Algérie

Ahmed Ouyahia a rencontré les patrons privés : entre les propos et les actes, le fossé s'élargit


Au-delà du message politique qu'a tenté de transmettre le SG du RND – promettre monts et merveilles à  la veille d'un scrutin-test pour la crédibilité de son parti – Ahmed Ouyahia a tâché de répliquer tant bien que mal, tantôt à  coups de promesses, tantôt au moyen d'un discours tranquillisant aux questionnements des patrons privés algériens. Le Premier ministre a fait un four. Lui qui se targue traditionnellement de connaître la chose économique sur le bout des doigts et d'avoir investi quelques «mesurettes» dans l'amélioration de l'environnement de l'entreprise. Invité, lundi soir, à  expliquer aux membres du FCE le programme économique de son parti, le patron du RND a tenté de tirer un bénéfice de l'investissement du FCE dans le débat politique. Une opportunité aussi, entre les lignes, de rappeler son omniprésence dans le cercle décisionnel. Face aux interpellations et/ou aux observations émises par les chefs d'entreprises, Ouyahia s'est appliqué à  défendre une nouvelle religion ; ne plus s'empêtrer dans les dangereuses querelles sur la primauté de l'entreprise publique sur l'entreprise privée.Il est allé rencontrer les patrons pour reparler à  dessein du filet dans lequel s'emberlificote l'économie du pays : «La rente et la logique du bazar et des fraudes.» Au grand étonnement des chefs d'entreprise présents à  la rencontre FCE-RND, Ahmed Ouyahia, qui s'était mis à  discourir en enfilant son costume de Premier ministre, est allé jusqu'à dire ignorer complètement les contraintes bureaucratiques auxquelles sont confrontés les patrons algériens. Une maladresse. Pour tenter une solution susceptible d'atténuer la souffrance des investisseurs, l'invité du FCE a lancé à  l'adresse des patrons : «Parlez à  la presse si vous constatez que les portes de l'administration sont fermées.» Visiblement, la formule sert plus à  décourager les patiences qu'à mobiliser les efforts afin de «se battre contre la logique du bazar». Un vieux slogan. L'Etat, qui a laissé la rouille envahir dangereusement ses industries au profit des importations – lesquelles se sont établies à  46 milliards de dollars en 2011 – n'a fait que contribuer, tout compte fait, à  ancrer la logique du bazar dans les esprits des hommes d'affaires sans scrupules qui se sont investis dans le gain facile par le moyen des importations. Entre le marteau du crédoc et l'enclume des exonérations et facilitations accordées dans le cadre de la Zone arabe de libre-échange (ZALE) ou encore de l'Accord d'association avec l'Union européenne, les chefs d'entreprise les plus honnêtes se sont résignés à  l'évidence selon laquelle l'investissement en Algérie serait une affaire d'une complexité extrême. Certains ont accepté de guerroyer contre les injustices ; d'autres se sont exilés ; mais peu se sont «orientés vers la presse». Il y a manifestement un fossé entre les réalités du terrain et le discours du Premier ministre, qui n'a cessé d'appeler les patrons à  «investir fortement, y compris par le recours aux ressources publiques», de «soutenir le développement de la PME» et de «renforcer l'intégrité économique nationale». Au-delà de ce programme économique et des propos de Ahmed Ouyahia qui contrastent avec le bilan de ses plusieurs années à  la tête du gouvernement, le déclin économique du pays se fait ressentir à  tous les niveaux : dépendance accrue de la rente pétrolière, accroissement de la crise des importations (46 milliards de dollars en 2011), désinvestissement (des centaines de projets dorment dans les tiroirs du gouvernement), aggravation du phénomène du l'informel qui décime toute action de production nationale, etc. Le bilan de plusieurs années à  la tête du gouvernement s'annonce très amer pour le Premier ministre. Lui qui tente aujourd'hui, à  la veille d'une élection qui concourt à  légitimer le pouvoir en place, de faire avaler à  la communauté d'affaires une nouvelle recette assaisonnée à  coups de vieilles promesses. Théoriquement, Ahmed Ouyahia s'est déclaré en accord «avec la moitié des 50 propositions du FCE» formulées dans le Pacte économique de croissance que le Forum a soumis récemment au gouvernement.
Concrètement, l'émergence d'une croissance hors hydrocarbures, tel que souhaité par le patronat privé, pourrait le légitimer au détriment du pouvoir politique. Autrement dit, si la rente change de main au profit du patronat privé et de la société, le régime politique risque de se retrouver en mauvaise posture.
 
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