Mercredi, au niveau du siège de la DSA
(Direction des Services de l'Agriculture), s'est tenue une réunion qui a mis
face à face les agriculteurs et présidents d'Associations d'irrigants, d'une
part, et les responsables des secteurs de l'Agriculture à tous les niveaux,
ceux de l'Hydraulique, en charge du réseau d'irrigation du Haut, Moyen et Bas
Chelif, la région qui s'étend de Djendel à l'Est, à Relizane à l'Ouest,
c'est-à-dire, les responsables pour les wilayas de Aïn Defla, Chlef et
Relizane, ainsi que les responsables de l'Office national de l'irrigation et du
drainage (ONID). La réunion a été présidée par le DSA de Aïn Defla, mais coiffé
par Mr Kessira Mohammed, représentant du ministre de l'Agriculture, et du
Chargé de l'Irrigation au niveau du ministère des Ressources en Eau.
La présence de tous ces responsables,
relevant du département de Mr Sellal, ministre des Ressources en eau, venus en
force, n'est pas fortuite. En effet, la question inscrite a l'ordre du jour est
de taille : «lancer un programme où l'ONID et l'ANRH (Agence nationale des
Ressources hydriques) ne seraient plus cantonnés dans le rôle de «puisatiers»
et de commerçants de l'eau, le rôle accompli depuis toujours, mais un programme
dont la mise en place est en train de se faire, et où ces 2 organismes
deviendraient des partenaires à part entière, comme partie prenante dans le
développement de l'agriculture, c'est-à-dire engagés dans la bataille pour
relever le défi lancé, celui de réaliser et assurer à l'Algérie
l'auto-suffisance alimentaire, diminuer, la facture alimentaire qui grève
considérablement, comme chacun le sait, le budget national.
Selon les explications du délégué du
ministère de l'Agriculture, l'Etat a décidé de débloquer des sommes très
importantes pour le soutien à l'entretien des équipements, à l'acquisition des
outils d'irrigation, dans une première étape uniquement en direction des
exploitations agricoles en activité seulement dans les périmètres «irrigués» et
destinées aussi seulement pour intensifier la production et le rendement des
cultures stratégiques, pommes de terre, céréales, arboriculture, lait (plantes
fourragères) et viandes. Par ailleurs, renchérit le DSA, fort de l'expérience
vécue dans le cadre du FNRDA et pour éviter l'anarchie qui a prévalu où les
agriculteurs, livrés à eux-mêmes ont souvent été arnaqués par des fournisseurs
peu scrupuleux qui se sont largement «sucrés», en leur vendant des matériaux et
du matériel défectueux ou de mauvaise qualité, parfois perdus avant d'être
utilisés. Le promoteur du projet à savoir le ministère de l'Agriculture a
décidé d'une démarche toute différente : un état des besoins obéissant aux
critères pré-définis sera déposé, par chaque demandeur, au niveau de chaque subdivision.
Un comité technique, en collaboration avec
les spécialistes de l'ANRH et de l'ONID établira un état global des besoins de
la wilaya. Ce sera seulement sur la base des données figurant sur cet état que
le ministère débloquera l'enveloppe nécessaire. Par ailleurs, une autre
nouveauté, il appartiendra à l'ANRH et l'ONID d'acheter globalement auprès de
fournisseurs agréés et de livrer les équipements, les matériaux et les
matériels demandés par l'agriculteur.
Ce programme, explique-t-on, vise à utiliser
l'eau de la manière la plus rationnelle et la plus économique en modernisant
les techniques d'irrigation, bannir le gaspillage, et l'irrigation sauvage
surtout la gravitaire (les rigoles)
Selon les responsables, les besoins sont
énormes : de 650 000 ha en 2002 et seulement 5.000 ha au goutte-à-goutte, on
est passé à 920 000 ha maintenant, irrigués pour 170 000 ha seulement au
goutte-à-goutte, 150 000 ha par aspersion et le reste par l'irrigation
gravitaire la moins économique. L'objectif visé à moyen terme est d'irriguer 1
million d'ha dont 800 000 ha au goutte-à-goutte.
