À la veille de l’Aïd, Alger est en ébullition. Partout, on voit des moutons transportés sur les épaules, sur les mobylettes, dans des carrioles, des vélopousses... tous les moyens sont bons pour ramener son mouton. Des garages et même des impasses servent, ces jours-ci, de «parcs» pour moutons. Les transactions s'effectuent généralement de manière anarchique, sans aucune précaution contre les risques que peuvent engendrer ces pratiques. En effet, un nombre indéterminé de marchés s'ouvre au gré des disponibilités du terrain et des conjonctures.
Pourtant, les autorités ont pris une série de mesures destinées à préserver le cadre de vie et lutter contre les risques de dégradation, entre autres celle concernant la détermination du lieu d'installation du marché de moutons. Des bottent de foin mêlées a de la gadoue jonchent les trottoirs, l’entrée des immeubles et même dans les cages d’escaliers et les balcons sont transformés en bergerie pour ovin. Les cités deviennent des étables l’espace de huit à dix jours, et tout le monde s’en accommode.
«Je n’avais pas d’autres choix que de mettre mon mouton la nuit dans mon balcon et le jour en bas de l’immeuble, on me l’a ramené de Djelfa assez tôt pour éviter la flambée des prix», nous dit ce citadin.
Cet autre citoyen se dit satisfait d’avoir trouvé dans son quartier, un hangar où il fait garder sa précieuse bête jusqu’au jour de l’Aïd.
Il y a des moutons partout, même sur les places publiques d’Alger. Des moutons de six mois à quatre ans, des gros, des gras, des maigres, des hauts sur pattes ou des trapus, des avec cornes et des sans cornes et enfin des moutons au crânes rougis au henné. Des moutons qui déambulent sur les grandes artères de la capitale, qui traversent les rues ,qui montent des escaliers et qui broutent toutes les fleurs et les arbustes qui ornent nos ronds-points. La campagne s’est installé a Alger.
Aïd-el-Adha, une autre occasion de s’enrichir
L'Aïd-el-Adha, tout comme le Ramadhan, est le terrain propice pour se remplir les poches. Malheureux, ces parents qui, pour échapper à la tristesse de leurs enfants, le jour de la fête, préfèrent s'endetter. Ainsi, au-delà du sacrifice du mouton, symbolisant la soumission du Prophète Ibrahim à Dieu, ce rituel religieux crée son lot d'offres de crédits à la consommation auxquelles ne résistent pas de nombreuses familles désireuses de pouvoir commémorer cette incontournable tradition.
«Autrefois, l'Aïd avait aussi ses traditions. C'était une occasion pour la famille et les amis de se retrouver pour échanger les vœux de l'Aïd. La communion entre les voisins était profonde et peut aller jusqu'à offrir un mouton aux familles pauvres. Mais les temps ont bien changé, on n'égorge plus le mouton comme avant. L'évolution du mode de vie a entraîné de nouvelles habitudes», nous dit khalti R’biha.
«L'Aïd El-Adha est aussi l'occasion d'effacer toutes les rancœurs, de pardonner, de se réconcilier ou de se rapprocher les uns des autres... Et pour les enfants, cette fête est synonyme de joie, de gaieté et de bonheur.»
Mais beaucoup de gens ont oublié le vrai sens de l'Aïd, son sens religieux. Nombreux sont ceux qui procèdent à ce sacrifice pour se créer une bonne image auprès des autres, ou pour concurrencer le voisin. Même ceux qui n'en ont pas les moyens s'endettent afin d'acheter un mouton et faire bonne figure au sein de la société.
Ainsi, toutes les catégories sociales respectent la tradition. Rares sont les exceptions, et les plus pauvres empruntent ou vendent quelques pièces de leurs meubles pour acheter un mouton. Les sommes en jeu sont importantes. Mais la pression sociale est forte, et il est difficile d'ignorer l'Aïd.
«Que faire de la journée de l'Aïd si l'on n'a pas chez soi un mouton à découper? Se résigner à humer les brochettes du voisin est un inimaginable supplice à la limite de l'humiliation... jamais», déclare Latifa, veuve et mère de trois enfants.
Farida Larbi
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Posté Le : 15/10/2013
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Photographié par : Photo: D.R ; texte:Farida Larbi
Source : elmoudjahid.com du lundi 14 octobre 2013