Algérie

Aïn Defla, son radar et sa décharge



Au printemps, tout est vert à Aïn Defla. A condition de ne pas «tomber» sur le radar et de ne pas voir la décharge publique.

Aïn Defla respire. La formidable pression que subissait la ville, à cause de la circulation infernale sur la route nationale 5 reliant Alger à Oran, s'est considérablement atténuée depuis un mois, avec l'inauguration d'un tronçon d'autoroute permettant de contourner la ville. Ce tronçon, reliant Khémis-Miliana, à l'est, à Tiberkanine, à la limite de la wilaya de Chlef, sur 80 kilomètres, a d'ores et déjà permis de décongestionner la circulation de manière significative.

Les spécialistes attendent d'autres résultats positifs, comme la diminution probable du nombre d'accidents de la circulation et de victimes de la route. A l'inverse, l'activité commerciale risque de pâtir de cette situation, du moins tant que les infrastructures d'accompagnement de l'autoroute n'ont pas encore été aménagées et mises en service, avec les aires de repos, de restauration, les relais et différents services accompagnant une infrastructure de cette envergure. Mais, le plus grand soulagement vient des automobilistes. En plus du temps gagné, ils n'auront désormais plus à traverser certains villages, comme Sidi Lakhdhar, ni à souffrir l'enfer de certains tronçons, comme celui reliant Khémis-Miliana à Sidi Lakhdhar. La simple disparition de ces points noirs constitue une amélioration significative saluée par les professionnels du transport routier. Ils n'auront pas non plus à subir le célèbre radar installé à l'entrée est de Aïn Defla. Des milliers d'automobilistes ont été ainsi piégés par ce radar, avec pour résultat un retrait du permis de conduire et tous les désagréments qui vont avec, comme la nécessité d'effectuer de longs trajets pour les différents recours.

Ce piège était presque inévitable. Entre Hoceinia et Aïn Defla, il était fréquent de passer plus d'une heure pour parcourir une quarantaine de kilomètres. Mais juste avant l'entrée de Aïn Defla, on débouchait sur une belle voie express, où l'automobiliste se laisse aller à une pointe de vitesse, avec le sentiment d'être sorti d'un calvaire. Mais sur cette belle voie express, une minuscule plaque, très difficile à voir, limite la vitesse à 80 kilomètres à l'heure. C'est là qu'est installé ce radar qui semble destiné non à améliorer la circulation mais à piéger les automobilistes, avec l'aide d'une plaque absurde. Ces plaques sont d'ailleurs devenues une risée et un jeu pour les automobilistes. Ainsi, trouve-t-on une limitation de la vitesse à 80 kilomètres à l'heure sur de nombreux tronçons d'autoroute entre Alger et Blida, ce qui donne le sentiment que ces plaques ont été installées il y a des dizaines d'années et qu'elles ont été oubliées. Mais on se rend rapidement compte qu'il ne s'agit pas d'oubli, car sur la nouvelle autoroute à quatre voies, celle qui est qualifiée de « méga-projet », on trouve souvent la même limitation à 80 kilomètres à l'heure !

D'autre part, si Aïn Defla respire un peu en raison de la fluidité de la circulation, elle étouffe à cause de la décharge publique, à l'entrée nord de la ville. Cette décharge semble avancer inexorablement vers la ville : elle est désormais à moins de cent mètres du marché hebdomadaire, le plus grand rassemblement de population de la wilaya, semble devoir faire sa jonction avec les quartiers nord de la ville dans très peu de temps.

Les ordures sont déposées des deux côtés d'une piste qui mène vers des habitations situées près du lit de l'Oued Chélif. Les habitants de cette zone sont donc obligés de passer à travers la décharge pour se rendre en ville. Des enfants sont contraints de passer, au quotidien, à travers cette piste pour se rendre à l'école, au milieu des ordures, des chiens errants et des charognes. Même si un nouveau site a été choisi pour abriter une nouvelle décharge, le mal est déjà fait. Une partie de la périphérie immédiate de la ville est condamnée pour de longues années, à cause des odeurs et de la dégradation de l'environnement.

Ce site abritant la décharge publique tranche avec le reste du paysage, en ces jours de printemps. La plaine alentour est en effet d'une beauté à couper le souffle, partagée entre champs de blé, plantations de pomme de terre et arbres en fleurs. Aussi loin que porte le regard, des hommes, tels des fourmis dans un décor peint en vert, s'affairent pour nourrir le pays. C'est tout le paradoxe de cette ville, qui en compte d'autres. Ainsi, Aïn Defla a-t-elle participé à 95 pour cent aux dernières présidentielles, selon les chiffres officiels. Un tel chiffre suppose un engouement exceptionnel pour la vie politique, alors qu'en réalité, c'est une ville amorphe où, comme dans beaucoup d'autres, on parle d'abord de combines, de rapine et de résignation.




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