Algérie

«AL RISSALA», l’histoire d’un film sur l’Islam de Salim Aggar : Secrets de tournage


«AL RISSALA», l’histoire d’un film sur l’Islam de Salim Aggar : Secrets de tournage
Publié le 11.02.2024 dans le Quotidien le soir d’Algérie
MERIEM GUEMACHE

Dans son livre publié à compte d’auteur, Salim Aggar raconte la genèse de fabrication de Al Rissala (Le message), film du réalisateur syro-américain Mustapha Akkad (1930-1995), sorti en 1976. Un long métrage largement diffusé dans le monde et doublé en douze langues.
Al Rissala a connu une double production, en arabe et en anglais, avec un casting différent. En dépit d’une multitude de couacs, ce film a réussi à s’imposer sur le marché impénétrable du cinéma occidental.
«L’objectif d’Akkad, ce n’est pas seulement faire un film sur l’Islam, mais plutôt comment pénétrer le marché américain avec un film qui présente une image claire et surtout positive de l’Islam», écrit l’auteur.
La réalisation d’un projet cinématographique d’une telle envergure a nécessité de grands moyens. «Des chevaux, des tenues et accessoires de l’époque, beaucoup de figurants et surtout des décors et un scénario bien écrit tout en respectant l’histoire spécifique de l’Islam.» L’idée de produire un film sur l’Islam titillait Mustapha Akkad depuis son installation aux Etats-Unis où il poursuivait des études dans la célèbre université UCLA de Los Angeles dont il sort diplômé en 1958.
«Mustapha Akkad avait réussi dans ses études et sa carrière professionnelle, il lui restait un dernier rêve, faire un film qui présentera l’Islam à l’Occident (...). Un film sur l’Islam ouvrirait les yeux de l’Occident sur cette religion très spirituelle.»
Le réalisateur va d’abord se heurter à un premier problème : trouver un producteur pour son film.
«...Mustapha Akkad a vu toutes les portes des studios américains se fermer devant lui. Personne ne voulait produire un film qui fasse la promotion d’une autre religion que le judaïsme et le christianisme.» Finalement, le producteur koweïtien Mohamed Nasser Al Sanoussi accepte de financer le film.
Le scénario d’Al Rissala est alors soumis à une commission de lecture des plus rigoristes. Les visages du prophète et de ses compagnons ne devaient en aucun cas être représentés à l’écran. Les experts religieux d’El Azhar validèrent le scénario dont le titre original était Mohammed, le messager de Dieu.
Le tournage du film débute au Maroc. La réplique de La Mecque est construite à l’identique. Les acteurs et les figurants sont à la tâche mais après six mois de tournage, la production s’arrête brutalement. Levée de boucliers. «En entrant dans la grande salle du palais, le réalisateur syrien trouva le roi Hassan II très stressé en train de faire les cent pas dans la grande pièce. Après un instant, il s’approche d’Akkad et lui annonce avec amertume qu’il doit mettre fin à la production de ce film. «Je suis désolé mais les Saoudiens ont été mis au courant qu’une autre kaâba est en construction au Maroc, je dois mettre fin à ce tournage.» Un sursis d’une semaine est accordé au réalisateur qui doit vite se rabattre sur un autre pays. Finalement, la suite du tournage se fera en Libye. Le transfert du matériel, équipements, costumes, accessoires, véhicules et chevaux fut très compliqué. «...Les chevaux étaient expédiés par voie terrestre de Marrakech à Tanger, puis à travers l’Algérie, la Tunisie, jusqu’à la Libye, un voyage de 3500 km (...) Akkad, qui a perdu ses figurants marocains, pensait surtout aux milliers de figurants dont il avait encore besoin pour les scènes de bataille. C’est ainsi qu’il sollicita l’accord de Khadafi pour l’apport des militaires libyens pour les scènes de bataille.»
Dans cet ouvrage, on apprend également qu’un Algérien a créé les costumes des figurants du film. «Phyllis Dalton fait appel à un Algérien, Laâdjadji, originaire de Rouisset, à Ouargla, pour la confection des costumes des Koreichite. Le costumier algérien a fusionné entre la tenue berbère de l’époque et la tenue touaregue qui était de mise dans le Sahara algérien.»
Al Rissala est le premier film à avoir été tourné en deux versions : la première en anglais et la seconde en arabe. Mustapha Akkad a minutieusement choisi ses acteurs. Le casting arabe fut dominé par les frères Ghaith (Egypte) et Mouna Wassef (Syrie). Pour la version anglaise furent distribués Anthony Quinn (USA) et Irène Papas (Grèce).
Salim Aggar aborde d’autres points concernant cette production comme l’exclusion d’Omar Sharif du casting en raison de ses positions politiques pro-israéliennes, l’apport de la musique de Maurice Jarre, la perturbation de l’avant-première en Angleterre et aux USA, la censure du film dans plusieurs pays lors de sa sortie... L’auteur revient également sur les circonstances de la disparition de Mustapha Akkad, avec sa fille de 34 ans, dans un attentat le 9 novembre 1995 à Amman.
Salim Aggar est né le 21 juin 1968 à Alger. Journaliste, critique de cinéma et réalisateur de documentaires, il occupe actuellement le poste de directeur général de la chaîne de télévision d’information internationale AL24 News.
Meriem Guemache
«Al Rissala», l’histoire d’un film sur l’Islam. Salim Aggar. A.C.A. 2023. 216p. 1500 dal Rissala