Algérie

Air Algérie au centre de graves turbulences


Colère et consternation, hier, dans les aéroports. L'ensemble des vols d'Air Algérie ont été annulés dès 7h en raison d'une grève illimitée déclenchée subitement par les deux syndicats du PNC (personnel navigant commercial) de la compagnie nationale.Des centaines de passagers, et après avoir procédé à l'enregistrement de leurs bagages et pour bon nombre d'entre eux installés dans les salles d'embarquement, se sont retrouvés bloqués dans les enceintes aéroportuaires durant des heures.
La majorité des avions d'Air Algérie sont restés cloués sur le tarmac, alors qu'au même moment, le Snpl (Syndicat national des pilotes de ligne), affilié à l'Ugta, et le Sntma (Syndicat national des techniciens de la maintenance aéronautique) dressent un tableau noir de la situation qui prévaut à Air Algérie, tout en pointant du doigt les responsables de l'entreprise.
Tout en exprimant son «regret» de voir toutes ces organisations syndicales «réagir au moment où la compagnie a besoin d'un répit pour pouvoir mettre à exécution son plan de redressement», le PDG de la compagnie, M. Bakhouch, qualifie la grève du syndicat du personnel navigant d'«illégale», et précise : «Nous allons recourir à la justice pour mettre fin à cette situation?».
Du côté du Snpc, ce débrayage «vient après une assemblée générale des travailleurs et un préavis de grève, lancé le 31 décembre 2017». Son secrétaire général, M. Boulakhnafar, explique : «Nous ne demandons que l'application du protocole d'accord signé entre la direction générale et le syndicat, qui prévoit une révision salariale progressive du personnel et la régularisation de la situation de plus de 200 travailleurs recrutés avec des CDD (contrats à durée déterminée).
Depuis le gel de cet accord en septembre dernier, aucune voie de dialogue avec le partenaire social n'a été ouverte. La décision de remettre en cause l'accord en question a été prise de manière unilatérale, donc sans aucune concertation ou explication. Notre grève n'est pas illégale. Tout le monde était informé. Le préavis a été lancé 22 jours avant, alors que la loi prévoit un délai de 8 jours seulement. Nous continuerons notre mouvement jusqu'à ce que la direction générale décide de revoir sa position?»
UNE GESTION DECRIEE
Le PDG d'Air Algérie nie totalement avoir fermé les portes du dialogue. «Aujourd'hui même (hier, ndlr) était prévue une réunion avec les représentants des travailleurs justement pour parler de la situation. Nous leur avons notifié l'invitation il y a deux jours. Mais à notre grande surprise, il y a eu paralysie de la flotte. Nous ne pouvons pas rester les bras croisés ou agir sous la pression. Si ce débrayage persiste, des solutions existent pour y faire face. Cela coûtera cher à la compagnie, mais que chacun prenne ses responsabilités. Pour que les salaires soient augmentés, il faudrait que la compagnie prenne son envol et améliore son rendement, et donc sa trésorerie. Pour y arriver, il faut un climat de sérénité.»
Alors que la tension monte dans les aéroports, le syndicat des pilotes déplore, dans un communiqué, signé par son secrétaire général, M. Bedagh, «le non-respect des procédures dans l'affaire des commandants de bord arrêtés de vol et les vices de forme dans le traitement de ce dossier, le respect du plan de formation, la non-application de l'accord salarial (?).
Cette situation est inédite et nous tenons à dénoncer l'incompétence et la mauvaise foi des responsables voulant à tout prix le pourrissement, ce qui reflète l'amateurisme sans précédent d'une direction qui fuit ses responsabilités?»
Usant des mêmes propos, le Syndicat des techniciens de la maintenance aéronautique, par la voix de son président, Ahmed Boutoumi, note que depuis l'arrivée du nouveau staff dirigeant, «l'entreprise évolue au quotidien dans un climat d'incertitude et malsain, avec des suspicions d'un lendemain incertain en raison des agissements amateurs et irresponsables de l'employeur, de son entêtement, de sa mauvaise administration, de son inconsidération envers les partenaires sociaux, en appliquant la politique du monologue despotique et de l'arrogance. Ajoutons à cela le non-respect des lois de la République, des conventions et des accords».
Pour le syndicat, la situation tend «vers le pourrissement, entraînant la compagnie dans une voie sans issue avec une rupture de confiance de la part des employés et de nos passagers, qui se trouvent être les premières victimes d'une politique commerciale quasiment inexistante, d'une gestion dépourvue de plan d'action et sans perspective d'avenir». Devant un tel constat, le syndicat juge «inutile d'assister aux réunions bimestrielles organisées par la direction générale consacrées à l'examen de la situation de l'entreprise et qui ne prennent pas en compte nos préoccupations».
De ce fait, les techniciens de la maintenance constatent «l'impossibilité de dialoguer avec une partie qui ne respecte pas la loi du travail et la convention collective, et qui plus est, au terme des réunions bimestrielles établit des procès-verbaux et les signe de manière unilatérale et sans concertation». Ils précisent que «ce type de réunions ne sont que des subterfuges utilisés pour tromper les autorités et l'opinion publique sous prétexte d'un dialogue toujours en cours».
De tels propos augurent d'une nouvelle tension et donc une menace de débrayage, comme cela a été le cas il y a quelques jours, lorsque le syndicat a décidé et pour la troisième fois de déclencher un arrêt de travail, sans préavis, mettant la compagnie devant le fait accompli.
Le PDG, quant à lui, reconnaît que la grève est un droit sacré pour les travailleurs. Cependant, il exprime son souhait de voir ces derniers «revenir à la raison». «Nous avons toujours dialogué avec nos partenaires sociaux. Même le ministre des Transports les a reçus. Mais ils doivent savoir que l'entreprise n'a pas d'argent. La réussite du plan de redressement mis en place a besoin d'un climat stable. Nous ne pouvons pas travailler sous la pression. Les grèves n'apportent rien à l'entreprise.
Bien au contraire, elles nuisent à sa trésorerie et à son image. Le partenaire social doit être conscient de la situation. Nous sommes ouverts à toutes les voies du dialogue», déclare M. Bakhouche.
Entre les positions tranchées des uns et des autres, et au-delà des dommages occasionnés à la trésorerie de la compagnie, ce sont des centaines de passagers, pour ne pas dire des milliers qui vont être pénalisés tout au long de cette crise qui ne semble pas connaître d'issue.
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