Algérie

Ahmed Hamdaoui. Président de l’Association des agences de voyages de Tamanrasset «Le tourisme est sinistré»



Ahmed Hamdaoui. Président de l’Association des agences de voyages de Tamanrasset «Le tourisme est sinistré»




- La prise d’otages d’In Amenas et la guerre au Mali ont-elles eu des effets directs sur votre activité?

En réalité, nous avons commencé à être perturbés dès le début 2010, puis cela s’est compliqué avec le déclenchement de la guerre au Mali. Nous avons vécu trois années de vaches maigres. Je dois dire, cependant, que vers la fin 2012, nous recommencions à recevoir du monde et cela nous a donné des espoirs pour 2013. Mais là, malheureusement, tout est annulé. En fait, en un mot c’est la chute libre. Cela nous crée évidemment d’énormes problèmes et c’est dommage, parce que l’arrêt de cette activité implique la disparition de notre source de revenus, surtout quand on sait que le tourisme fait vivre beaucoup de gens parmi les autochtones.
On estime entre 5.000 et 6.000 les personnes vivant directement de cette activité. Ajouter à cela les petits commerces: l’épicier, le boucher, l’artisan, etc. Les agences de voyages ne sont que la locomotive et toute une chaîne humaine nous suit. Nous avons des chameliers, des chauffeurs, des cuisiniers, mais aujourd’hui, nous vivons des moments très difficiles. Quand nous avons créé ces agences à la fin des années 1970, c’étaient de petites entreprises familiales, on se disait que si on pouvait faire vivre deux à trois individus et leurs familles grâce à cette activité, c’était très bien.

- Il y a eu pourtant des tentatives d’aide de la part des autorités. Que s’est-il passé?

Je ne doute pas de la volonté des autorités, qu’elles soient locales ou centrales. Il est vrai que l’actuel wali a essayé de faire bouger les choses dans le secteur du tourisme. Par contre, au niveau central, ils n’arrêtent pas de dire «on vous écoute» ; moi je pense qu’on nous a trop écoutés, maintenant il est l’heure de faire bouger les choses. Le secteur du tourisme est sinistré. Il a besoin d’être assisté, parce que nos moyens sont épuisés.

- Est-il possible, selon vous, de faire revenir les touristes étrangers, s’il y a conjugaison d’efforts, notamment du point de vue sécuritaire?

Je pense que c’est une question de temps. Même si les demandes sont aujourd’hui nulles, un jour les étrangers reviendront parce qu’il y a des adeptes, des amoureux de cette région ; ils n’attendent qu’une amélioration du climat pour revenir. Il suffit que l’Algérie tienne à cette activité. Il faudrait aussi qu’on se manifeste pour dire que le tourisme existe en Algérie pour qu’ils reviennent.

- Selon vous, le tourisme domestique peut-il remplacer le tourisme étranger?

Oui. C’est vrai que la région est connue pour le tourisme réceptif, c’est-à-dire avec les étrangers, mais cela n’empêche pas que l’on puisse accueillir aussi des nationaux. On a créé ce genre de tourisme avec les étrangers, c’est vrai, mais on peut le faire avec nos compatriotes, il suffit de mettre en place le matériel adéquat, préparer les gens à ce qu’ils auront à faire. Que vont-ils manger ? Comment vont-ils dormiront ? Si ces conditions sont remplies, on peut le faire. Et là, je tiens à faire remarquer que l’agence de voyages n’est qu’un maillon de la chaîne. Il y a aussi d’autres intervenants et surtout le transport aérien. Il faut que tout le monde s’y mette. Aujourd’hui, comme vous le savez, le billet d’avion n’est pas à la portée de tout le monde. Malgré les initiatives engagées l’année dernière par les autorités locales avec la direction d’Air Algérie, rien n’a changé. Malheureusement, ils n’ont pas compris le message. Le wali est intervenu directement auprès du PDG d’Air Algérie, mais cela n’a pas abouti. En septembre dernier, nous avons pris contact avec eux, mais hélas, ils ont réagi partiellement le 27 décembre et avec des conditions draconiennes qui ont fini par nous dissuader. Il est impératif que notre partenaire n°1, le transporteur aérien, doit jouer le jeu. D’ailleurs, c’est connu mondialement, tant que le tourisme domestique n’est pas encouragé, quelque chose ne va pas dans le secteur. Pourtant, on peut développer ce genre de tourisme.

- Un dernier mot…

Je voudrais souligner que notre souci majeur est la jeunesse. Une grande partie des gens que l’on fait travailler sont des jeunes. Nous vivons dans une région fragile, nous traversons des moments très difficiles et, en face, il y a tous les ingrédients explosifs: la drogue, la délinquance, le chômage en plus du terrorisme. J’en appelle aux autorités pour faire un effort afin que cette activité ne s’arrête pas, parce que si elle s’arrêtait, ce serait dommageable pour toute la population qui vit de cette activité. 

Nouri Nesrouche





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