«La liberté de
conscience et la liberté d'opinion sont inviolables». Constitution algérienne.
La problématique
des libertés d'opinion et de conscience est régulièrement, dans les pages de la
presse privée, parmi les soucis majeurs des défenseurs des droits de l'Homme,
d'ONG et d'observateurs étrangers. Or, cette problématique d'ordre
démocratique, sociétal et culturel est totalement absente des discours des
partis de la majorité parlementaire, d'éventuelles émissions régulières animées
par des experts à la T.V. Pour les formations politiques qui gouvernent,
l'évitement des questions religieuses, culturelles, de société, d'égalité entre
les sexes coule de source. N'ayant pas de programme propre structuré au sein de
l'Alliance présidentielle, chacun s'en remet au programme présidentiel et se
contente de gérer des équilibres internes, les quotas pour les élections, les
walis, les membres du gouvernement, les chefs de daïra, etc. Avec au préalable
et au final l'accord du cercle qui décide. Les questions qui fâchent, les
urgences stratégiques, les enjeux induits par la compétition internationale du
siècle, l'avenir des jeunes et du pays, le terrorisme et la place dévorante de
l'islamisme, de l'intolérance et de la bigoterie qui gagne ne figurent
nullement parmi les axes programmatiques de formations dominantes dans les
institutions. Les choses déterminantes, graves pour le présent et l'avenir, les
relations internationales, la place structurante des groupes audiovisuels
(public/privé) en Méditerranée et dans le monde arabe, les droits de l'Homme ne
concernent aucunement une majorité qui se comporte exclusivement comme un
monopole. Celui-ci est protégé de toute concurrence par le monopole du dessus,
celui des médias lourds financés par les citoyens sommés d'aller voir ailleurs
pour gagner des ouvertures, des respirations, des connaissances, des
informations sur les enjeux mondiaux et parfois sur l'équipe nationale de foot.
Mais subrepticement, mais rarement, une petite musique personnelle se fait
entendre sans que personne soit en mesure d'affirmer que cette petite voix est
libre, qu'elle n'est pas simplement l'expression d'une petite ambition à
l'intérieur du monopole. Il s'agirait en quelque sorte d'une filiale qui veut
des parts supplémentaires du marché contrôlé par la maison mère qui en tire
tous les bénéfices.
Le 17 octobre 1961 et sa commémoration sont
tombés cette année le jour même où Mme Alliot-Marie est arrivée à Alger pour le
motif officiel de la coopération judiciaire algéro-française. Et pourquoi pas?
La même semaine est paru en France un livre sur F. Mitterrand et la «Guerre
d'Algérie», sous la plume d'un historien et d'un journaliste français. La
veille de l'arrivée de la ministre de la Justice française, M. Seddik Chiheb,
vice-président de l'APN et membre du bureau national du RND, fait une avancée
remarquable sur la question de la repentance française.
Portant deux casquettes significatives, on
peut conclure que M. Chiheb est une voix autorisée. C'est d'autant plus
significatif que ses propos prennent le contre-pied de ce que vitupèrent à ce
jour le FLN et tous les démembrements de «la famille révolutionnaire» qui
pourtant n'engage aucune révolution et tête encore celle qui s'est terminée en
1962 de la manière maintes fois traitée par les plus pertinents des historiens
nationaux. Le livre sur F. Mitterrand n'a pas dérogé à la règle usée en Algérie
lorsqu'il s'agit des équipes dirigeantes en France, du 8 mai 45 à aujourd'hui.
Selon les affinités, les commanditaires et la séquence historique en Algérie,
il y a un véritable turn-over, pratiquement équilibré pour taper sur la droite
ou sur la gauche en France, saluer ou «incendier» un livre, un film ou une émission
TV. En fait, il s'agit uniquement de réagir à ce qui se dit et se fait en
France où les gens produisent, les députés débattent et se battent, les
artistes créent et les historiens publient. Ici, on réagit en retard, de
manière sélective.
Le point de vue inédit du RND sur la vieille
lune qu'est la repentance, et par ricochet sur la loi qui criminalise le
colonialisme, a le mérite de la lucidité qui mesure exactement la réaction
Algérie-France. Cette dernière, aujourd'hui et demain, ne pourra jamais être
jaugée et managée à l'aune de l'émotivité, de la rente symbolique ni à celle
des extrêmes qui en vivent dans les deux pays où les réalités politiques,
sociales et économiques sont différentes. En France, cinquième puissance
mondiale, 38 millions de contribuables partent en vacances chaque année. Les
artistes ont dans ce pays un syndicat créé par Gérard Philippe en 1958 et leur
TNT diffuse plus de 20 chaînes gratuites qui ont des obligations en
contrepartie de leur mise sur ce système. La chaîne W9 est obligée, par
exemple, de diffuser 50% de programmes dédiés aux musiques. Le vice-président
de l'APN énonce à juste raison que l'Algérie n'a pas besoin des excuses de la
France parce qu'elle a (l'Algérie) gagné sa guerre d'indépendance. Or, on dit
souvent que l'histoire est écrite par les vainqueurs. Ce qui est faux
concernant la guerre Algérie – France (1830-1962).
On s'empresse de commenter les décisions de
la gauche, de la droite, la parution d'un livre, d'une loi, d'un film, d'une
pièce ou le dernier rot du Front national ou du député U.M.P Eucas, sans rien
produire ici. Force est de constater que la révolution algérienne, le
cheminement économique, politique, social et culturel à ce jour sont
régulièrement analysés et rendus publics en France. Dans ce pays, qui a perdu
la guerre au Vietnam, en Algérie et cédé de nombreuses colonies à des régimes
«amis», on produit plus de films, de livres d'histoire, de téléfilms,
d'émissions, de rapports, de classements, de notations et d'archives déclassées
sur l'Algérie que le pays qui a pourtant remporté la victoire. Ici, on joue
plutôt à «Aïcha la pleureuse» au lieu de libérer les énergies, les médias et la
création pour enrichir la recherche historique, la mémoire collective et donner
aux jeunes de quoi être fiers de l'histoire de leur pays. Mais nous en sommes à
ce que la direction du FLN conteste le code communal futur alors qu'il lui
suffit, à l'APN, de proposer une loi conforme à sa contestation puisqu'il est
majoritaire. C'est encore là, une, parmi d'autres, différence entre l'APN d'ici
et l'A.N. de là-bas.
L'avance énorme prise par la France, le
vaincu, en quantité et sur la durée, ne relève d'aucun miracle ou «plan
spécial». L'histoire entre les deux pays, les liens et les conflits tissés, qui
se reproduisent chaque jour, font que toutes les libertés, la recherche
historique, la liberté de critique et d'expression, les combats pour une
société plus juste (toutes choses suivies en direct par les Algériens) font que
des batailles sont chaque jour remportées par la France. Des batailles qui ne
sont pas encore engagées ici où les retards s'accumulent entre Ouma et Oumia,
entre le direct et l'imam caché.
PS : «France 3» a diffusé, ce 17 octobre, un
téléfilm intitulé «Nuit noire, 17 octobre 1961», réalisé par A. Tasma. Cette
fiction, qui date de 2005, n'est jamais passée en Algérie alors qu'elle montre,
sur le mode de la fiction, la violence de la répression des autorités
françaises. Et c'est sur une chaîne publique de France qu'est commémoré, avec
un regard français, le 17 octobre!
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Posté Le : 21/10/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Abdou B
Source : www.lequotidien-oran.com