La région témouchentoise, successivement appelée Safar par les Berbères primitifs, Salsum Flumen par les Romains, le Zeidour par les géographes arabes du Moyen-âge, le Rio Salado par les Espagnols et le Témouchentois par les Français du XXe siècle, forme une province bien individualisée, entre la région d'Oran et celle de Tlemcen. Elle s'étend au Nord d'une chaîne de djebels dont les sommets atteignent une hauteur moyenne de cinq cent mètres, comprenant principalement, du Sud-est au Sud-ouest, le Tessalah et les massifs du Msikkés, d'Arlal, de Ferdéba et de la Skouna. Outre cette chaîne existent, vers le Nord-ouest, les djebels de Sidi Kacem et de Mendjel. C'est entre ce dernier massif et celui de Tessalah que s'étend le Bled Kerkour d'Aïn Témouchent, le plus curieux plateau de l'Algérie. Des hauteurs d'Anal, ce plateau apparaît d'une uniformité parfaite. En réalité, cette surface est accidentée, entrecoupée de mamelons, de collines et de ravins profonds, car les mouvements orogéniques qui ont accompagné l'effondrement de la Thyrrénide ont entraîné une série de fracture avec épanchements volcaniques, causant ainsi d'inévitables accidents de relief. Cet aspect de la région laisse déjà apparaître la richesse du terroir , mais à cela s'ajoute une situation géographique privilégiée dont on peut mesurer la valeur par différentes données physiques. Aussi, le Témouchentois forme un bassin relativement important qui alimente le Rio Salado. Ce cours d'eau, long de 83 kilomètres, prend sa source au djebel Arlal, passe à De Malherbe, au pied du Sidi Nouali, puis à trois kilomètres à l'Est d'Hamman Bou Hadjar. Il se jette à la plage de Turgot après avoir contourné la ville de Rio Salado, au Nord de cette agglomération. C'est sur sa rive gauche que le Rio Salado reçoit son principal affluent, l'Oued Sénane. Ce dernier prend aussi sa source au djebel Arlal, à 600 mètres d'altitude, passe à Aïn Témouchent, puis à proximité du centre de Trois Marabouts et rejoint le Rio Salado à cinq kilomètres de son embouchure, après un parcours de 52 kilomètres. Dans la région témouchentoise, la température est idéale. La moyenne est de 17 degrés. Le climat de la région témouchentoise est très sain. La proximité de la mer apporte son influence et sa régularité de température sans ajouter une lourde humidité.
Ain - Témouchent
Le chef-lieu de la province est la ville historique d'Aïn Témouchent. Ce nom vient d'un dialecte berbère qui signifie source des chacals, mais le vocable a été longtemps discuté. Il est apparu ensuite, d'une manière quasi certaine, que la source des chacals était la désignation que les Berbères du X1Ve siècle voulaient donner à leur agglomération bien que la signification exacte soit, étymologiquement, la source de la femelle du chacal. La ville d'Aïn - Témouchent se trouve à 72 kilomètres au Nord de Tlemcen et à 65 kilomètres à l'ouest de Sidi - Bel - Abbès, à une altitude variant de 240 à 260 mètres, sur un promontoire dominant le confluent de l'oued
Sénane et de l'oued Témouchent, à l'extrémité de la haute plaine, située au sud du Sahel d'Oran et dont le fond de la cuvette est rempli par la Sebkha. Le promontoire sur lequel la ville a été construite a son point culminant vers le Sud et commande les vallées des deux oueds alors que le plateau s'abaisse régulièrement vers le nord.
La cité française a été bâtie sur un emplacement qui a été choisi et occupé par les Arabes après l'avoir été par les Romains, et plus anciennement par les berbères parce que le lieu géographique a toujours paru d'importance. Commandant l'Oued Senane, le site d'Aïn Temouchent garde si bien la route qui monte vers l'lsser et Tiemcen, et descend à l'opposé vers la mer proche que les Romains, comme plus tard les Français au début de leur occupation, y ont établi, sur leur boulevard de défense, une simple redoute peuplée de soldats. Ainsi placé à la croisée de plusieurs chemins, au milieu d'un terroir volcanique, le poste, par la sécurité qu'il offrait au commerce et à la culture, devait inévitablement attirer et retenir les populations.
De l'antique Albulae à la cité Française.
Notre ville est l'histoire d'une vieille cité berbère que des hommes, sortis de la nuit des temps ont d'abord construite selon leurs coutumes primitives . Cette cité, riche en vestiges de plusieurs civilisations successives, apparaît, au XX` siècle, comme le renouvellement moderne de l'antique Albulae, citadelle et grande ville romaine du IVe siècle.