Pour la wilaya de Aïn Defla seulement, ce
sont 220 000 ha qui doivent être irrigués, mais seuls 45 000 le sont
actuellement.
Cependant, si d'emblée les irrigants et
agriculteurs disent adhérer pleinement à cette démarche en faisant valoir que
leur seule préoccupation est de disposer de l'eau d'irrigation d'abord, et d'en
disposer au moment où il le faut, conformément au cycle de développement
végétal et non pas après tout en se disant prêts à payer, même d'avance, les
concessions d'eau tout en exigeant qu'une convention légale soit établie entre
l'ONID et l'irrigant et que cet organisme la respecte.
Les différentes interventions des
agriculteurs et des représentants des associations d'irrigants ont permis
d'éclairer la situation qui prévaut dans le secteur gestionnaire de l'eau.
Pour le president de la Chambre de
l'Agriculture de la wilaya de Aïn Defla, il y a un dysfonctionnent flagrant
entre l'agriculture et les services en charge de l'irrigation «la gestion
administrative de l'eau d'irrigation a causé beaucoup de torts et de dégâts à
l'agriculture, notamment le calendrier établi pour les lâchés d'eau ne répond
en aucune façon au cycle de développement des cultures. Par ailleurs, il
préconise que si soutien il y aura, il doit aller aux propriétaires des terres
et non pas aux locataires temporaires qui se délocalisent au gré des
spéculations, surtout que la question du foncier agricole est loin d'être
réglée affirme-t-il. Se posera donc, dans le cadre de ce soutien, le critère
d'éligibilité à bénéficier de l'aide de l'Etat.
Le représentant de la Direction régionale
fait une digression et évoque la possibilité de contraintes qui limiteraient le
soutien, contraintes qui seraient imposées dans le cadre des accords avec l'OMC
et la Communauté européenne, une préoccupation qui est très éloignée pour
l'instant de celles des agriculteures qui, il l'ont tous affirmé, demandent de
l'eau au bon moment et en quantités suffisantes pour produire, mieux et plus.
Pour Djilali Miloud, de la Chambre de l'Agriculture de la Wilaya de Relizane,
«avant de mettre en pratique ce programme, il faut se demander si l'ONID a et
aura les moyens de sa politique, et de citer «en 2006/2007, seuls 40 % des
terres ont pu être irriguées, en 2008/2009, 47 %.
Par ailleurs, il a été dénoncé «l'eau a été
détournée pour 10 millions de m3 à partir du barrage de Guerguer vers Oran et
Mostaganem... pour alimenter les jets d'eau de certaines villes au détriment de
l'agriculture de la plaine d'El-Hamadna qui s'étend sur une superficie de 7.000
ha. Cependant, le directeur de l'ONID de la wilaya de Relizane rassure «Le
détournement des eaux vers les capitales de l'ouest va bientôt cessé», a promis
le ministre, reconnaissant ainsi qu'il y a bien eu détournement... mais pas au
profit de l'agriculture ni même de l'eau potable.
Pire encore, affirment certains
intervenants, il y a l'extension de la plaine de la Mina sur une superficie de
9 500 ha... le réseau d'irrigation réalisé par une compagnie chinoise achevé,
l'eau existe... mais toujours pas d'irrigation...
Pour le directeur de l'Hydraulique de la
wilaya de Aïn Defla, les quotats attribués dépassent les besoins.
Pour le représentant de l'Association des
irrigants de la wilaya de Relizane, le représentant de l'ONID tente de
justifier la situation qui prévaut dans cet organisme «l'ONID compte quelque
2.230 travailleurs et l'Etat ne nous a jamais donné un sou..., de plus, nous
vendons de l'eau à perte à raison de 2 à 3 DA le m3 alors qu'elle nous revient
à 5 DA».
