ALA MADI AL BASAR, D'ASEEL MANSOUR Des choix et des conséquences

Dans ce drame psychologique, porté par une excellente interprétation de Khaled Al Ghwairi et de Nadia Odeh, et filmé à la manière d'un thriller, le spectateur passe son temps à se demander si la vérité sort de la bouche des personnages, ou s'il faut la chercher ailleurs. On se croit supérieur et intelligent dans notre siège, mais à la fin, on se rend compte, dérouté, qu'Aseel Mansour s'est joué de nous. Un coup d'éclat !Le réalisateur jordanien, Aseel Mansour, participe à la compétition Longs Métrages du 7e Fofa, avec son film lumineux 'bien que ce soit de notre part d'ombre qu'il s'agisse- Ala madi al basar (dans la ligne de mire), un film qui met en scène deux personnages, Laila et "le prétendu" Sami. Laila (Nadia Odeh) est malheureuse dans son couple. Son mari, Nadim s'absente régulièrement pour des raisons professionnelles, ce qui la plonge dans une profonde tristesse, et lui fait remettre en question sa vie, qu'elle a choisie, mais qui ne la satisfait plus. Entre remords et regrets, échecs et coups du sort, Laila n'en peut plus de sa vie solitaire, entre quatre murs. Un soir 'qui ressemble à tous les autres soirs-, elle rentre chez elle, et commence à ruminer le passé. Elle est interrompue par un bruit, celui du moteur de sa voiture qui s'éloigne. Réussissant à se munir du revolver de son mari, elle le braque sur l'un des voleurs, alors que l'autre s'échappe avec sa berline. Le voleur en question, Sami (incarné par Khaled Al Ghwairi) est pris en otage ; il est dans la ligne de mire de Laila. Pour s'en sortir, il engage la conversation avec elle, et lui révèle les détails de sa vie et ce qui l'a poussé à commettre un tel acte. Sensibilisée, Laila ne baisse pas sa garde, et lui livre des détails de sa vie à elle. Elle est touchée par l'histoire qu'il lui raconte ; elle est prise au piège de la compassion. Mais la suite des évènements sera pleine de rebondissements, de situations inattendues, et de révélations qui feront Laila se décider : tirer ou se raviser, tuer le voleur ou l'aider, livrer Sami à la police ou le laisser s'enfuir. En tout cas, comme pour son mariage avec Nadim, Laila aura le choix. Et justement, Ala madi al basar, un drame psychologique aux accents de thriller, qui tient en haleine du début jusqu'à la fin, s'intéresse à la question des choix qu'on fait dans la vie. Bons ou mauvais, ce sont nos choix, et il faut les assumer et vivre avec le poids de leurs conséquences. Assel Mansour explore également les limites de la fiction, en se jouant du spectateur, en effritant toutes ses certitudes, et en dérangeant son confort. On cherche la vérité, en oubliant que le cinéma s'appuie sur la fiction qui (re)transpose le réel, le sublime, ou le déconstruit. Si on cherche les évidences, la vérité, et la réalité, alors ce film n'est pas fait pour nous. Si on cherche la complexité, la nuance et la liberté, alors ce film s'adresse à nous. En tout cas, une partie de la vérité seulement nous est révélé par le réalisateur, qui a également signé le scénario, et on ressort de la salle avec un sentiment contradictoire : on jubile mais en même temps, on est frustré. Car la fin nous appartient, nous autres spectateurs. C'est à nous de l'écrire. Avec son coup d'éclat, Aseel Mansour s'adresse à nos émotions et notre esprit. Il nous implique totalement dans sa fiction, et nous convie dans son univers, qu'il partage avec nous. En outre, le jeu des comédiens a été impeccable, notamment celui de Khaled Al Ghwairi qui a nuancé son personnage, jouant sur une gamme assez large, multipliant les postures et les traits de caractère. Somme toute, Assel Mansour nous prend au dépourvu, et confirme encore une fois (si besoin était) la montée en puissance du cinéma jordanien, qui commence à se faire une place de choix et de marque dans le paysage cinématographique arabe.
S. K.
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