En 203, nous nous trouvons à Albulae en présence d'une population civile. Près du camp militaire, une bourgade s'est développée qui est habitée par d'anciens soldats, que retiennent des liens d'habitude ou de famille, et par des indigènes romanisés. Cette bourgade fait ensuite place à une ville. Le nom d'Albulae apparaît, sans autre indication, dans un premier document, l'itinéraire d'Antonin, œuvre du IV, siècle, qui semble être une espèce de guide général des routes de l'Empire romain. Tous les documents soulignent l'importance de la ville romaine d'Albulae. Il y a tout lieu de croire que le latin a bientôt fait oublier l'indigène et que la ville d'Albulae comprenait l'ensemble du poste militaire et des habitations civiles.
Des découvertes archéologiques confirment l'importance de ces constructions et l'étendue de la ville romaine. On a trouvé, profondément sous terre, une jarre, des pièces de monnaie, des pierres romaines, des ruines, et au stade municipal, à proximité, avec d'autres objets, une belle statuette de bronze de l'époque antique. C'est la preuve d'un vaste emplacement occupé par une population relativement importante. De constantes observations et les différentes mises au jour, en de nombreux points de la ville, viennent appuyer cette hypothèse. Aïn- Témouchent a vécu tous les grands courants de l'Histoire du Maghreb. Elle est le reflet du récit de tous les évènements qui s'y sont déroulés et c'est dire combien est ancienne la vie de ce coin de terre d'Algérie.
La région d'Aïn Temouchent fut d'abord le cadre sauvage de l' homme préhistorique du Rio Salado. C'est là que l'Empereur Hadrien harangua ses légions romaines et leur demanda de créer une ville - forteresse pour surveiller la vallée de l'lsser et le plateau du Nord. C'est là que Tacanus, évêque berbère, vécut des heures dramatiques. C'est là que le despote Ibn Sénane imposa sa loi. C'est là que mourut le célèbre Bab Aroudj, dit Barberousse, et c'est là que le doux Sidi Saïd offrit la paix de l'âme aux Béni Ameurs tourmentés. Abdelkader séjourna longtemps dans cette région, puis Bugeaud fut obligé de brûler, en grande partie, une ville que Safrané reconstruisit aussitôt après. Mais, à Aïn Temouchent, comme en Algérie, les hommes sont toujours les mêmes, les noms seuls ne font que changer. Le sort d'Ain - Témouchent est, de toute évidence lié à celui de l'Algérie, mais il demeure que la cité fut appelée à un bel avenir, et qu'elle garda l'empreinte ineffaçable de l'œuvre française.
L'arrivée en 1835
Laissons la parole à un témoin :
"Partis de la Division d'Oran, et donc arrivant du Nord, les soldats français s'avancent rapidement sur le plateau de Bled Kerkour et parviennent d'abord au fameux Chabet El Leham. Pour si incroyable que cela puisse paraître, ils découvrent, ça et là, des ossements humains blanchis par le temps et que les indigènes foulaient encore au pied. Les éléments français sont sur les terres des Béni Ameurs. La famille Bénaouda dirige l'Aghalik à Aïn Temouchent. Quelques vieux arabes Ouled Ali, fraction des Béni Ameurs, expliquent aux soldats que sur leur terre eu lieu, il y avait trois siècles, un terrible combat entre Espagnols et Turks de Tlemcen. Les premiers furent défaits et exterminés. Plusieurs milliers de cadavres furent abandonnés aux chacals. Puis, c'est l'arrivée devant Aïn - Témouchent. Et là, s'offrait un étrange spectacle. Le déboisement inconsidéré avait appauvri le plateau. Les lentisques et la pieraille dominaient la population locale, relativement importante, qui était groupée le long de l'Oued Sénane. Il y avait quelques jardins tenus essentiellement par les berbérophones. En ce qui concerne cette population, on pouvait constater la présence des Ouled Zéirs et des Ouled Khnlfa, fraction des Béni Ameurs eux-mêmes issus des Banou Hilals, mais peu d'hommes de vingt à trente ans luttaient aux côtés de l'Emir. On constatait quelques descendants des berbères Maghraoua et Médiouna, issus des Zenata et des Sanhadja, leurs ancêtres romanisés furent islaminés par la suite. Une communauté israélite relativement forte, de type oriental, vivait aux côtés des Béni Ameurs. Cette communauté venait dès 1668 de la ville d'Oran conséquemment à l'expulsion ordonnée par la Reine Régente d'Espagne. Elle provenait aussi de l'arrivée en 1492 d'israélites de retour d'Espagne à la suite du Rabb Ephraïm Enkaoua