Le DSA de la wilaya de Aïn Defla, prenant
la parole, situe les responsabilités «à l'ONID de régler d'abord le problème de
la disponibilité de l'eau, d'assainir sa situation. A titre d'exemple, nous
avons le cas de la plaine d'El-Merdja, dans la commune de Ben Allal... C'est un
périmètre très fertile, l'eau existe, disponible, le réseau installé, mais
aucune irrigation depuis 10 ans... une situation scandaleuse... Des
agriculteurs ont été dans l'obligation de procéder à des arrachages dans
l'arboriculture sur des ha parce que les arbres ont dépéri faute d'irrigation,
malgré les sommes importantes investies par l'Etat... un gâchis».
Mr Kettou Abdelkader, Chef de service à la
DSA de Aïn Defla, évoque, lui, les énormes déperdition qu'on enregistre dans la
région d'El-Abadia El-Amra «Dans ce secteur, sur 30 millions de m3 lâchés,
seulement 6 arrivent chez les agriculteurs, le reste se perd dans la
nature...».
Un autre intervenant parle de 150 demandes
de forages à l'interieur des périmètres sensés être irrigués «Cela, même si ce
n'est pas permis se comprend dans la mesure où chaque agriculteur cherche une
indépendance pour pouvoir disposer de l'eau au moment des besoins, et non pas
être esclave d'un calendrier d'irrigation inadéquat et obsolète imposé par
l'ANB (Agence nationale des Barrages), ANRH et autres ONID.
Un autre cas cité, celui du domaine Mahrez,
qui compte 2.700 ha de céréaliculture et 3.200 ha de culture de pommes de terre
mais où le réseau d'irrigation n'est pas opérationnel... En panne ! Même
situation au Domaine Zeraoula en ce qui concerne l'irrigation d'appoint pour la
céréaliculture : sur 300 ha à irriguer, seulement 100 ha ont pu l'être. «Alors
parler de contrat de performance...?!», s'interroge l'intervenant.
S'agissant des quotats d'eau d'irrigation
alloués par l' ONID, le DSA les trouve dérisoires : «Sur 120 millions de m3, on
nous alloue seulement le 1/3 soit 40 millions, alors que la wilaya de Aïn
Defla, la mieux lotie avec ses 5 barrages, dispose d'un volume stocké estimé à
650 Millions de m3...». Dans une lettre que nous a transmise Mr Bekka Benamar,
président de l'Association des irrigants de la wilaya de Aïn Defla, note «Les
Irrigants subissent à leurs corps défendant les néfastes conséquences d'un
déficit en eau et ce depuis 2006 - les quantités d'eau fournies ne
correspondent pas aux quantités pré-payées, pourtant, l'ONID leur fait payer
des suppléments inexplicables - la sur taxation est sans fondement - un grand
nombre d'Agriculteurs ne peuvent se prononcer ni souscrire à ce projet sans une
garantie légalisée par un contrat en bonne et due forme où chacune des parties
signataires serait justiciable... de disposer d'une irrigation constante,
équitable et coordonnée».
Arrivée à ce stade, la tension fut à son
comble dans la salle... Les critiques, fusant de toutes parts, s'appuyant sur
des faits et des chiffres, leur nombre, ont déstabilisé les responsables de
l'ANRH... Ne pouvant supporter plus, ces derniers n'ont pas trouver mieux que
de quitter la salle de réunion, le directeur de l'Hydraulique de la wilaya de
Aïn Defla en premier, suivi par ses collègues responsables du secteur des 3
wilayas... Par solidarité sans doute ou parce qu'indisposés par le fait d'être
mis mal à l'aise par les critiques, ensemble, les responsables de l'ONID ont
aussi pris leurs affaires et pris la poudre d'escampette.
Le DSA a alors demandé au secrétaire de
séance de prendre acte du comportement des responsables et de l'Hydraulique et
de l'ONID. Un des agriculteurs a alors dit, à haute voix, «C'est vrai la Vérité
blesse !!».
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Posté Le : 28/06/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : M N
Source : www.lequotidien-oran.com