Depuis la découverte des fresques du Tassili par Henri Lhote, des centaines de photographes se sont intéressés aux paysages et aux fresques de cette région du Sahara algérien. Main Sèbe, lui, en a fait une spécialité. Son amour du Tassili commence en 1970 avec un premier reportage sur les fresques et les paysages de la région de Djanet. Depuis, ce photographe est habité par le désert, autant dire que le désert fait partie intégrante de sa vie. 11 y a passé des années à courir de vallée en vallée, de plateau en plateau, à répertorier des fresques connues des spécialistes et du public ou uniquement de lui. Sillonner le désert, se laisser défoncer par le soleil, puis enfin découvrir, à l' ombre fraîche et bleue d'une grotte, une œuvre incrustée sur une paroi, telle une perle tout juste sortie de sa coquille, pour vous éblouir. Si l'émotion de la découverte d'une fresque au fond d'une grotte ne peut être partagée, car elle est à faire sur le site même, Main Sèbe cherche à partager le plaisir devant la beauté et la richesse artistique des œuvres en les photographiant. Certes, ce photographe fou du désert est surtout fasciné par les œuvres d'art, ces milliers de fresques tassiliennes, mais aussi par le paysage. Et des images fortes, pleines de poésie, il en a fait beaucoup. Depuis son premier livre, publié en 1979, dans la collection Tagoulmoust, et édité par lui-même, Alain Sèbe a mis sur le marché quatre recueils de photos sur le désert algérien. Son dernier, Tikatoutine, fut publié en 1991, le photographe étant toujours son propre éditeur, ce qui montre à quel point il peut faire des sacrifices pour le désert.
Alain Sèbe a parcouru des milliers de kilomètres à la recherche des fresques, évidemment aidé par des guides et des cartes dont celles de Lhote. Parfois les fresques sont enfouies loin du regard des hommes et même de celui des Targuis et des guides les plus avertis. Elles ne se trouvent pas dans des grottes à proprement parler mais dans des abris, protégées des intempéries, pas de la lumière. Alain Sèbe n'utilise jamais de flash, non seulement parce que ce procédé est nuisible aux peintures mais parce qu'il préfère les mettre en boîte telles qu'elles apparaissent au regard sous une lumière naturelle. Ce procédé est très lent car il exige d'attendre que la lumière soit satisfaisante à un moment précis de la journée pour pouvoir appuyer sur l'obturateur. Puis dans ce monde minéral calciné par un soleil de feu surgit une fleur toute fragile, gracieuse, ou un arbre, parfois un plan d'eau. C'est le saisissement : appuyer sur le déclencheur ! En boîte, la petite fleur fragile ou la guelta avec son eau venue on ne sait d'où. Autrefois cette guelta devait être un lac ou un lit de fleuve. Et l'on imagine, alentour, les milliers de bœufs d'an¬tan en train d'y patauger, puis de s'enfuir lorsque soudain apparaît un fauve. Les pasteurs foncent, les lances pointées sur le perturbateur avant de redevenir peintres en évoquant à l'aide de kaolin et d'un pinceau improvisé la scène effrayante qu'ils venaient de vivre sur la paroi de l'abri où ils vont pouvoir encore se reposer tandis que les troupeaux paissent et se désaltèrent. Tikatoutine est un très beau livre (de format 33 par 33 cm) qui n'a malheureusement jamais été commercialisé en Algérie et qu'il n'est jamais trop tard de commander pour le faire connaître au public. Admirons quelques planches d'Alain Sèbe.
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Vaches gravées sur roche, celle du bas est dite La vache qui pleure.
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Chevaux au galop volant, admirez la tentative de perspective et les deux femmes en « minijupe »
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Posté Le : 10/02/2015
Posté par : culturealgerie
Ecrit par : Ali EL-HADJ TAHAR
Source : Tassili Magazine N°29 - Mars - Mai 2002