Aiguilles de montre figées

En désespoir de cause, les aiguilles de la montre restent figées. Seule l'agitation grotesque, tournant parfois au carnavalesque, fait croire à l'imminence d'une perspective sérieuse après le dépôt des candidatures au Conseil constitutionnel. Ce dernier s'affaire, désormais, à examiner, et éventuellement valider les dossiers de la vingtaine de prétendants d'ici une dizaine de jours au grand maximum. D'ici là, espérons que les coqs de basse-cour cesseront de chanter, chaque matin, un lever de soleil différent selon la situation de l'intérêt personnel. Pour le moment, les marches font marcher l'inquiétude de la course folle qui renonce à s'accorder la possibilité de se donner un avenir, et les forces anti-émeute veillent au grain. C'est ainsi que, refusant de s'écouler dans le bon sens, les aiguilles de la montre n'arrivent plus à programmer une raison d'être ? ou de ne pas être. Le passé est aboli pendant que le présent est plongé dans un trou noir.Que s'est-il passé au juste pour en arriver là ' Chacun n'en faisant qu'à sa tête, l'engrenage temporel s'en trouve bloqué ! Ne reste plus qu'à tirer des plans sur la comète, de lire l'avenir dans le marc de café ou bien de décrypter les possibles dans le mouvement des astres pour y voir les bons ou mauvais signes. On en est là parce que, et il faut se l'avouer, la mesure du temps a changé chez nos chers compatriotes. Non, ça n'est pas d'heure d'hiver ou d'heure d'été dont il est question. Il s'agit plutôt de la façon d'appréhender l'avenir. Avant, l'attente se faisait en respectant les heures, les jours, les semaines et les mois. Aujourd'hui, ça n'est pas le cas avec les nouvelles technologies, et ce numérique qui, d'un seul clic, permet tout, tout de suite. En une fraction de seconde, le changement promis entre élections, débat national, une nouvelle République etc. ont lieu séance tenante et tonnante, sinon la concordance des temps est dans le délire de la dissolution de toute chose !
Et cette dernière exclamation pour glisser un autre point d'interrogation qui prendra à contre-pied ceux qui veulent bâillonner le tic tac des horloges qui se remettront à fonctionner. Qui pour mettre en place le gigantesque changement ' Sûrement pas ceux qui se défilent actuellement de toutes sortes d'institutions ou d'organisations, en soutenant du bout des lèvres les derniers mouvements citoyens et leur caractère pacifique. Ils espèrent un vide sidéral qui les fera revenir aux affaires comme si rien ne s'était passé. L'arrêt du temps n'est pas pourtant qu'un simple temps mort, c'est bien plus encore.
La dissolution de toute chose, l'effacement de tout ce qui fut et de tout ce qui n'aurait pas dû être a besoin d'idées mûrement réfléchies, mûrement débattues afin de séparer le bon grain de l'ivraie. Et si cet arrêt du temps, avec des aiguilles de montre figées, se traduit par des têtes d'enterrement, eh bien tant pis pour ceux qui ne prendront sûrement pas le train du changement annoncé. Ce temps d'arrêt permet, aussi, de ne plus mélanger torchons et serviettes, en nettoyant les cales du navire battant pavillon «Algérie». Sa sécurité et sa stabilité n'ont que faire de ces poules mouillées nourries au régionalisme et aux corporatismes arrimés au clientélisme de mauvais alliage. De notoriété publique, elles feraient mieux, pour sauver leurs plumes, de rester cachées derrière un anonymat de bon aloi en période de grand ménage?