dont le tombeau, à Tlemcen, attirait les foules. Mais certains israélites, descendants directs de la diaspora, avaient perdu jusqu'à la connaissance de la langue hébraïque. La configuration présentait partout de nombreuses ruines romaines. Les chefs militaires savaient qu'une grande ville romaine existait là dès le troisième siècle de notre ère, sur l'emplacement d'Ain Témouchent et que cette ville s'appelait Albulae. Mais cette cité avait été détruite dès le septième siècle par un tremblement de terre et de violents incendies. C'est pour cela que les soldats français ne purent découvrir une nouvelle Cherchell ni une nouvelle Djémila. Cependant, on pouvait voir de grandes pierres carrées, entassées çà et là les unes des autres des pans de murailles encore debout avec des portes et des seuils, des dalles ayant servi de pavés et restant encore fixées dans le sol, des fragments de briques, de verres et de vieux ustensiles gisant pêle-mêle au milieu des décombres et des buissons qui en dissimulaient une partie de la vue. Il y avait un cimetière du Sud. C'est là qu'on recueillit des urnes de différentes dimensions contenant des os calcinés. C'était un cimetière païen. On voyait un aqueduc d'origine romaine, les restes d'une grande citerne, des artères dallées uniformes, des colonnes, des encorbellements, des statues romaines mutilées, de nombreuses pierres tombales chrétiennes, portant des épitaphes du cinquième siècle. La ville romaine, siège d'un évêché, devait être immense et l'une des plus belles réalisations du Haut - empire. Une modeste mosquée, quelques koubas, un cimetière musulman, de vieilles maisons arabes aux côtés d'assez belles constructions jouxtaient l'agglomération sur les rives de l'Oued Sénane. Il y avait aussi des bâtisses éparses sur le plateau qui offraient un bel aspect de style oriental. Le capitaine Paurandry réussit à s'attirer l'amitié d'un sage berbèrophone qui lui apprit qu'un siècle auparavant vivait Sidi Saïd, un célèbre marabout, véritable saint patron de la cité. Le capitaine Safrané qui succéda à Paurandry eut la charge de créer la cité française d'Ain - Témouchent. Nous ne parlerons pas des combats livrés par l'Emir Abd El Kader autour de la ville et des qualités combatives des Béni Ameurs. Le capitaine Safrané ne retournera plus en France. Après avoir consacré l'essentiel de sa vie à l'essor d'Ain - Témouchent, il mourut à Saf Saf, entouré de nombreux amis musulmans."
Quelques temps après l'incursion de 1835, l'autorité militaire d'Oran décida l'implantation d'un poste militaire à Aïn - Témouchent. Le corps d'expédition formait l'effectif de deux compagnies d'infanterie de ligne, d'éléments du Génie et de divers services. L'antenne médicale était très réduite. Il y eut d'abord l'installation des tentes et des premières murettes avant la construction des remparts. En 130 ans, la petite bourgade allait devenir la capitale algérienne du vin. Que de productions agricoles allaient enrichir notre patrimoine témouchentais grâce à l'Ecole d'Agriculture qui y sera implantée !
Comment oublier les Duffau chez qui les ouvriers agricoles musulmans voulaient toujours travailler et bénéficier de leur équité,... et le père Miquel du Cinéma, ..Armand Orssero et l'USSCT ancienne championne de l'Afrique du Nord, ...Henri Servières,... Marcel Beltran, Sauveur Rodriguez... Qui ne se souvient pas de l'activité des vendanges et la beauté des cultures, les orangeries des Barret, les Jardins de San Nicolas et le brave père Bonnal. Et Monseigneur Lecat le bâtisseur d'églises ! c'est à son initiative que l'on doit la construction de la basilique Saint Laurent d'Ain Témouchent, renouvellement moderne de la cathédrale d'Albulae. Le sort d'Ain- Témouchent fut, de toute évidence, lié à celui de l'Algérie française, mais il demeure que la cité fut appelée à un bel avenir et qu'elle garda à jamais l'empreinte ineffaçable de l'œuvre française.
Avec l'aide de M. Antoine Carillo, une association existe:
Amicale témouchentoise C/O Gautier Paul 27,
Les berges de Than
34540 Balaruc le vieux.
On lira avec intérêt l'ouvrage de Jacques de Labbaye sur Monseigneur LECAT, bâtisseur d'églises en Oranie (60 F + 10 F de port) à Jacques de LABBAYE - 4, rue de la Résistance- 34470 PEROLS
Posté Le : 07/03/2007
Posté par : hichem
Ecrit par : M. Antoine Carillo, Pnha, n°30, novembre 1992
Source : alger-roi.fr