Algérie

Ainsi va la vie Pour l'amour de Hocine (4e partie)



Résumé de la 3e partie - Ma Yamina, toujours inquiète, oublie de nourrir ses bêtes. Zohra se charge de le faire en tentant de la réconforter.
Le vieux Ali, un homme à la stature imposante, descend l'échelle de sa «sedda» et, ceignant sa large ceinture de cuir sur son pantalon bouffant, réplique de sa voix de stentor : «Yamina ! bonjour ! Qu'y a-t-il '...»
«Khouya Ali, lui dit-elle en s'approchant de lui, mon fils Hocine n'est pas revenu de Jijel ! Cela fait aujourd'hui six jours qu'il est parti. Ah, pauvre de moi ! J'aurais dû l'accompagner ! Il est si jeune et malade ! Il est peut-être mort dans quelque fossé '» Elle se frappe la tête et se jette à terre, en hurlant. «Hocine ! Mon fils Hocine !»
Zohra et sa bru, accourues de leur logis, entreprennent de la calmer. Ali la regarde sans rien dire, réfléchissant. Puis, quand elle se fut calmée et assise près du foyer, il s'approche d'elle et lui dit : «A Yamin ! Je vais maintenant même partir à sa recherche. Sais-tu s'il est passé par le douar des Ouled-Ali, ou bien a-t-il pris par le djebel '»
«Il m'a promis de passer par les Ouled-Ali et de se reposer à la mosquée. Frère Ali ! Il ne peut pas passer par le djebel, il est si faible ! Mon fils ! La malédiction soit sur ma maison ! Khla dari !»
«N'aie pas peur, ma s'ur», dit Zohra de son air impassible. «Diêlna va le trouver. Il est certainement dans la mosquée des Ouled-Ali, en train de se reposer avant de reprendre la route. Jijel est si loin !»
«Diêlna» ' c'est le nom que toutes les femmes mariées utilisent pour désigner leur mari par pudeur, car elles ne prononcent jamais son nom en public ' sort devant la porte de son pas pesant. Vêtu seulement de sa chemise aux manches retroussées sous son gilet et de son large pantalon arabe, il puise de l'eau de la grande jarre déposée sous la fenêtre. Après ses ablutions et sa prière, il mange un peu de «boubakha», de la farine de seigle mélangée à de l'huile d'olive, prend son bâton après avoir revêtu sa kachabia, dont il remonte le capuchon sur sa chechia et sort.
Sans un mot, Zohra le rejoint et lui met dans la main un petit sac de cuir tanné contenant un bon morceau de «tamina» à l'huile. Elle ne lui dit rien, car il ne faut jamais rappeler un homme qui prend la route.
Pleine d'espoir, Yamina sort elle aussi et le regarde partir.
«Ramène-moi Hocine, frère Ali ! murmura-t-elle, et que Dieu t'aide ! Trouve-le, frère Ali ! C'est tout ce qu'il me reste en ce monde ! S'il revient sain et sauf, je jeûnerai trois mois ! Belkofara !»
«Reste avec nous aujourd'hui Yamina, ma bru va s'occuper de tes bêtes.»
«Non, je dois rentrer, j'ai du travail ! Merci encore, ma s'ur !»
Elle sort et referme derrière elle la porte.
De nouveau, elle prend sa pioche et se dirige vers le champ. Une neige fine se met à tomber, ravivant son désespoir. Mais dans un ultime effort de concentration, elle chasse de son esprit toute pensée et se met à piocher de toutes ses forces, retournant les mottes dures, jetant les pierres au loin comme si elle voulait atteindre un ennemi invisible. Elle ne s'accorde pas un moment de répit. Dès qu'elle sent la brûlure de son c'ur la submerger, elle enfonce encore plus profondément sa pioche dans la terre... Ses pieds nus aux talons durcis pataugent dans la petite couche de neige qui s'est formée sur le sol. Mais elle ne ressent rien, se baissant et se redressant, labourant le sol de son outil, les mains en feu, le dos raidi.
Le crépuscule commence à tomber quand enfin, au bord de l'évanouissement, trempée jusqu'aux os, elle s'arrête, regarde, hébétée autour d'elle. Tout est blanc.
«Frère Ali le retrouvera-t-il vivant ' Et cette maudite neige qui tombe ! Mon Dieu ! Mon Dieu !»
Elle retourne lentement vers sa maison, se traînant dans un ultime effort. Elle allume le feu et, debout près du foyer, elle entreprend de se sécher. (A suivre...)


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