Algérie

Ahmed Benbitour et Soufiane Djilali : Ce pouvoir autoritariste et paternaliste doit organiser son départ Actualité : les autres articles


Ahmed Benbitour et Soufiane Djilali : Ce pouvoir autoritariste et paternaliste doit organiser son départ Actualité : les autres articles
Le pouvoir algérien a toutes les caractéristiques d'une République bananière : il est qualifié par l'ancien chef de gouvernement et candidat à la présidentielle, Ahmed Benbitour, d'être à la fois «autoritariste», «patrimonialiste» et «paternaliste».
Soufiane Djilali, président du parti Jil Jadid, appuie ces qualifications, peu flatteuses du régime algérien, par une description très incisive de la psychologie des tenants du pouvoir, en considérant, en substance, qu'il s'agit d'une «gérontocratie autiste dont les seuls intérêts résident dans la préservation de ses privilèges». Si la rupture entre le pouvoir et la société algérienne persiste, le pays ira fatalement, à en croire les invités des rencontres d'El Watan, vers la «déflagration». Le pouvoir algérien se caractériserait, d'après l'analyse d'Ahmed Benbitour, par trois facteurs : c'est d'abord un pouvoir autoritariste qui n'admet pas les avis contraires.
De ce fait, il n'est pas informé de la situation réelle du pays. C'est, ensuite, un pouvoir patrimonialiste inspiré du concept développé par le général Suharto en Indonésie (qui a quitté le pouvoir, après 32 ans de règne, suite à une grève des étudiants). La caractéristique de ce type de pouvoir réside dans le fait que le chef est entouré d'un cercle de courtisans rivalisant de zèle pour lui plaire et bénéficier ainsi de ses gratifications. Pour la caste du régime, la société est incapable de comprendre la chose politique. Le pouvoir algérien a, par ailleurs, des attributs paternalistes. Se considérant comme le père de la nation, le chef affaiblit toute institution intermédiaire (gouvernement et autres) qui gênerait sa relation avec le peuple. «Lorsqu'un pouvoir est non informé, sans appui d'institutions, il devient défaillant», résume l'invité des Rencontres d'El Watan.
«Evolution ou révolution»
Soufiane Djilali explique que l'Algérie est aujourd'hui à une phase charnière de son histoire. Il résume son appréhension pour l'avenir du pays par une formule aussi lapidaire qu'efficace : «Evolution ou révolution». Le fait est, d'après lui, qu'une mentalité nouvelle s'est installée dans la société algérienne, en complète inadéquation avec celle du pouvoir. «Il n'y a plus aujourd'hui, explique-il, de canaux, d'instruments de compréhension entre le pouvoir, ceux qui décident de l'avenir du pays, et le reste de la population. Il y a une rupture au niveau du langage. On ne se comprend plus, car on n'est plus en mesure de le faire. Le pouvoir a été construit sur une mentalité figée, qui pense que l'autorité doit s'établir à travers un rapport de force. C'est ainsi qu'ils ont conçu la direction d'une nation. La nouvelle génération ne peut plus admettre ce rapport de force, elle a besoin d'un rapport de raison.» La manière de gérer les affaires de l'Etat serait, à en croire Soufiane Djilali, pétrie d'orgueil et d'arrogance. «Le pouvoir algérien pense qu'il sait tout, qu'il est omnipotent et omniprésent», décrit Soufiane Djilali qui considère que les Algériens ont besoin d'avoir des dirigeants qui rêvent pour eux et qui leur proposent un «rêve collectif». «Les années à venir vont être difficiles, prédit-il, il faut un véritable projet de société dans lequel les Algériens, et essentiellement la nouvelle génération, puissent se retrouver.»
«Un idéal du pouvoir incarné par le zaïm»
Décortiquant la psychologie du régime algérien, le président de Jil Jadid estime qu'il y a chez nos gouvernants un idéal du pouvoir incarné par le zaïm. «Le chef estime que l'Algérie est un bien personnel et que le reste ne doit pas concerner les Algériens. Tant qu'on ne sort pas de cet état d'esprit, qu'on ne limite pas les mandats, qu'on ne fait pas un Etat de droit, qu'un président n'est pas justiciable devant ses concitoyens, qu'il n'a pas à rendre des comptes, qu'il utilise les avantages de sa responsabilité et qu'il n'assume aucun de ses inconvénients, qu'il nomme les ministres sans aucune balise, on ne peut pas espérer quelque chose de bon pour ce pays », estime Sofiane Djilali. Le problème est aussi, selon lui, d'ordre générationnel.
Il est impossible, à ses yeux, que des hommes, de l'ancienne génération, puissent apporter des solutions à l'Algérie d'aujourd'hui. «Un pays jeune, dynamique, qui explose de vitalité ; on ne peut lui imposer une chape de plomb d'une gérontocratie qui ne veut pas finir et qui ne comprend plus ce qui se passe», dit-il, en soulignant que cette génération a eu un rôle héroïque jusqu'en 1962. Mais elle a échoué à mettre en place un Etat de droit. «L'opposition doit aider le pouvoir à s'en aller», tranche Soufiane Djilali. Encore faut-il que l'opposition algérienne se manifeste. Les invités des Rencontres d'El Watan estime que le président Bouteflika a délibérément désarticulé la scène politique algérienne pour éviter l'émergence d'hommes politiques qui pourraient lui faire de l'ombre.
«Il l'a fait délibérément pour atteindre un objectif politique : désarmer la société et l'opposition et éviter ainsi qu'il y ait une force qui se ligue contre le pouvoir. Il a joué de la corruption, elle est en bonne partie organisée, il a désarticulé les partis politiques de l'opposition, il a empêché la formation de groupes de pression populaires tels que les syndicats, les associations», affirme Soufiane Djilali. A l'en croire, le président actuel a voulu faire le vide autour de lui et a dévitalisé les hommes de partis à l'image de Belkhadem et d'Ouyahia. «L'Algérie va le payer par un manque flagrant dans sa classe politique. Le vide effrayant actuel en est la manifestation», prévient Soufiane Djilali. Si l'on en croit les deux intervenants, un éventuel quatrième mandat mènerait le pays au chaos.
Et la révision de la Constitution aurait pour but la mise en place d'une nouvelle dynastie au pouvoir. «Ce qui a calmé les populations, en 2011, c'est la rente. Vingt-trois jours après avoir signé la loi de finances, ils ont débloqué plus de 30 milliards de dollars pour apaiser les troubles et les émeutes. Cet argent-là, ni Ben Ali, ni Moubarak n'en disposaient. Si le pouvoir veut aller vers un quatrième mandat, c'est pour aller de nouveau vers la fermeture parce qu'il prendra acte d'une pseudo ouverture démocratique. Il reviendra très vite à ses réflexes premiers», explique Soufiane Djilani. Ahmed Benbitour dénonce l'immobilisme de l'Etat algérien. «Comment voulez-vous, s'interroge-t-il, que ce pouvoir prenne des décisions si le Conseil du gouvernement et celui des ministres ne se réunissent plus.» Les deux invités des Rencontres d'El Watan plaident pour que le régime prenne enfin conscience de la gravité de la situation et qu'il prépare son retrait dans la tranquillité.
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