Algérie - Ain Nehala

Aïn Nehala (Tlemcen) - Le premier village socialiste agricole crie sa détresse



Aïn Nehala (Tlemcen) -  Le premier village socialiste agricole crie sa détresse




Que devient aujourd’hui Aïn Nehala, ce premier village socialiste agricole inauguré dans la wilaya de Tlemcen il y a plus de quatre décennies?

En 1972, le défunt Houari Boumediène inaugura en grande pompe le premier village socialiste agricole, Aïn Nehala, dans la daïra de Aïn Tellout, à l’est de Tlemcen. Il s’agissait d’un projet fort ambitieux, initié par le président de la République de l’époque, comprenant la construction de 1.000 villages de ce type à l’échelle nationale dans le but «d’améliorer les conditions de vie précaires des paysans». L’intention était noble. Mais, dans la logique des choses, ces éleveurs, ces agriculteurs humbles, ont été arrachés à leur terreau, à leur essence même.

De l’obscurité, certes, ils se sont retrouvés brusquement dans la lumière… avec de l’eau au robinet. Sauf que se réveiller le matin pour allumer le feu, pour cuire le pain, traire les vaches et cueillir son déjeuner dans leurs champs ont disparu au profit du pain du boulanger, du lait de l’épicier et des légumes et des fruits au marché. Toute une métamorphose qui a quasiment brisé les bras des travailleurs et ôté tout goût au travail.

Mais, qu’est-ce qui empêchait ces paysans d’habiter dans leur nouveau village et travailler leurs terres?

«On vivait sur nos terres entourés de nos champs et nos bêtes. On nous a éloignés de tout ça, et en plus, en nous ‘‘transférant’’ dans cette nouvelle ville, on a mis du temps pour y croire. D’abord, on a été impressionnés par toutes les commodités, tout le confort. Pour nous c’était le paradis. Mais, passé l’effet de la fascination, on a senti qu’on n’était pas dans notre peau. On a compris qu’on nous avait mis dans une situation qui n’était pas la nôtre. On a été gagnés par le dégoût. On nous a enlevé le goût du travail puisque tout était à notre portée. On vivait dans une sinécure. Et paradoxalement, ce n’était pas reposant pour nous», tente d’expliquer Mokhtar, septuagénaire.

44 ans après son inauguration, le village est défiguré par tant de transformations, mais surtout l’indifférence des autorités qui, non seulement n’ont pas su lui garder son cachet, mais l’ont complètement abandonné.

Il y a trois jours, les villageois ont tenu à fêter cet anniversaire… dans la douleur. Des jeunes sans besogne ni perspectives, crient leur désarroi: «Nous sommes livrés à nous-mêmes. Nous n’avons bénéficié d’aucun projet de développement. Aïn Nekrouf, le chef-lieu de commune a tout raflé.»

Un anniversaire sans bougies en somme.

«C’est une opportunité pour attirer l’attention des responsables, des médias, sur notre destin. Nous sommes une population délaissée par les pouvoirs publics. Et dire que des sommes colossales ont été injectées pour des projets de développement des communes de la wilaya de Tlemcen. Nous ne nous sentons pas concernés par tout cela», précisent-ils.

Ces jeunes s’étaient déjà fait entendre, il y a quelques années, pour dénoncer leur marginalisation, mais en vain. N’en pouvant plus, ils avaient carrément demandé leur rattachement à une autre wilaya limitrophe.

Ce hameau de plus de 3.000 âmes vit dans l’anonymat… à seulement une quarantaine de kilomètres du chef-lieu de wilaya.

Sortira-t-il de sa léthargie après son cri de colère?

Toujours est-il que le premier village socialiste agricole, fierté de ses concepteurs de l’époque, est, aujourd’hui, une tare dans la wilaya de Tlemcen.


Photo: L'entrée du ville de Ain Nehala

Chahredine Berriah





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