Algérie

Aïn Témouchent : Nouaria, une singulière femme rurale Actu Ouest : les autres articles



L'étal était tenu par une mère et sa fille, deux femmes à la tête d'une exploitation agricole qui, contrairement aux autres exposantes, s'étaient engagées dans des activités autres que celles qualifiées de féminines dans le monde rural. Nouaria, à l'état-civil Mahalaïne Lilia, est universitaire informaticienne.
De tous les stands dressés lors de la célébration de la journée mondiale de la femme rurale, il en était un tout à fait original par la qualité de ses occupantes. C'était le 17 octobre, la commémoration ayant été décalée en Algérie de deux jours pour cause de week-end. L'étal était tenu par une mère et sa fille, deux femmes à la tête d'une exploitation agricole qui, contrairement aux autres exposantes, s'étaient engagées dans des activités autres que celles qualifiées de féminines dans le monde rural. Mais ce qui est tout aussi piquant dans leur aventure, c'est qu'elle ne remonte qu'à un peu plus d'une dizaine d'années, au moment où les ruraux se réfugiaient dans des taudis à la périphérie des zones urbaines, fuyant le terrorisme. A cette époque, la maman avait convaincu son époux de quitter Oran pour s'engager dans une plus saine et laborieuse vie à la campagne.
Elle avait bazardé sa petite entreprise et son époux la sienne pour faire surgir, au bout de plusieurs années de travail acharné, une ferme sur un sol ingrat des hauteurs du Kéroulis, un mont surplombant la vaste plaine de Hammam Bou Hadjar. Le lieu s'appelle maintenant douar Menouar. La maison d'une avenante conception architecturale, très rustique pour être en congruence avec son environnement, révèle une propriétaire très branchée et d'une urbanité jusqu'au bout des ongles. Elle le demeure malgré la gadoue et la bouse de vache au quotidien. A la mort du père, il y a une année, l'aînée des trois enfants, Nouaria, a rejoint sa maman pour l'épauler dans son élevage bovin et la production de lait. Nouaria, à l'état-civil Mahalaïne Lilia, est universitaire informaticienne. Son microcosme, l'Antinéa, était peuplé jusqu'au milieu de la décennie noire de ce qui faisait l'essentiel de l'intelligentsia oranaise. Lilia a été de tous les combats féministes. Cependant, si elle croit toujours aux idées généreuses, elle a pris ses distances avec les slogans.
Une passion de toujours
De ses attaches anciennes, l'activité théâtrale demeure sa passion de toujours. Elle continue d'être une théâtreuse. Son changement de cap n'est pas aussi étrange qu'il paraît, nuance-t-elle, quand on s'en étonne. Elle explique qu'après l'obtention du baccalauréat, c'est le métier de vétérinaire qu'elle avait en vue. C'est l'orientation imposée par l'administration universitaire qui l'a dirigée vers des études en informatique. Elle n'a cependant pas renié la compétence acquise en la matière. Bien au contraire, puisque son stand est le seul où trônait un micro portable égrenant des images de la ferme du douar Menouar. Elle lui a même permis, avec le concours de l'Internet, de mieux connaître les vaches : «Savez-vous que le caractère pacifique des vaches, ou plutôt leur crainte de nous autres, leur vient du fait qu'elles nous perçoivent plus monstrueusement grands qu'elles' Savez-vous encore que ce sont des bêtes très sensibles'
Et cela fait des malentendus car nombre de paysans qui se sont lancés dans la production de lait ignorent que lorsque le pis des vaches tarit, ce n'est pas l'alimentation qui est en cause. C'est plutôt le stress ! Elles ne supportent pas les cris et encore moins les coups qu'on leur assène!» Et de vous montrer sur son micro des vaches tendant le cou pour mendier des câlins que sa maman leur prodigue volontiers: «Vous voyez ! Une vache, cela n'est pas aussi vache qu'on le dit!» Nouaria s'est si passionnée qu'elle a sollicité un prêt CNAC, un soutien accordé spécialement aux chômeurs puisqu'elle en est, pour avoir abandonné son emploi de citadine. Elle projette de monter un petit élevage bovin pour la production de lait, soit une quinzaine de vaches avec l'équipement nécessaire, un attirail qui fait défaut à la ferme et qui fait que la traite se fait manuellement. L'affaire traîne depuis un an, de tracasseries bureaucratiques en d'autres du même genre. Mais Lilia s'étant imprégnée de ruralité, le temps est devenu pour elle plus relatif. Elle attend que l'affaire se conclue administrativement.


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