûts de cinéma, j'aime plusieurs styles, ça peut aller de la science-fiction, à la comédie romantique. Ce qui m'intéresse par dessus tout ce sont les histoires singulières avec des enjeux forts et des personnages complexes.
O. HIND
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Posté Le : 18/01/2024
Posté par : rachids