Algérie

Ainsi va la vie Les deux pièces de 5 DA (1re partie)



Apparition - Sa longue robe rose aux zigzags multicolores rehaussait à merveille la blancheur de sa peau.
Atika se réveilla très tôt ce matin-là, se dirigea, comme un automate, en sueur vers la chambre de sa mère qui venait de se remettre au lit après avoir fait sa prière, elle avait compris que, encore une fois, elle venait de faire le même cauchemar. Elle eut un frisson dans le dos, car souvent les cauchemars de sa fille avaient tendance à se répéter et, par la suite, à se réaliser au détail près.
' Ma, ça aura lieu aujourd'hui vendredi, c'est affreux, affreux.
La maman essaya de la calmer, tout en la prenant dans ses bras, lui demanda de lire avec elle quelques versets du Coran. Après un long moment, elle décida d'aller à la cuisine pour préparer le café et dissiper la tension qui régnait. Atika avait les yeux fixes et était rigide comme si son esprit était quelque part alors que son corps n'avait pas bougé d'un iota.
Alors que toute la famille était réunie pour le petit déjeuner autour de la grande table de cuisine, les discussions allaient bon train quand la sonnerie du téléphone retentit.
' C'est arrivé, dit Atika.
Son père la traita de petite folle et alla répondre. La communication fut brève, son père revint à la cuisine blême : son cousin venait de mourir dans des conditions atroces. Un silence de plomb régna quelques minutes et comme d'un commun accord, tous regardèrent Atika. Elle se sentait déjà beaucoup mieux comme si le lourd fardeau qui pesait sur ses épaules s'était volatilisé.
Les faits remontent à quelques jours, dans l'ouest du pays, dans une petite localité, quand Seddik, officier de gendarmerie, rentra chez lui. Ce qu'il vit le laissa sans voix, non il ne rêvait pas. Il était bien éveillé. C'était bien sa femme, la mère de ses neuf enfants, qui était là, au lit, dans leur lit, dans leur nid, et avec son supérieur, son ami de toujours. Le film de sa vie défila devant ses yeux en quelques secondes. Leur rencontre avait eu lieu seize ans plus tôt, au mariage de son oncle. Elle était là, accompagnant des amies, assise près de la porte dans sa longue robe kabyle rose aux zigzags multicolores qui rehaussait à merveille la blancheur de sa peau.
Cela mettait en évidence sa longue chevelure ébène, notamment ses tresses qui tombaient sur ses épaules.
Elle leva la tête et le regarda comme un intrus parmi les femmes avec des yeux divinement candides. Seddik aurait aimé se mettre à genoux devant tant de beauté, son c'ur battait très fort et avait du mal à contenir son émotion.
Aussi, il se sentit gêné lorsque sa grande s'ur le tira par le bras pour danser avec lui au milieu des femmes, sous des youyous stridents et au rythme du bendir.
Ses gestes étaient gauches, il s'éclipsa en une fraction de seconde, non sans jeter un dernier regard vers la porte.
Tout alla très vite par la suite, la demande en mariage, leurs brèves fiançailles, et, enfin, Romela devint sa femme. Seddik était tellement amoureux et heureux, que ses pieds, telles des ailes, touchaient à peine le sol. Sa femme, par sa présence, lui porta chance, sa demande dans le corps de la gendarmerie fut acceptée. Il découvrit sa passion pour les armes et devint au bout d'un an un tireur d'élite. La naissance de chacun de leurs enfants était un événement qui en accompagnait un autre : un logement, une voiture, promotion sur promotion, héritage, etc. Sa femme était en même temps son fétiche, son porte-bonheur. (A suivre...)


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